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samedi 23 mai 2020

Pour Adonis, le néolibéralisme est la « véritable pandémie »


« Quel monde pour demain ? », s’est interrogé, avec colère et amertume, le grand poète syrien Adonis, dans le quotidien libanais Al-Akhbar
Selon Adonis, « la plus belle des planètes risque d’être défigurée par ses propres enfants » (AFP)
Par MEE,20 mai 2020

Adonis, l’auteur de Prends-moi, chaos, dans tes bras, a dressé, dans le quotidien libanais Al-Akhbar, un tableau pessimiste de l’humanité confrontée à la pandémie du nouveau coronavirus.
« Ô nature-mère-Terre, à qui devrons-nous nous adresser et comment ? Regarde avec nous l’uniformité dominante, jusqu’au totalitarisme de la maladie et son universalisme, car au lieu que les peuples témoignent les uns pour les autres de la compassion et de la solidarité, nous voyons des peuples en punir d’autres, leur interdisant même d’acquérir le traitement, tout en leur envoyant leurs ‘’aides’’ et des ‘’cadeaux’’ dans les avions de la mort et de la destruction ».
Le ton est donné. Adonis, Syrien exilé en France, ne déroge pas à sa verve rageuse contre les puissants du monde et les cerbères politiques et religieux.
« Les ‘’intérêts’’, aussi minimes soient-ils, prédominent sur les ‘’causes’’, aussi importantes soient-elles. Ces intérêts sont liés au pouvoir et à l’argent et étendent exagérément leurs influences jusqu’à effacer la présence humaine en elle-même pour imposer la présence de la machine », s’insurge le poète, considéré comme l’un des plus grands depuis la disparition du Palestinien Mahmoud Darwich.

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Pour Adonis, alias Ali Ahmad Saïd Esber, la véritable « pandémie universelle » est ce « néolibéralisme dans sa forme américaine qui dirige en chef d’orchestre les chorales de la domination ‘’culturelle’’ […] au nom de la mondialisation ».
Une « mondialisation de la vulgarité qui glorifie le marché et le quantitatif, la machine et la chose ». Et selon lui, cette glorification va très loin, vers une horreur : la « destruction de la Terre ». Mais aussi la destruction de « la relation entre l’homme et la nature ».
Ainsi, « la plus belle des planètes risque d’être défigurée par ses propres enfants » en y créant « asiles et cavernes » : « des hangars de la technique et de ses machines, des casernes pour envahir et piller, des conteneurs de déchets, en commençant par les déchets radioactifs… »

« Quel rôle peuvent jouer les Arabes ? »

Mais où en est l’« homme arabe » dans cette catastrophe planétaire ? « L’humanité entière fait face à la pandémie de coronavirus, sauf dans le monde arabo-islamique : ses peuples sont occupés, du nord au sud et d’est en ouest, à s’exterminer les uns les autres, individuellement et collectivement », lance le poète en regrettant que la pandémie ne soit appréhendée que dans une perspective fataliste.
« Les Arabes n’ont participé à aucune des grandes révolutions », poursuit Adonis en citant les révolutions matérielle, électronique et biotechnique.
« Depuis quatorze siècles, les peuples arabes continuent à vivre comme des ‘’enfants’’ dans des pays qui ne sont que des ‘’garderies’’ surveillées par la politique religieuse. »

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Une « stagnation » qui contraste avec « la gigantesque présence quantitative ‘’matérielle’’ des Arabes », leur « espace stratégique » et leurs « richesses économiques et financières ». Mais tout cela, finalement, « ‘’n’appartient pas’’ aux Arabes », souligne encore l’auteur de Feuilles dans le vent.
« Quel rôle peuvent jouer les Arabes, scientifiquement et moralement, dans le destin du genre humain ? Resteront-ils dans leurs ‘’garderies’’ où en sortiront-ils ? Et comment ? », interroge le poète, âgé aujourd’hui de 90 ans.
« Sur la base de quel droit, de quelle religion, les Arabes aujourd’hui refusent-ils la pensée et la rationalité, les droits civiques, les libertés ? Comment peuvent-ils accepter l’inégalité entre l’homme et la femme et la culture de l’excommunication ? N’est-ce pas là une négation de l’humain ? », poursuit-il.
Tout ce que peuvent les Arabes, selon Adonis, est offrir ce « nouveau veau d’or noir », ce « jus de cadavres », au « maître-esclave » fabriqué par le « libéralisme sauvage occidental ».

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