Par M-J Fressard, Solidmar, 30/6/2018
Même
lorsqu’on s’attend au pire verdict en conclusion d’un de ces procès qui
s’éternisent pendant des mois au Maroc, - 9 mois en ce qui concerne le procès
du Hirak du Rif- on reste abasourdi en apprenant que 53 personnes paient très
cher d’avoir osé réclamer un hôpital, une université, des écoles et des emplois
pour une jeunesse sans avenir. Une vie digne, simplement. Mais pour ce régime
qui s’autoproclame exemplaire en matière de droits de l’Homme c’est « un complot visant à porter atteinte à
la sécurité de l’État » ! Délit grave qui mérite une forte
sanction, voire la peine de mort.
D‘invraisemblables
condamnations s’abattent donc sur ceux qui, pacifiquement ne demandaient que la
justice sociale, totalisant 259 années
de prison. Des peines allant de quelques mois à 20 ans d’incarcération. Années
de plomb souvent revisitées mais toujours latentes.
Le
peuple marocain se montre scandalisé en apprenant le verdict, mais l'entourage gouvernemental du roi trouve la sentence trop clémente, et regrette que
Nasser Zefzafi, le meneur du Hirak, ne soit condamné qu’à 20 ans.
L’État
qui est incapable d’imposer le respect des droits humains pour régler cette
crise du Rif, ne montre donc aucune
intention de changer de régime. Le roi,
qui a l’habitude de rejeter sur le gouvernement la faute de tout dysfonctionnement du royaume, a limogé
quatre ministres pour incompétence. Il reconnaît donc un échec dans la gestion
économique de cette région, mais n’hésite pas à punir de la manière la plus
inhumaine qui soit ceux qui dénoncent le même échec, le même retard à
faire décoller cette région marginalisée ! Logique arbitraire typiquement alaouite !
On
sait que depuis des décennies cette grande région du nord de l’Afrique, mal aimée successivement par l’Espagne, puis
par le Maroc qui en fait une terre sur-militarisée à croire qu’il a
pris peur de sa réputation de région rebelle et frondeuse.
Le malaise couvait donc depuis des générations
lorsqu’en octobre 2016 s’est produit le drame horrible qui a mis le feu aux
poudres : le jeune poissonnier Mohcin Fikri a été broyé dans une benne à
ordures.
Les
manifestations de protestation qui ont démarré dès le lendemain se sont
multipliées pendant plus d’une année dans les villes du Rif, mais aussi à
Rabat, Casablanca, Fès et d’autres villes marocaines et au-delà du Maroc. Les
slogans dénoncent la corruption, le règne de l’arbitraire, le manque
d’infrastructures, d’université, d’hôpitaux… La seule réponse à cette
juste contestation sociale est la répression, la torture, la prison : un mort par grenade
lacrymogène, 600 blessés, 450 arrestations, et pour 7millions de dégâts
matériels.
Après
un calme relatif dans les rues mais pas dans les esprits, dès la tombée du verdict
du 27 juin 2018, les Rifains ont réoccupé les rues des villes d’Al Hoceima, de Nador, Fès, Oujda,
Agadir. Et comme en 2016, la contestation s’est étendue au-delà du Rif et
au-delà du Maroc, et n’est pas prête à s’éteindre.
Dès
que le verdict a été connu, que la population est sortie dans la rue, la
répression a repris de plus belle.
Les
premières réactions au Maroc
- h24info.ma : L’avocat de la partie civile, Hassani
Karrout Hassani, a réagi aux peines prononcées par la Chambre criminelle près
la Cour d'appel de Casablanca, à l’encontre des détenus du Hirak du Rif. Pour
lui, les peines sont trop clémentes.(…) «Les peines
sont atténuées et clémentes par rapport aux accusations portées contre les
contrevenants et aux peines prévues par la loi. Certaines accusations méritent
la peine capitale et cela n’a pas été retenu contre les accusés»,
a-t-il affirmé.
H24 titre aussi : « Colère et incompréhension au Maroc après la condamnation des meneurs du "Hirak" »
-Selon le chef
du Parquet « On ne peut pas dire que
le verdict était sévère »
- Ramid,
Ministre d’Etat chargé des droits de l’Homme « espère des condamnations plus équitables en appel pour les
droits de l’Homme »
« Procès du Hirak: choqués, politiques et société civile dénoncent les verdicts »
« La jolie vitrine d’un pays qui avance sur la voie des libertés, de la démocratie et du pluralisme a éclaté en mille morceaux »
- Telquel couverture : PUTAIN 20 ANS
-
leconomiste.com : « Un test historique pour l’Etat de droit »… « un mouvement
social sans précédent depuis le mouvement du 20 février 2011»
- le 360 : « les
politiciens ont mis à mal la Justice en se solidarisant avec les
condamnés. »
-
lesiteinfo.com : « Les partis
politiques sortent de leur silence » Tous les partis de gauche
(PSU,PADS, CNI) s’engagent pour la libération des condamnés
« Les pires heures de l’histoire
marocaine »
-
Maroc Leaks : « Ces
condamnations sont un message implicite au reste des jeunes »
-
Ahmed Assid : « Ces jugements
reflètent une intention des autorités de
se venger des instigateurs de ce mouvement de contestation dans la rue par des
accusations préfabriquées »
Les
premières réactions en France et ailleurs hors Maroc
On
se souvient de cette déclaration choquante de Macron : « Il n’y a pas lieu de craindre une
volonté de représailles dans le Rif .» Il ne l’a pas contredite.
- La déclaration
timide du Quai d’Orsay a provoqué la déception : « la diplomatie française avait «pris connaissance des
condamnations prononcées dans le cadre du procès des manifestants du Hirak du
Rif marocain».
«Nous sommes attachés au respect des libertés
publiques. Nous sommes également attentifs à la situation économique et sociale
dans le Rif où nous menons des actions de coopération avec les autorités
marocaines, au travers de l’Agence française de développement, au bénéfice de
la population de cette région», a-t-elle dit.
-
Muriel Ressiguier, députée insoumise :
« J’appelle le Président de la République à s’exprimer. Le silence
assourdissant de la France est indigne de ses valeurs »
- RFI : « La peine de Nasser Zefzafi, une peine qui risque
d’aggraver les tensions »
Le
Monde : « Ce procès est
une façon de faire un exemple, c’est aussi une guerre d’usure avec les détenus
et leur famille », estime Me Nouaydi.
Les
publications telles que Le Monde, le Point, Politis, la Croix, etc dénoncent la
durée du procès fleuve et la sévérité du procès
TSA : Procès du Hirak au
Maroc : « les accusés
rejettent toute intention séparatiste »
Liberté
Algérie : « Rabat a choisi la
voie du pourrissement dans le Rif. »
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