Mais le monde regarde ailleurs.
Nous, ça nous importe. Nous lisons avec angoisse les derniers rebondissements pour les prisonniers du Maroc et
nous nous sentons plus liés qu'eux. Ils réagissent, ils protestent, ils
risquent leur vie, mais ils ne se soumettent pas. Nous, oui. Nous nous
soumettons au manque d'imagination, en attendant qu'une protestation
soit convoquée. Nous nous consumons, mais nous ne savons pas quoi faire
ni comment. Il serait temps de commencer à agir, d'en bas, à partir de
nos sentiments.
La presse est
complice. Les médias diffusent toutes les nouvelles d'ici et d'ailleurs
sur des brutalités d'intensité variable, parfois en jubilant avec une
insistance maladive. Mais pas un mot des atrocités commises par le Maroc
dans les territoires du Sahara occidental. Ils disent : Le Sahara Occidental ne produit pas de nouvelles. C'est une situation stagnante. La presse a besoin de nouvelles.
Voici donc les dernières nouvelles produites dans un court laps de temps :
Prisonniers de Gdeim Izik:
Khadda El Bachir poursuit la grève de la faim qui a commencé le 18
septembre. Comptez les jours. Imaginez comment va la santé de Khadda,
qui continue à recevoir des visites brutales de ses geôliers, mais pas
d'un médecin. Ses compagnons à Tifilt2, considérée comme l'une des
prisons les plus criminelles du Maroc, sont également malades, isolés et
en jeûne - quelle force d'esprit il faut avoir pour ne pas tomber :
Mohamed Lamine Haddi, depuis le 5 octobre ; Abdalahi Bahaha, depuis le
1er octobre ; Mohamed Burial, depuis le 16 octobre. Bourial a été
transférée le 12, après un calvaire à travers diverses prisons, et placé
dans une cellule disciplinaire. Les raisons, vous savez : ce sont des
prisonniers politiques innocents qui exigent leur libération. Ils
veulent qu’au moins on les emmène
sur leurs terres, pas à 1 200 km de leur famille, ils veulent que les
traitements inhumains cessent. Et beaucoup de leurs grèves sont menées
en solidarité avec leurs camarades. Ainsi, les prisonniers de Kenitra et
de Bouzakarn -10 personnes- les soutiennent par leurs grèves. Les
premiers, 48 heures par semaine depuis le début de la grève de Khadda,
les seconds ont fait deux grèves de 24 heures.
Les prisonniers d'Aït Meloul, Bani, Lemjiyed, Lefkir et Ismaili
ont été rendus malades par la nourriture qui leur a été donnée. Ils ont
arrêté de manger parce qu'ils ont senti qu’on était en train de les
empoisonner.*
Abdeljalil Laroussi,
seul et isolé dans la prison de Laarjat, est très malade à cause de
tant de tortures. Amnesty International a lancé une action en sa faveur,
mais rien n'a changé. Amnesty International émet maintenant un
communiqué dans lequel elle
demande que la MINURSO puisse surveiller la situation des droits
humains. C'est un grand pas. Mais en attendant, pouvons-nous faire
quelque chose de plus pour chacun des prisonniers ?
Nasser Amenkour
est l'un des 19 étudiants du groupe de Marrakech condamnés pour un
crime non prouvé. Il a mené sa grève de la faim du 13 septembre au 10
octobre.
Et Mbarek Daoudi
? On ne parle pas de lui. Regardez ce que cet homme a enduré. Ils l'ont
mis en prison sans raison, bien qu'ils en aient trouvé une : il avait
gardé chez lui une vieille pièce, un mortier de ses ancêtres. Il a purgé
la peine requise et ils ne l’ont pas remis en liberté. La vengeance du
gouvernement marocain contre lui a également frappé ses enfants. Malgré
cela, il n'a pas hésité à mener une grève de la faim le 2 octobre en
solidarité avec ses camarades grévistes. Ils ne s’avouent jamais
vaincus. Ils osent. Pas nous.
Et ainsi de suite,
toujours et encore. Ceux de Gdeim Izik, les étudiants de Marrakech, les
journalistes, les dizaines de prisonniers ignorés qui ont l’effronterie
de réclamer leur autodétermination en sachant qu'il y aura des
conséquences.
Mais tout ça, ça ne sont pas des nouvelles.
Il y a des années,
lorsque la communauté internationale a appris l'existence de la prison
clandestine de Tazmamart, le Maroc s'est empressé de libérer les
prisonniers survivants, après les avoir nourris pour qu'ils n’aient pas
trop piètre apparence. Simultanément, il a démantelé le complexe pour
qu’il n’en reste aucune trace.
C'était une autre
époque. Le Maroc maintient maintenant ses prisonniers dans des
conditions indécentes, mais ne se donne pas la peine de les cacher.
Puisqu’il n'y aura pas de réaction... Et il n'y en a pas.
En effet, la question
des prisonniers, qui est un aspect fondamental de l'occupation
marocaine, passe inaperçue. Elle est englobée dans l’ensemble du
problème. Oui, il y a des pages consacrées au Sahara occidental qui
rendent compte de tout ce qui se passe ; oui, il y a des parlementaires
espagnols qui revendiquent en leur faveur en Europe ; oui, il y a des
observateurs qui vont aux procès pour dénoncer la supercherie. Mais il
n'y a pas de pression pour mettre fin à ces abus, ni dans les
institutions, ni dans la rue, ni en Espagne, ni en dehors... Quelqu'un
sait-il ce que la Croix-Rouge fait pour ces prisonniers ? Elle a des
accords et des obligations. Il devra répondre.
Chaque journée d’ un
prisonnier politique dans une prison marocaine devrait nous soulever de
nos sièges. Toute torture, tout passage à tabac, tout isolement, toute
humiliation, tout déni de promenade, de livres, d'hygiène, de médecin ou
de visite devraient nous faire sursauter d'indignation. Cela ne vaut
pas la peine d'être rejeté dans son ensemble. C’ est trop douloureux
pour ne pas personnaliser, ne pas insister sur chaque cas. Chaque minute
de grève de la faim sauvage devrait s'accompagner d'un mouvement de
soutien de notre part. Ils nous font confiance, espérant que leurs
efforts pour mettre en lumière la vérité sur ce qui se passe auront une
réponse dans le monde civilisé.
Ils sont en train de
les achever, cruellement, petit à petit, comme si le Maroc nous donnait
l'occasion de réagir. Mais nous ne relevons pas le gant, et le Maroc
sourit.
Les superstructures sont endormies. C'est l'heure des petits combats, en inistant jusqu'à ce qu'on nous prenne en compte.
Il y a un besoin urgent d'une campagne pour les détenus avec une seule date d'expiration : celle de leur libération.
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