Source : LesInfos.ma
10/07/2018
Les avocats des détenus du Hirak ont dénoncé d'importants manquements à l'équité lors de ce procès qui s'est conclu par de lourdes peines de prison, allant jusqu'à 20 ans de réclusion ferme. A l'occasion d'une conférence de presse, tenue lundi à Casablanca, la défense a souhaité faire le point sur ce brûlant dossier qui s'ouvrira en appel.
L'heure n'est plus à la langue de bois, dans les locaux de l'ordre des
Avocats à Casablanca. Après la décision de porter le dossier du Hirak en
appel, la défense des 53 détenus des protestations du Rif a ouvertement
dénoncé un procès empreint de manquements à l'égalité et à l'équité
tout au long de la procédure, qui s'est soldée par le sévère verdict de
près de 400 ans -en cumulé- de réclusion ferme.
Justice aléatoire
Pour Me Abderrahim El Jamaï, le procès s'est illustré lamentablement
par son absence « d'égalité des armes ». Il a fustigé une
instruction « à charge uniquement », soulignent nos confrères de
Médias24. Et pour cause, dans un communiqué commun émanant du collectif
d'avocats, ils précisent qu'au cours des 86 audiences de ce procès «le
parquet général, le juge d’instruction et le tribunal se sont comportés
avec un grand cynisme envers les principes de liberté».
Tirant à boulets rouges, les avocats pointent «le non-respect de
l’égalité due devant le tribunal entre la défense et le parquet
général», ainsi que «la violation de certaines procédures essentielles
comme la comparution des prévenus en liberté». Les avocats de la défense
soulignent ainsi « l’absence de raisons objectives et juridiques
motivant les mesures restrictives de libertés prises à l’encontre les
détenus». Pour l'ex bâtonnier Me El Jamaï, nous sommes tout bonnement
confrontés à un « usage aléatoire » de la détention dans cette affaire !
«Nous avons présenté nombre d’éléments montrant la réalité des choses
au tribunal, afin que celui-ci tranche en toute conviction sur la
véracité ou non des faits reprochés à nos clients, mais en vain. […]
Même en étant confrontés à de telles difficultés, les avocats de la
défense ne se sont désistés à aucun moment lors des audiences, où ils
ont tous défendu les militants du Hirak. Mais lorsque le tribunal a
manqué à son rôle en ignorant des requêtes légales et légitimes, les
détenus ont décidé de garder le silence puis de se retirer des séances.
Nous avons laissé le tribunal face à sa conscience, à l’histoire et à
l’opinion publique. Cela a donné les verdicts que vous connaissez»,
déplore-t-il au micro de nos confrères de Yabiladi.
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Hautement politique
Foncièrement inique, selon la défense, ce procès se caractérise par de
forts relents politiques également, avancent les avocats. Quand
l'opinion publique y perçoit « la mort de la justice réelle et
impartiale », la défense révèle « nombre d'erreurs procédurales ». Me
Khadija Rougani remet ainsi en question le bien-fondé de certains chefs
d'accusation, dont le plus sérieux et incriminant : l'atteinte à la
sûreté de l’État, dont est notamment accusé le leader du mouvement du
Hirak, Nasser Zefzafi. Relayée par Médias24, elle assure « qu'aucune
preuve n’a été apportée pour corroborer cette accusation, sinon quelques
publications sur Facebook. Des publications que je considère
personnellement comme des réactions psychologiques des habitants du Rif
vis-à-vis de la répression, le chômage etc. » Un avis partagé par
certaines personnalités politiques de gauche, dont Nabila Mounib,
secrétaire générale du Parti socialiste unifié (PSU), qui dénonce pour
sa part ouvertement un procès politique et appelle à la libération de
ces détenus qu'elle considère comme des victimes de la « hogra » et de
l'économie de la rente. L'ancien bâtonnier complète cette vision en
soulignant que les décisions suivant l'arrestation des détenus du Hirak,
étaient hautement politiques. Un accablant rapport présenté à la Cour
des Comptes a achevé de définir la nature de ce dossier du nord et s'est
par la suite soldé par le limogeage simple et direct de nombreux
responsables politiques. Nier cet aspect serait manquer d'honnêteté
intellectuelle...
Me Mohamed Aghnaj ajoute pour sa part que : « Le dossier est né
politique. Son dénouement doit se faire sur une solution politique »,
tandis que sa consœur, Me Asmae Al Ouadie, rappelle l'intérêt de cet
appel au jugement. Elle y voit en effet, une opportunité pour la
« Justice de réviser sa décision ».
Si la défense ainsi que certains militants de gauche croient fermement
au caractère politique de cette sortie de procès, aucune piste ne semble
pour l'heure se dessiner...
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