Blog du Réseau de solidarité avec les peuples du Maroc, du Sahara occidental et d'ailleurs(RSPMSOA), créé en février 2009 à l'initiative de Solidarité Maroc 05, AZLS et Tlaxcala
Vendredi 28 mai 2021, 9h30, Aïn Sebaa, quartier périphérique de Casablanca, face à la prison Oukacha.
Le léger voile de brume maritime qui recouvrait ce quartier de la côte
atlantique, se déchire lentement, par pans, laissant le soleil
reprendre droit de cité. La journée s’annonce torride. La température
frise déjà les dix-neuf degrés. Sweat noir, pantalon beige clair et
baskets blanches, une dame installe un petit campement, pour quelques
heures au pied d’un muret de clôture en pierres ocres, sur lequel court
un grillage. A ses côtés, son compagnon, Driss Radi. Le blouson de Fatiha Cherribi, c’est son nom, est entrebâillé sur un T-shirt frappé de l’effigie d’Omar Radi,
leur fils, journaliste d’investigation, victime de la vindicte du
régime, en raison de la pertinence de ses enquêtes, de ses interviews ou
de ses déclarations sur les crimes de la mafia au pouvoir.
Une irrépressible appétence pour le traquenard sexuel
Le journaliste de 35 ans dort en prison, à l’isolement, depuis le 29 juillet 2020. Il y a rejoint ses collègues
Taoufik Bouachrine et Soulaïmane Raïssouni,
respectivement incarcérés depuis le 24 février 2018 et le 22 mai 2020.
Les journalistes font tous les trois face à des charges similaires. Mais
dans le souci de donner du crédit à ses accusations, le parquet les a
agrémentées de variations sur le même thème pour lequel il semble avoir
désormais, une irrépressible appétence, le sexe : « traite d’êtres humains, abus de pouvoir à des fins sexuelles, viol et tentative de viol », pour le cas de Taoufik Bouachrine, « agression sexuelle » sur un militant LGBT pour Soulaimane Raïssouni et enfin « attentat à la pudeur avec violences et viol »
pour Omar Radi. Pour ce dernier, le parquet a rajouté une cerise sur le
gâteau, avec les charges d’ « atteinte à la sûreté intérieure et
extérieure de l’Etat ». Rien que ça ! Il faut croire que le logiciel des
sécuritaires et du parquet en plus d’être infecté et pollué par le
sexe. Pour s’en convaincre, il faut compulser l’actualité des
journalistes, des militants ou des défenseurs des droits de l’homme : Hicham Mansouri,
journaliste, arrêté à son domicile, déshabillé et filmé par les
policiers est condamné à dix mois de prison pour adultère Le 30 mars
2015; Hajar Raissouni,
journaliste, arrêtée en même temps que son fiancé, Rifaat Al Amine, à
la sortie du cabinet de son gynécologue et condamnée, le 30 septembre
2019, pour relations sexuelles hors mariage et avortement illégal; Fouad Abdelmoumni, économiste, militant des droits de l’homme et secrétaire général de Transparency Maroc,
filmé en février 2020, par une caméra espion avec sa compagne en
pleines ébats, dans leur chambre à coucher et la vidéo envoyée à sa
belle-famille et ses amis. Maître Mohamed Ziane,
ex-bâtonnier de l’ordre des avocats, ex-ministre délégué auprès du
Premier ministre chargé des Droits de l'Homme et défenseur de Taoufik
Bouachrine, objet, en novembre 2020, d’un montage vidéo montrant un
homme nu, lui ressemblant aux côtés d’une de ses clientes, Wahiba Kherchich.
Devant
la prison d’Oukacha, une dizaine de personnes se joignent, en ordre
dispersé, aux parents d’Omar Radi. Ils sont venus soutenir la cause des
détenus. Embrassades, étreintes et effusions cèdent rapidement le pas à
de véhémentes protestations et à d’innombrables quolibets. La veille,
après le départ du groupe, les autorités, courroucées par le sit-in
continuel des familles et des amis des prisonniers, devant la prison,
ont décapité un ibiscus, un yucca et un eucalyptus qui avaient pour tort
d’abriter du soleil les protagonistes de ces rassemblements. La
nouvelle de l’ignominie et les photos du saccage se répandent
immédiatement sur la toile où ils suscitent l’indignation générale.
1 dîner 2 cons, l’œil du cyclone
On
a tout écrit sur l’affaire Omar Radi. Le journaliste avait pris part au
Mouvement du 20 février 2011. Il avait sans doute, l’espace de
quelques semaines, été victime de la supercherie grandeur nature,
orchestrée par le Palais et ses complices, après l’éclosion du Printemps
marocain. Une escroquerie intellectuelle qui a débuté avec le discours
du 9 mars 2011 qui promettait, en effet, un peu plus que les
revendications de la rue. Si bien que l’on pensait que le Mouvement
avait fait plier le roi et l’avait décidé, sinon forcé à s’affranchir
des travers caractérisant son régime. Comme bien de ses confrères, Omar
pensait donc avoir gagné le droit à la liberté d’enquêter et de
communiquer à ses compatriotes, le résultat de ses investigations, en un
mot faire son métier de journaliste.
Le
référendum pour une « nouvelle » constitution approuvé à la manière
soviétique, à plus de 90% et les élections remportées par les islamistes
du Parti de la Justice et du Développement,
les affaires pouvaient reprendre pour le palais, au sens propre comme
au figuré. Le PJD avait promis de lutter contre la corruption et pour
plus de justice sociale. Il se fit défenseur des corrompus et de
l’injustice et leur bras séculier pour rattraper tous ceux qui
avaient, de près ou de loin, pris part au Printemps marocain,
artistes, poètes, chanteurs, journalistes, activistes ou simples
citoyens épris de liberté. Omar Radi était de ceux-là, même s’il passa
entre les gouttes de la répression immédiate. Bien plus tard, le 25 août
2018, l’homme dira son mot sur la méthode Mohammed VI, lors du sixième
épisode de l'émission « 1 dîner 2 cons », diffusé le 25 août 2018. Il dit :
-«……Carte
blanche a été donnée par le roi, dans son discours du trône, aux
sécuritaires de transformer le pays qui l’était déjà, en état policier, à
l’exemple de la Tunisie de Ben Ali……………….La police et les services de
renseignements ont accentué leur emprise sur le pays….. Ils ont accéléré
la dépossession des terres collectives. »
A
la minute 17.30, le journaliste explique les raisons profondes de la
révolte du Rif, ignorées par les marocains et qui sont la dépossession
de trente mille (30.000) hectares de terres entre Ketama et Al Hoceima,
pour alimenter l’assiette foncière du projet « Phare de la Méditerranée» (Manarat Al Moutaouassit).
Dans
la même séquence, Omar Radi se livre à un réquisitoire en règle contre
le bilan de Mohammed VI dont il dit qu’il a poursuivi le sabotage des
partis politiques entamé par Hassan II…………..
Il n’y aura jamais de septième épisode de l’émission. Quelques jours plus tard, l'Association Racines,
ayant hébergé le tournage du talkshow, est dissoute par les autorités.
Le nœud coulant se resserrait un peu plus autour du cou d’Omar.
On
a également tout éventé du traquenard sexuel tendu au journaliste. Qui
oserait, en effet, croire qu’une jeune femme violée n’appelle pas les
secours alors qu’à quelques pas de l’agression, se trouve réuni un
groupe de personnes ?
La mauvaise histoire belge
On
a également tout démonté de cette prétendue affaire d’espionnage qui
rappelle les histoires belges, l’humour en moins. Il faut, en effet le
dire, la pitoyable mise en scène imaginée par le Makhzen est une insulte
à tout ce que l’humour gaulois pourrait colporter sur les habitants
du plat pays. Un employé de nationalité belge qu’on prend pour un
diplomate hollandais et qui serait l’agent traitant d’Omar. C’est le
citoyen belge lui-même, Arnaud Simons, qui remettra les pendules à
l’heure et apportera un démenti cinglant aux déclarations du parquet
dans une lettre où il détaille les relations qui l’ont lié au détenu.
Il écrit :
« Le
poste que j’ai occupé a fait l’objet d’une offre d’emploi publique
avant mon entrée en fonction et après mon départ et aurait pu être
occupé par tout autre candidat, indépendamment de sa nationalité. Je ne
suis ainsi moi-même pas néerlandais mais belge, ce qui ne fait que
mettre en lumière le manque de sérieux des accusations d’atteintes à la
sûreté de l’État portées contre Omar. »
On aurait pu en rire et même se taper sur les cuisses, n’était-ce la tragédie qui emporte la famille Radi !
Avec
beaucoup d’élégance, l’ex-fonctionnaire de l’ambassade des Pays-Bas
évoque un manque de sérieux des accusations. Il aurait pu tout aussi
légitimement parler d’incompétence ou d’amateurisme, les policiers
n’ayant même pas été capables d’orthographier convenablement son nom,
transcrivant Simon en lieu et place de Simons. Au cours des auditions à
la BNPJ, Omar Radi aura eu beau demander aux officiers de police
judiciaire de corriger l’orthographe, s’ils voulaient retrouver l’homme
pour le faire témoigner. Rien n’y fit.
Dans
sa lettre, Arnaud Simons bat également en brèche la thèse officielle
d’un Omar Radi tentant de nuire à la situation diplomatique du Maroc, au
travers de la crise du Rif. Il écrit :
« J’ai
quitté le Maroc à l’été 2015…………….. Les évènements du Rif n’ont débuté
que bien après mon départ ……………………... Omar et moi n’avons depuis mon
départ plus eu aucun contact téléphonique et lui et moi n’avons jamais
discuté des évènements du Rif.
Il
semblerait pourtant que ce soit notamment sur base de cet élément que
se fonde l’accusation contre lui d’avoir violé l’article 191 du code
pénal, qui punit de cinq ans de prison l’« atteinte à la sûreté
extérieure de l’État [en entretenant] avec des agents étrangers des
intelligences ayant pour objet de nuire à la situation diplomatique du
Maroc ».
S’il
devait s’avérer qu’Omar a effectivement reconnu avoir eu des contacts
directs et téléphoniques avec moi coïncidant avec les événements en
question, ses aveux poseraient alors plus de questions concernant la
nature des séances d’interrogatoire qu’il a subies que sur
l’authenticité des faits.»
L'ibiscus qui refusait de mourir
Des
lignes accablantes en forme de démenti. Elles disent qu’en termes de
nuisance à sa diplomatie, le régime marocain n’a nul besoin d’aide.
Mohammed VI et ses thuriféraires s’en chargent à merveille, avec leur
comportement d’un autre âge ! Car si Mohammed VI avait été ce souverain
démocrate modèle, « roi des pauvres », qu’on avait vendu aux marocains à
la disparition de son père, et si son régime avait été la monarchie
parlementaire exemplaire dont la courtisanerie se gargarise, Omar Radi
n’aurait peut-être jamais été journaliste ou à tout le moins pas celui
que l’on connaît, auteur de ces enquêtes
qui lui valent aujourd’hui la prison. Car vous l’aurez compris, c’est
plutôt ailleurs qu’il faut chercher les raisons de l’arrestation du
journaliste et sa condamnation. Dans la pertinence des articles et dans
la qualité des enquêtes qui ont démasqué Mohammed VI.
Pas
une semaine ne s’écoule depuis son arrestation sans que, tour à tour,
Fatiha et Driss Radi, ne se fendent d’une lettre psychanalysant leur
peine, leur douleur et leur chagrin de parents. Aucun traducteur, aucun
interprète ne saura jamais rendre la charge d’émotion de ces
courriers-là.
Devant
la prison d’Oukacha, l’ibiscus étêté par les autorités a repris goût à
la vie. Il feuillit de plus belle et bien plus vert qu’auparavant, comme
un pied de nez à ses tortionnaires et un clin d’œil d’espoir aux
familles d’Omar, de Soulaïmane, de Taoufik et des autres. Au fond de
leur cellule, tous ces garçons me font penser à cet arbre magnifique
qu’on a voulu tuer et qui revient hanter ses assassins et leur rappeler
la tirade de l’apôtre de la non-violence, Mohandas Karamchand Gandhi, à
la face de ses tourmenteurs :
-« Vous
pouvez m’enchaîner, vous pouvez me torturer, vous pouvez même détruire
ce corps, mais vous n’emprisonnerez jamais mon esprit ! »
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Loi 02-03 : Nouvel appel pour sa révision
-
Le Collectif des communautés subsahariennes au Maroc plaide pour une
réforme de la loi 02-03, relatif à l’entrée et le séjour des étrangers au
Maroc. Les...
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