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Lettre ouverte dont la LDH est signataire
Du
24 au 26 août 2019, le président français Emmanuel Macron accueillera à
Biarritz un G7 contre les inégalités, notamment femmes-hommes. La FIDH
et 68 de ses organisations membres à travers le monde s’étonnent
qu’à cette occasion l’Élysée, prétendant élargir la participation au
sommet, ait invité des Etats notoirement coupables de violations graves
et systématiques des droits humains tels que l’Inde et l’Égypte, et ait
rencontré le président russe Vladimir Poutine quelques jours seulement
avant le sommet. L’Union africaine et le G5 Sahel seront également
représentés au moment où les violations des droits humains perpétrées
dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Sahel sont de plus en
plus dénoncées. Nous pressons le président français Emmanuel Macron
d’aborder sérieusement la question des inégalités, en mettant les
représentants des populations affectées, la société civile ainsi que les
droits humains au cœur des débats, et en appelant à la mise en œuvre
effective des recommandations pertinentes des représentants spéciaux des
Nations unies.
Ce sommet
« au format renouvelé » - selon la communication présidentielle - ayant
pour thème la lutte contre les inégalités, en particulier
femmes-hommes, était supposé comprendre la participation d’ « acteurs
clés de la société civile ». Pourtant, il ne devrait finalement être
ouvert qu’à seulement dix personnalités issues d’organisations
nationales et internationales, lesquelles ne sont pour l’instant pas
admises dans la plupart des enceintes de discussions, dont le centre des
médias.
Alors qu’il est indispensable que les acteurs et actrices
majeur-e-s de la lutte contre les inégalités, que sont les défenseur.es
des droits humains, et en particulier les associations féministes,
puissent participer pleinement et activement aux discussions. Seule
cette participation donnerait crédit à la volonté proclamée de l’Elysée
de faire évoluer le format du groupe dans le sens d’un partenariat
renouvelé attaché aux valeurs démocratiques.
A
l’inverse, la démarche actuelle qui consiste à réduire la participation
de la société civile, tout en appuyant celle de régimes qui violent
quotidiennement les droits fondamentaux, et contribuent ainsi à creuser
les inégalités, hypothèque gravement la crédibilité du sommet à traiter
de son sujet. Ceci est d’autant plus préoccupant que ces Etats sont,
selon la communication de l’Elysée, élevés au rang des Nations partageant un engagement aux valeurs démocratiques.
Le régime du président russe Vladimir Poutine, loin de défendre les libertés fondamentales, se montre déterminé à venir à bout par tous les moyens de la contestation pacifique qui secoue Moscou depuis plusieurs semaines. A cette répression interne s’ajoute que la Russie,
soutien sans faille de Bachar El Assad en Syrie, s’est potentiellement
rendue complice de graves violations du droit international humanitaire.
De plus, la Russie est un mauvais exemple en matière de protection des
droits des femmes et des minorités sexuelles, ainsi que le démontre la
décision sans précédent des autorités russes en 2017 de dépénaliser les
violences domestiques, ainsi que l’absence d’enquête sur la répression à
l’encontre de femmes et d’hommes homosexuel-le-s en Tchétchénie. Nous
rappelons qu’en 2014 la Russie avait été exclue de l’ex-G8 en raison de
l’annexion de la Crimée. La rencontre, seulement cinq jours avant le G7,
entre les présidents Poutine et Macron semble suggérer que ce dernier
serait disposé à envisager un rapprochement de la Russie avec ce groupe bien que la situation en Crimée se soit détériorée.
S’agissant de l’Egypte,
nos organisations n’ont eu de cesse depuis de nombreuses années de
dénoncer la répression sanglante à laquelle le régime d’Abdel Fattah
Al-Sissi s’adonne à l’encontre de sa population. Malgré les graves
violations des droits humains commises dans le cadre de cette répression
en partie « made in France »,
le gouvernement français continue, sous couvert de lutte contre le
terrorisme, à autoriser le transfert au régime égyptien de matériel
militaire et de surveillance potentiellement utilisé à des fins de
répression interne, ce qui est contraire à ses engagements
internationaux. Enfin, l’impunité quasi totale relative au harcèlement
sexuel et aux mutilations sexuelles féminines, pour ne citer que
quelques unes des violences basées sur le genre commises à grande
échelle en Egypte, ne fait qu’ajouter au questionnement lorsqu’il s’agit
d’inviter ce régime à un G7 dédié en partie au combat pour l’égalité
femmes-hommes.
Ce sommet est aussi annoncé, par l’Elysée, comme un moment d’échange pour "bâtir un partenariat d’égal à égal" avec le continent africain. Ainsi, les présidents burkinabè, égyptien et sénégalais sont invités en leurs qualités respectives de président du G5-Sahel, de l’Union africaine, et de l’Agence de développement de l’Union africaine.
Moussa Faki, président de la Commission africaine, est également
convié. Sur le plan sécuritaire, les populations africaines demeurent
les premières victimes des attaques terroristes, des exactions commises
lors d’opérations anti-terroristes, ou encore des amalgames entre
terrorisme, rébellion, opposition politique et engagement associatif
pacifique.
L’Inde
est une autre invitée et cliente des armes françaises (la première
selon les chiffres disponibles pour la période 2009-2018) tandis que
doit être déplorée la répression en cours au Jammu-et-Cachemire,
où plus de 500 personnes auraient fait l’objet d’arrestations
arbitraires ces derniers jours, non seulement en termes de libertés
individuelles, mais aussi en raison des graves menaces sur la paix et la
sécurité internationales posées par les récentes décisions des
autorités indiennes au Cachemire.
Nous
renouvelons notre demande au gouvernement français de revoir les
modalités de sa coopération et de ses partenariats stratégiques avec les
Etats peu scrupuleux des droits humains.
Le
Rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême pauvreté et les
droits de l’Homme, Philip Alston, déplorait déjà en 2015 l’absence des
droits humains dans le débat sur les inégalités, rappelant leur place
essentielle si l’on veut en venir à bout. Il soulignait encore en juin
2019 le lien entre ces questions et la crise climatique. Ajouté aux
rapports des autres procédures spéciales du Conseil des droits de
l’Homme, le constat est sans appel : on ne peut traiter de la question
des inégalités sans œuvrer au respect des droits humains, à la
responsabilisation des acteurs économiques tant publics que privés, et à
la participation pleine et entière de la société civile.
En
conséquence, nous appelons le président Macron à placer le respect et
la réalisation des droits humains, leurs défenseurs et les populations
affectées au cœur des débats ; et nous appelons à ce que ce sommet du G7
débouche effectivement sur des engagements clairs des Etats
participants à mettre en œuvre les recommandations pertinentes des
représentants spéciaux des Nations unies qui traitent des inégalités et
de la crise climatique.
Signataires :
FIDH – Fédération internationale pour les droits humains
et les ligues membres de la FIDH suivantes :
Albanian
Human Rights Group, Alternative ASEAN Network on Burma – ALTSEAN-Burma
(Birmanie), Anti-discrimination Center Memorial (Russie),
Armanshahr/OPEN ASIA (Afghanistan), Asociación pro derechos humanos de
España, Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), Association
marocaine des droits humains (AMDH), Bir Duino-Kyrgyzstan, Cairo
Institute for human rights studies (Egypte), Center for civil liberties
(Ukraine), Centre libanais des droits humains, Civic committee for human
rights (Croatie), Collectif des familles de disparus en Algérie,
Commission for the disappeared and victims of violence - KontraS
(Indonésie), Dishwanelo - The Botswana Centre for Human Rights, Finnish
League for Human Rights, FLAC Free Legal Advice Centres Ltd. (Irlande),
Forum Tunisien pour les Droits Economiques et Sociaux, Foundation for
Human Rights Initiative (Ouganda), Groupe Lotus (République démocratique
du Congo), Hellenic League for Human Rights (Grèce), Human Rights
Association (Turquie), Human Rights Center (Géorgie), Human Rights
Center Memorial (Russie), Human Rights Center Viasna (Biélorussie),
Human Rights Club (Azerbaïjan), Human Rights Commission Pakistan, Human
Rights in China, Human Rights Society of Uzbekistan, International
Campaign for Tibet, International Legal Initiative Foundation - ILI
(Kazakhstan), Internet Law Reform Dialogue – iLaw (Thaïlande), Iranian
League for the Defence of Human Rights (LDDHI), Justice for Iran,
Kazakhstan International Bureau for Human Rights and the Rule of Law,
Kylym Shamy (Kirghizistan), La Ligue Guinéenne des Droits de l'Homme
(Guinée-Bissau), Lao Movement for Human Rights, Latvian Human Rights
Committee, Lawyers for Human Rights - South Africa, LDH – Ligue des
droits de l’Homme (France), League for Defence of Human Rights - LADO
(Roumanie), Legal Aid Society (Ouzbékistan), Legal and Human Rights
Centre (Tanzanie), Legal Clinic "Adilet" (Kirghizistan), Liga Voor
Mensenrechten (Belgique), Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de
l'Homme (LADDH), Ligues des électeurs (République démocratique du
Congo), Ligue Iteka (Burundi), Ligue ivoirienne des droits de l'Homme,
Ligue sénégalaise des droits humains (Sénégal), Ligue tchadienne des
droits de l’Homme, Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH), Maison
des droits de l'Homme du Cameroun, Odhikar (Bangladesh), Organisation
guinéenne des droits de l'Homme et du citoyen (Guinée), Organisation
Marocaine des Droits Humains, Organisation nationale des droits de
l'Homme (Sénégal), Palestinian Human Rights Organisation (PHRO) (Liban),
People’s Watch (Inde), Rencontre africaine pour la défense des droits
de l'Homme - RADDHO (Sénégal), Réseau Doustourna (Tunisie), Suara Rakyat
Malaysia (SUARAM), Sudanese Human Rights Monitor, Taiwan Association
for Human Rights, The Public Committee against Torture in Israel, The
Sisters' Arab Forum for Human Rights (SAF) (Yémen), Vietnam Committee on
Human Rights.
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