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lundi 7 mars 2022

Témoignage A Kiev, un Français raconte sa première soirée après l'invasion russe : "On s'apprête à passer la nuit dans le métro"



Pierre Marezcko, Français installé en Ukraine, et sa femme Victoria, ont choisi de passer la nuit dans une station de métro du nord de Kiev, la capitale du pays, le 24 février 2022. (PIERRE MAREZCKO)

Pierre Mareczko, trentenaire installé en Ukraine depuis trois ans, s'est réfugié avec sa femme enceinte de huit mois dans une station de métro, désignée comme un abri anti-bombes quelques heures après l'invasion du pays par la Russie.

A Kiev, la capitale ukrainienne, la journée a commencé avec le bruit des bombes."Ça nous a paru à la fois loin et très proche", raconte à franceinfo Pierre Mareczko, un Français de 35 ans qui a déménagé en Ukraine en 2019. Avec sa femme Victoria, enceinte de huit mois, il s'est réfugié, jeudi 24 février dans l'après-midi, dans une station de métro du nord de la ville.

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"J'ai reçu un appel du Quai d'Orsay, qui recense les Français du pays pour une possible évacuation, mais ça me paraissait compliqué avec ma femme sur le point d'accoucher", explique par téléphone l'ex-journaliste, reconverti dans la finance. Avant de descendre sous terre, il a étudié plusieurs options, comme prendre la route vers l'Ouest. "Trop risqué, a-t-il fini par trancher, on ne savait pas où aller... Et si c'était pour tomber sur des combats ?"

Plusieurs centaines d'habitants de Kiev installés dans une station de métro du nord de la ville, dans la soirée du 24 février 2022. (PIERRE MAREZCKO)

Derrière lui, un bruit strident l'interrompt. C'est le métro de la ligne M2, qui fonctionne toujours et roule jusqu'à 22 heures. "C'est assez surréaliste, glisse Pierre Mareczko. Après, toutes les lumières vont s'éteindre car nous serons placés sous couvre-feu jusqu'à 7 heures du matin, comme le prévoit la loi martiale. On s'apprête à passer la nuit dans le métro." La station où il se trouve fait partie des nombreux abris anti-bombes ouverts jeudi vers 16 heures, alors qu'un message du ministre ukrainien de la défense, Oleksiy Reznikov, était diffusé sur les chaines locales.

"On a entendu que des mouvements d'aviation avaient été détectés dans notre zone et qu'il valait mieux s'abriter au plus vite", relate Pierre Mareczko. Depuis, environ 300 personnes patientent dans la station transformée en camp de base, les yeux rivés sur les écrans de télévision ou collées à leurs téléphones. "Il y a des familles, des enfants, des personnes âgées, beaucoup de gens qui n'ont pas de maison secondaire dans laquelle se réfugier", décrit le trentenaire, qui se dit impressionné par le calme de ses voisins.

 

"On pourrait s'attendre à des scènes de panique, mais c'est tout l'inverse, répète-t-il. Quand ma femme s'est sentie malade, tout le monde s'est mobilisé pour l'aider. On a vite trouvé un médecin et les babouchkas viennent d'apporter un transat pour qu'elle se repose." Les babouchkas ("grands-mères", en russe), ce sont les employées du métro de la capitale, agentes d'accueil, guichetières... qui restent ce soir fidèles à leur poste. Un symbole rassurant pour certains réfugiés, alors que tous se préparent à dormir sur des chaises de camping et des tapis de yoga, déroulés à même le carrelage noir et froid de la station.

Pour Pierre Mareczko et ses proches, la nuit s'annonce rude. "On voit tous défiler les images de bombardements sur Telegram, raconte-t-il, sur des bâtiments qui ressemblent souvent à ceux de notre quartier." Sa femme, originaire de Louhansk, dans le Donbass, avait fui en 2014 la guerre avec les séparatistes prorusses. Elle se retrouve rattrapée par le conflit, et chaque heure passée dans la station de métro pose un peu plus la question de l'exil.

"Jusqu'à aujourd'hui, il n'était pas question pour nous de partir, parce que notre vie est ici, notre fille est sur le point de naître, confie Pierre Mareczko, mais je dois mettre ma femme en sécurité. Si la France est prête à nous évacuer, et que la situation s'aggrave, on partira, bien entendu."

 

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