Par Luk Vervaet, 21/7/2021
«
Vous vous attendez à quelque chose comme ça dans les pays pauvres, mais
pas ici », c’est ce que j’ai entendu d’une dame allemande à la
télévision, alors que meubles et voitures dérivaient dans une coulée de
boue à ses pieds. J'ai vu des gens dans l'un de ces centaines d'endroits
touchés en Wallonie, se tenant par la main alors qu'ils se traînaient
le long des maisons, dans l'eau jusqu'au cou, le regard terrifié. Des
personnes désespérées sur les toits, y compris des mères avec de jeunes
enfants, qui attendent de l'aide. Des gens qui ont tout perdu. Des
dizaines de personnes pour qui l'aide est arrivée trop tard. Les
familles dans l’angoisse de recevoir des nouvelles des disparus. Des
maisons emportées, y compris les souvenirs et les photos des enfants.
Des personnes sans électricité, sans gaz, sans eau. Les volontaires qui
arrivent, des jeunes Bruxellois qui libèrent les gens de chez eux. Le
roi et les ministres qui arrivent sur place. Des numéros de compte pour
fournir une assistance qui sont ouverts.
Ce
sont des scènes que nous connaissons et auxquelles nous sommes habitués
depuis des terres lointaines. Les inondations au Bangla Desh. Les gens
sans gaz ni électricité dans les maisons détruites de Gaza. Les hommes,
les femmes et les enfants qui se noient dans la Méditerranée en fuite
vers une vie meilleure en Europe. Et soyons honnêtes, au mieux on
regarde encore les images, mais on ne ressent souvent rien de plus que
de la frustration ou de l'indifférence.
En
signe de solidarité avec les sinistrés de notre pays, une journée de
deuil a été proclamée et la fête nationale aura lieu en mineur, et sans
bal populaire.
Quelques réflexions sur une fête nationale qui tombe littéralement à l'eau.
Un problème mondial
Même si nous vivons dans la partie la plus riche et la plus prospère du
monde, nous sommes partie prenante du monde globalisé d'aujourd'hui.
Les problèmes auxquels nous sommes confrontés ne sont ni locaux ni
régionaux, mais mondiaux. C’est ce que nous rappellent la pandémie
dévastatrice de Covid et les inondations, qui ont non seulement ravagé
la France, la Belgique, l'Allemagne, les Pays-Bas ou l'Autriche, mais
qui sont un phénomène mondial, sans frontières ni nationalité. Renvoyons
les théories sur notre « propre peuple, propre nation » et d'autres
formes de séparatisme à la poubelle de l'histoire. Une réponse aux
problèmes n’aura pas de frontières, sera collective et globale ou ne
sera pas.
Frappe préventive
Les
météorologues nous disent qu'ils s'attendaient à de fortes pluies, mais
pas à une telle masse d'eau, et qu'il était alors trop tard pour
évacuer les gens. Ils disent aussi qu'ils ne sont pas responsables de la
gestion de l'eau. Il y aura certainement une enquête sur les
responsabilités à l'échelon inférieur.
C'est
un peu différent en ce qui concerne l'état de préparation bien avant
les inondations. Dans le domaine de la prévention, la gestion de la
pandémie de Covid et des inondations nous apprend que nous ne sommes en
aucun cas préparés aux catastrophes mondiales qui nous attendent. Au
début de la crise du Covid, il n'y avait pas de masques, pas
d'équipements de protection même pour le personnel soignant ou pour le
personnel des maisons de retraite. Avec des conséquences
catastrophiques.
Depuis plusieurs décennies, des spécialistes tirent la
sonnette d'alarme sur le changement climatique et ses conséquences. Ils
avertissent les gouvernements que les inondations et les sécheresses
sont inévitables et nous frapperont désormais régulièrement. Non
seulement aucune mesure n'est prise pour minimiser les dégâts à venir,
mais même après une telle catastrophe nous n'avons pas de protection
civile digne de ce nom, les ressources sont insuffisantes, pas de
bateaux ou d'hélicoptères pour secourir les populations. La classe
politique continue, business as usual, particulièrement attentive à ne
pas gêner les multinationales. Il faut dire que le seul domaine où ils
frappent de manière préventive, c'est dans la guerre. C’est ce que nous
faisons depuis vingt ans. Nous avons participé aux frappes « préventives
» américaines contre l'Afghanistan et l'Irak, des pays qui ne nous ont
rien fait, mais que nous allons quand même bombarder avec nos F16.
Avions que nous allons remplacer au prix de 3,6 milliards d'euros pour
34 unités.
Réfugiés climatiques
Pour
la première fois, nous pouvons parler de réfugiés climatiques dans
notre propre pays. Des gens qui ont tout perdu et qui ne veulent plus
vivre ce qu'ils ont vécu. Ils veulent s'installer ailleurs, dans des
endroits plus sûrs. Ce qui est en passe de devenir un problème mondial.
Encore une fois, il faudra beaucoup de solidarité et d'entraide et ce
monde ne pourra survivre que sur la base d'une répartition juste et
équitable des richesses. Peut-être que ce drame fera grandir la
conscience que les personnes qui vivent des drames tels que les
catastrophes naturelles et les guerres ne peuvent que fuir. L'appel à la
régularisation de près de cinq cents grévistes de la faim à Bruxelles
en est un écho tout proche de nous. Parce que personne ne souhaite un
avenir dans lequel nos enfants ou petits-enfants devront frapper à une
porte inconnue pour trouver un refuge, à la recherche d'une vie
meilleure et plus sûre. Tout comme les gens du Sud aujourd'hui.
Traduction d'un article de Luk Vervaet paru sur : http://lukvervaet.blogspot.com/.../een-nationale-feestdag...
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