vendredi 10 mai 2019

17 acteurs de la société civile dénoncent la montée de “l’inégalo-scepticisme” dans un rapport




Communiqué commun
Paris, le 10 mai 2019
Dans un contexte marqué par de fortes tensions sociales, exprimées par le mouvement des Gilets jaunes, dont les issues restent incertaines (retombées politiques du Grand Débat National, percée de l’extrême droite dans les sondages pour les élections européennes), 17 acteurs de la société civile, rassemblant des associations environnementales, sociales, de solidarité internationale et de défense des droits de l’Homme, des organismes de recherche et des syndicats, dont la CFDT et Notre Affaire à Tous, dénoncent la montée de ce qu’ils nomment « l’inégalo-scepticisme » en France, dans un rapport à paraître le 14 mai.
Nombre d’analystes, focalisés sur les indicateurs économiques classiques, comme la croissance économique, les baisses d’impôts ou le pouvoir d’achat, occultent une réalité accablante : 20% des français ne peuvent pas faire trois repas par jour, portant ainsi à 5 millions le nombre de personnes ayant recours à l’aide alimentaire (CFSI). En 2019, la France compte 3 millions d’enfants pauvres (Les Petits Débrouillards). 30% des agriculteurs ont un revenu inférieur à 350 euros par mois (Max Havelaar). Si cela est encore insuffisant, notons également que les très riches émettent 40 fois plus de carbone que les plus pauvres alors qu’en pourcentage de leurs revenus, ces derniers paient 4 fois plus de taxe carbone ! (Notre Affaire à Tous).
La doxa traditionnelle nourrit les « inégalo-sceptiques »
Nos organisations, fortes d’une expertise académique et de terrain, se saisissent de la grille de lecture des Objectifs de Développement Durable (ODD) pour révéler l’ampleur des inégalités en France et leur caractère multidimensionnel. Les chiffres que nous avons évoqués prouvent que les inégalités concernent, bien entendu, les revenus, mais également l’accès à l’alimentation, aux soins (incluant des écarts d’espérance de vie de 13 ans entre les plus pauvres et les plus aisés), le genre, le numérique et sa diffusion inégale qui prive certains individus de leur pouvoir d’agir, l’accès aux ressources (notamment énergétiques) ou à l’eau et à l’assainissement (650 000 français n’ont pas un accès physique permanent à de l’eau potable), l’accès à un travail décent et à un environnement sain et sûr. 


  Souvent, ces inégalités se superposent et se renforcent entre elles, conduisant les plus vulnérables dans une spirale inégalitaire dont ils peinent à s’extraire en l’absence de politiques cohérentes et d’ampleur de lutte contre les inégalités. Le cumul de ces inégalités sociales et environnementales conduit à l’ultime inégalité : celle face à la mort. En effet, l’écart entre l’espérance de vie des hommes les plus pauvres et les plus aisés en France est de 13 ans (71,1 ans contre 84,4 ans). En ne s’attaquant aux inégalités que pour engranger des points de PIB, la puissance publique passe à côté de son objectif premier : le bien-être de ses citoyens. Cette vision, conjuguée à l’idée que la France est en pointe concernant la redistribution, nourrit l’idée que la France est sur la voie de la réduction des inégalités. Nos alertes multidimensionnelles se heurtent ainsi à un phénomène d’« inégalo-scepticisme ».
La situation n’est pas insoluble mais passe par un changement de paradigme
C’est pourquoi, afin de faire tomber les oeillères qui aveuglent les « inégalo-sceptiques » et résorber les inégalités, l’engagement des acteurs de la société civile sur le terrain est essentiel. Ce rapport met en exergue l’importance de la cohésion sociale pour atténuer les multiples vulnérabilités socioéconomiques et environnementales, ainsi que les solutions que nos organisations doivent déployer et porter au quotidien, pour ne laisser personne de côté et enrayer les corrélations négatives des inégalités. Ecoute, dialogue, accompagnement de proximité sont nécessaires pour permettre à toutes et tous de prendre part à des approches en coresponsabilité. La lutte contre les inégalités est un combat devant être mené par tous les acteurs, à tous les niveaux. L’Association 4D a ainsi développé un flyer regroupant des actions individuelles permettant à chacun de prendre part à la réduction des inégalités ; celui-ci est mis à disposition chez les commerçants parisiens du réseau Le Carillon. Au niveau collectif, nous exhortons les acteurs publics et privés à s’engager pour définir des orientations politiques et stratégiques plus justes et ambitieuses en matière de fiscalité, d’investissements publics et privés, ou de lutte contre les pressions environnementales et les dérèglements climatiques.
Une Europe pour le bien-être de tous sur une planète vivante
Pour déployer les conditions d’un bien-être pour tous sur une planète vivante, tel que prôné par les ODD, on ne saurait se contenter de solutions partielles et cloisonnées. En collaboration avec la société civile, le gouvernement français finalise actuellement une feuille de route nationale pour la mise en oeuvre des Objectifs de Développement Durable, qui sera présentée par Emmanuel Macron lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies en septembre 2019. Cette feuille de route, future stratégie de développement durable pour la France, devra proposer des réponses concrètes en matière de lutte contre les inégalités dans toutes leurs dimensions, comme ce rapport en témoigne. Coordonné par 4D et WECF France, ce document s’inscrit dans une initiative pan-européenne réunissant des rapports similaires de 25 ONG pour 15 pays de l’Union européenne, publiés en amont des élections européennes.

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