Le cadeau empoisonné de Trump au Marocpar salahelayoubi |
A quelques semaines de céder son fauteuil à la Maison Blanche, Donald Trump fait au Maroc, le don d’un cadeau bien empoisonné, avec un Tweet lui reconnaissant sa souveraineté sur le Sahara, en échange d’une normalisation avec Israël. Le pays devient ainsi, le quatrième Etat arabe à se joindre au processus de normalisation initié et conduit par les Émirats arabes unis. Une initiative inspirée par le lobby sioniste, avec la bénédiction de Trump, l'un des présidents US les plus racistes et les plus méprisants auxquels les arabes aient eu à faire face. L’homme qui n'a, au demeurant, jamais eu grande appétence pour la politique étrangère, a même oublié trois ans durant, de nommer un ambassadeur au Maroc. Le locataire de la Maison Blanche vient de se souvenir que ce pays avait été le premier à reconnaître l'indépendance des USA, le 20 décembre 1777. C'est donc, en partie, pour le récompenser que Trump s'est fendu du Tweet en question.
Avec cette déclaration, le président américain remporte une victoire supplémentaire pour son administration qui cherche à faire de l’allié israélien une puissance prépondérante au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. De son côté, Rabat engrange, de la première puissance mondiale, une précieuse reconnaissance de sa souveraineté sur ce qu'il considère, depuis toujours, comme partie intégrante de son territoire national.
Nombreux sont les analystes qui s’accordent à penser qu’Israël est le principal bénéficiaire du deal et les palestiniens, ses plus grands perdants. La cause palestinienne se monnaye désormais à vil prix, par des régimes arabes conscients que c’est le lobby sioniste qui contrôle les décisions de la Maison Blanche.
Depuis le Tweet présidentiel, la rue marocaine est divisée entre zélateurs de la reconnaissance américaine et contempteurs de la normalisation avec l'Etat hébreu. Les autorités marocaines ont autorisé les manifestations de liesse des premiers, au mépris des règles sanitaires imposées par la propagation du Coronavirus. Elles ont, à contrario, dispersé, par la force, une manifestation symbolique des seconds, en violation du droit à manifester et du droit à la liberté d'expression. Une fois de plus, les autorités violent la constitution et se montrent sous leur vrai jour, dès lors qu’il s'agit d'imposer les décisions prises par un seul homme, au mépris des institutions représentatives du peuple.
Benyamin Netanyahu et son gouvernement de droite, grands gagnants de l'accord américain avec le Maroc.
Pendant que le débat sur la reconnaissance américaine fait rage dans les médias officiels et semi-officiels ainsi que sur les réseaux sociaux au Maroc, les médias internationaux se concentrent plutôt sur la décision de normalisation, en raison de ses répercussions géostratégiques futures sur la région. Tant la déclaration présidentielle américaine que la normalisation des relations israélo-marocaines ne sont que la confirmation de deux réalités. La marocanité du Sahara n’a, en effet, jamais été contestée par le Congrès américain. Pour preuve, les aides annuelles que l’Oncle Sam consent au Maroc n’ont jamais été subordonnées à un retrait du Sahara. L’officialisation de cette reconnaissance avait pour principal objet de conforter doublement le Maroc.
- En premier lieu, parce que le pays fait face à une agitation sociale constante, à une crise économique sévère et à une sortie incertaine de la pandémie de la Covid-19. Rabat avait cruellement besoin d’une victoire diplomatique, tout comme Donald Trump devait, quant à lui, effacer l’impression laissée par sa cuisante défaite aux présidentielles américaines.
- En second lieu parce qu’il fallait offrir une compensation aux adversaires marocains de la normalisation. Même si celle-ci relevait du secret de Polichinelle, en raison des nombreuses visites d’officiels israéliens ou de privés et des échanges économiques parmi les plus soutenus de la région nord-africaine et de la coopération sécuritaire entre les deux pays.
Lire également: Marocanité du Sahara contre normalisation avec Israël, deal ou marché de dupes ?
En
annonçant cette quatrième normalisation, Donald Trump fait coup double.
Il réussit à prendre place dans le monde arabe, tout en confortant la
position de son allié israélien et plus particulièrement le gouvernement
de Benjamin Netanyahu. Le premier ministre, sort grandi de l’accord qui
lui donne un nouveau blanc-seing pour poursuivre sa carrière
criminelle. Armé de son arrogance coutumière, il peut ainsi mettre en
avant son pacifisme de façade pendant qu’il viole le plus
tranquillement du monde les droits les plus élémentaires du peuple
palestinien.
S’il n’est pas certain que la victoire symbolique remportée par Rabat bouleverse, en sa faveur, l’équilibre des forces en présence, le fait que l'Amérique prenne officiellement partie pour le Maroc, risque de compliquer la situation et envenimer et prolonger un conflit vieux de quatre décennies et demi. D’autant que la Maison Blanche a lié l’accord à des négociations à mener entre les parties « sans délai, sur la base du plan d’autonomie du Maroc, comme cadre de négociation», selon les résolutions des Nations Unies et du Conseil de sécurité appelant à une solution politique convenue entre les parties du conflit.
La reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le Sahara ne changera rien au statut juridique du territoire dans les coulisses des Nations Unies
Ce qui ressemblait, au premier abord, à une aubaine n’est, en réalité, rien d’autre qu’un cadeau empoisonné qui ne profite qu’à son auteur, soucieux de satisfaire le lobby sioniste qui le soutient, sous la houlette de son gendre Jared Kushner. En outre, l’initiative aura pour avantage de brouiller les cartes pour Joe Biden et lier les mains de son administration dont tout rétropédalage ne manquerait pas de susciter l’ire d'Israël et son puissant lobby juif. Machiavélisme d’un Donald Trump décidé à prendre sa revanche sur celui qui lui a ravi « son fauteuil » à la Maison Blanche.
Rabat qui pensait sans doute avoir obtenu une reconnaissance de poids, en sera pour ses frais. Loin de mettre fin au conflit, l’initiative présidentielle ne changera rien ou si peu au statut juridique du Sahara, dans les coulisses des Nations Unies. Bien pire la décision de Donald Trump risque d’exacerber les tensions entre les parties en présence et aggraver l’imbroglio, entrainant ainsi de plus grandes difficultés au traitement du dossier par l’ONU.
Le cadeau de Trump est, à coup sûr imprégné de poison. Tel l’arbre qui voudrait cacher la forêt, la reconnaissance de la marocanité du Sahara, dissimule bien mal ce que vient d’entreprendre le roi, président du « Comité Al-Quds ». Circonstance aggravante, le gouvernement marocain est dirigé par le PJD, un parti islamique, qui a toujours clamé son attachement sacré à la cause palestinienne et au statut de Jérusalem. La décision de rétablir des relations avec Israël ignore souverainement le sentiment qui prédomine auprès d’une majorité de Marocains qui considère la Palestine comme la deuxième cause nationale après celle du Sahara et rejette donc toute forme de normalisation. Un refus d’autant plus justifié que l’Etat hébreu est dirigé par une coalition d’extrême-droite avec à sa tête un premier ministre raciste et arrogant. Normaliser avec un tel régime est condamnable parce qu'il se fait au détriment des intérêts légitimes du peuple palestinien en lutte depuis six décennies contre les crimes dont il est l’objet et contre l'injustice de voir sa terre occupée et ses droits les plus élémentaires foulés au pied.
Le cadeau empoisonné de Trump au Marocpar salahelayoubi |
Interprété par Salah Elayoubi
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