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samedi 17 avril 2021

Des prisonniers marocains en grande souffrance. Lettre à la Présidente du Conseil national des droits de l'Homme

Mme Amina BOUAYACH

Présidente du Conseil national des droits de l'Homme

Email : cndh@cndh.org.ma


Madame la Présidente,


Le journaliste Soulaiman Raissouni a été arrêté le 22 mai 2020 et placé en détention préventive à la prison d'Oukacha à Casablanca pendant le temps d’instruction relatif à une accusation de « viol avec violence et séquestration » alors qu'aucune plainte en ce sens n’a été déposée. Malgré l’absence de plainte, un procès s’est ouvert le 9 février et a déjà été reporté trois fois (prochaine date le 15 avril).

Raissouni a plusieurs fois demandé sa libération en vertu de l'article 23 de la Constitution marocaine, stipulant la présomption d'innocence mais cela lui a été refusé. Il présente pourtant toutes les garanties requises pour comparaître devant la justice dans le cadre d'un procès équitable.

Face à cette injustice et aux humiliations subies, il a entamé, le 8 avril dernier, une grève de la faim et de la soif illimitées, en vue d’obtenir sa libération, alors qu’il souffre d’hypertension chronique, a déjà perdu 15 kg depuis son incarcération et que la grève de la soif engendre des risques graves sur ses reins.

Le journaliste Omar Radi a été arrêté le 29 juillet 2020 et placé en détention préventive à la prison d'Oukacha à Casablanca pendant le temps d’instruction relatif à une accusation de viol. Il a demandé sa libération à plusieurs reprises sans jamais l’obtenir. Pourtant, il s’est toujours rendu à chacune des 12 convocations de la BNPJ où il a subi en cinq semaines environ 100 heures d’interrogatoire, ce qui est la preuve de sa volonté de ne pas se soustraire à son devoir de citoyen. Lui aussi a entamé une grève de la faim, à la date du 9 avril, alors qu’il a déjà perdu 10 kg depuis sa mise en détention, qu’il souffre d'asthme et de la maladie de Crohn dont une crise aiguë depuis deux semaines le met en situation permanente de diarrhée et vomissements.


Cette atteinte au droit à la présomption d’innocence et cette discrimination au regard d’autres accusés poursuivis en liberté est inacceptable. De plus, leur état de santé est incompatible avec un emprisonnement. Dans ce contexte, nous vous exhortons à faire en sorte de :

  • Libérer immédiatement et sans conditions Soulaiman RAISSOUNI et Omar RADI

  • Assurer les principaux intéressés et l’opinion internationale que l’ensemble des procédures engagées à l’encontre de Soulaiman Raissouni et d’Omar Radi soient conduites dans le respect du droit à un procès équitable en leur laissant les moyens de se défendre

  • Mettre un terme à toute forme de harcèlement et humiliation à leur encontre comme à l’égard de leur famille

Dans cette même prison d'Oukacha, il y a un autre gréviste de la faim, Chafik Omerani, ingénieur et youtubeur maroco-américain, arrêté à son arrivée au Maroc, à l’aéroport de Rabat-Salé le 6 février dernier, et condamné le 25 mars, en première instance, à 3 mois d’emprisonnement et à une amende de 40 000 dirhams (environ 3750 euros) pour son « implication dans des actes à caractère criminel en publiant des vidéos portant outrage à des corps constitués et des fonctionnaires ». Considérant que son arrestation et sa condamnation relèvent strictement d'une violation de sa liberté d'opinion, il s'est déclaré en grève de la faim dès le premier jour de son arrestation et il la continue jusqu'à ce jour. Solidaires avec Chafik Omerani, nous réclamons sa libération immédiate au nom du droit à la liberté d'expression, ainsi que la libération de l’ensemble des journalistes et des défenseurs des droits humains arbitrairement détenus au Maroc.


Dans l’attente de votre réponse, je vous prie d’agréer, Madame la Présidente, l’expression de ma haute considération.




Copie envoyée à :


Son Excellence M. Chakib BENMOUSSA

Ambassadeur du Maroc en France

5, rue Le Tasse, 75116 Paris, FRANCE

Tel : +33 (0)1 45 20 69 35

Fax : +33 (0)1 45 20 22 58

Courriel : info@amb-maroc.fr

 

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