Dans un contexte
marqué par de fortes tensions sociales, exprimées par le mouvement des
Gilets jaunes, dont les issues restent incertaines (retombées politiques
du Grand Débat National, percée de l’extrême droite dans les sondages
pour les élections européennes), 17 acteurs de la société civile,
rassemblant des associations environnementales, sociales, de solidarité
internationale et de défense des droits de l’Homme, des organismes de
recherche et des syndicats, dont la CFDT et Notre Affaire à Tous,
dénoncent la montée de ce qu’ils nomment « l’inégalo-scepticisme » en
France, dans un rapport à paraître le 14 mai.
Nombre
d’analystes, focalisés sur les indicateurs économiques classiques,
comme la croissance économique, les baisses d’impôts ou le pouvoir
d’achat, occultent une réalité accablante : 20% des français ne peuvent
pas faire trois repas par jour, portant ainsi à 5 millions le nombre de
personnes ayant recours à l’aide alimentaire (CFSI). En 2019, la France
compte 3 millions d’enfants pauvres (Les Petits Débrouillards). 30% des
agriculteurs ont un revenu inférieur à 350 euros par mois (Max
Havelaar). Si cela est encore insuffisant, notons également que les très
riches émettent 40 fois plus de carbone que les plus pauvres alors
qu’en pourcentage de leurs revenus, ces derniers paient 4 fois plus de
taxe carbone ! (Notre Affaire à Tous).
● La doxa traditionnelle nourrit les « inégalo-sceptiques »
Nos
organisations, fortes d’une expertise académique et de terrain, se
saisissent de la grille de lecture des Objectifs de Développement
Durable (ODD) pour révéler l’ampleur des inégalités en France et leur
caractère multidimensionnel. Les chiffres que nous avons évoqués
prouvent que les inégalités concernent, bien entendu, les revenus, mais
également l’accès à l’alimentation, aux soins (incluant des écarts
d’espérance de vie de 13 ans entre les plus pauvres et les plus aisés),
le genre, le numérique et sa diffusion inégale qui prive certains
individus de leur pouvoir d’agir, l’accès aux ressources (notamment
énergétiques) ou à l’eau et à l’assainissement (650 000 français n’ont
pas un accès physique permanent à de l’eau potable), l’accès à un
travail décent et à un environnement sain et sûr.
Souvent, ces
inégalités se superposent et se renforcent entre elles, conduisant les
plus vulnérables dans une spirale inégalitaire dont ils peinent à
s’extraire en l’absence de politiques cohérentes et d’ampleur de lutte
contre les inégalités. Le cumul de ces inégalités sociales et
environnementales conduit à l’ultime inégalité : celle face à la mort.
En effet, l’écart entre l’espérance de vie des hommes les plus pauvres
et les plus aisés en France est de 13 ans (71,1 ans contre 84,4 ans). En
ne s’attaquant aux inégalités que pour engranger des points de PIB, la
puissance publique passe à côté de son objectif premier : le bien-être
de ses citoyens. Cette vision, conjuguée à l’idée que la France est en
pointe concernant la redistribution, nourrit l’idée que la France est
sur la voie de la réduction des inégalités. Nos alertes
multidimensionnelles se heurtent ainsi à un phénomène d’«
inégalo-scepticisme ».
● La situation n’est pas insoluble mais passe par un changement de paradigme
C’est
pourquoi, afin de faire tomber les oeillères qui aveuglent les «
inégalo-sceptiques » et résorber les inégalités, l’engagement des
acteurs de la société civile sur le terrain est essentiel. Ce rapport
met en exergue l’importance de la cohésion sociale pour atténuer les
multiples vulnérabilités socioéconomiques et environnementales, ainsi
que les solutions que nos organisations doivent déployer et porter au
quotidien, pour ne laisser personne de côté et enrayer les corrélations
négatives des inégalités. Ecoute, dialogue, accompagnement de proximité
sont nécessaires pour permettre à toutes et tous de prendre part à des
approches en coresponsabilité. La lutte contre les inégalités est un
combat devant être mené par tous les acteurs, à tous les niveaux.
L’Association 4D a ainsi développé un flyer regroupant des actions
individuelles permettant à chacun de prendre part à la réduction des
inégalités ; celui-ci est mis à disposition chez les commerçants
parisiens du réseau Le Carillon. Au niveau collectif, nous exhortons les
acteurs publics et privés à s’engager pour définir des orientations
politiques et stratégiques plus justes et ambitieuses en matière de
fiscalité, d’investissements publics et privés, ou de lutte contre les
pressions environnementales et les dérèglements climatiques.
● Une Europe pour le bien-être de tous sur une planète vivante
Pour
déployer les conditions d’un bien-être pour tous sur une planète
vivante, tel que prôné par les ODD, on ne saurait se contenter de
solutions partielles et cloisonnées. En collaboration avec la société
civile, le gouvernement français finalise actuellement une feuille de
route nationale pour la mise en oeuvre des Objectifs de Développement
Durable, qui sera présentée par Emmanuel Macron lors de la prochaine
Assemblée générale des Nations unies en septembre 2019. Cette feuille de
route, future stratégie de développement durable pour la France, devra
proposer des réponses concrètes en matière de lutte contre les
inégalités dans toutes leurs dimensions, comme ce rapport en témoigne.
Coordonné par 4D et WECF France, ce document s’inscrit dans une
initiative pan-européenne réunissant des rapports similaires de 25 ONG
pour 15 pays de l’Union européenne, publiés en amont des élections
européennes.
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