Personne ne fera revenir Blessing Matthew à la vie. Elle est
morte noyée dans la Durance le 7 mai 2018 après avoir été
coursée par les gendarmes. Une mort « accidentelle » d’après la
justice qui avait, le 9 février 2021 déclarée un « non lieu »
pour clore le procès intenté aux gendarmes par par sa famille et
l’association « Tous Migrants » pour homicide involontaire, en
quelque sorte une mort sans responsable, une mort anonyme parmi
les 46 migrant.es décédé.es sur la frontière depuis la
militarisation de celle-ci.
Blessing Matthew était nigériane, elle portait un nom anglais
que l’on pourrait traduire par « celle qui est bénie », ou
encore par « bénédiction ». Elle était migrante et recherchait
une terre « bénie ». Elle n’a trouvé ni liberté, ni égalité, ni
fraternité encore moins de bénédiction. La mort, glaçante
d’effroi, horrible dans sa suffocation nocturne, l’attendait au
hameau de la Vachette.
Un « non-lieu » comme une immense injustice. Pourtant, il y
avait un lieu, la Durance. Pourtant, il y avait lieu, matière à
poursuivre, rien qu’en considérant les témoignages
contradictoires des gendarmes : elle est passée par là, non par
ici et nous ailleurs ! Il y avait un témoin, son camarade de
fuite mais il n’a pas pu parler, refoulé sans ménagement en
Italie. L’Italie en tant que « non-lieu » pour l’oubli, un
ailleurs voulu comme définitif sans un « au revoir » possible.
« La seule chose que je veux, c’est la justice » affirme lors de
la conférence de presse du 30 mai, la sœur de Blessing. « Que la
justice se remette en route » demande Michel Rousseau au nom de
« Tous Migrants ». Rouvrir l’instruction pour mettre la justice
dans son cheminement véritable, celui de l’enquête impartiale.
Des faits nouveaux le permettent.
D’abord, le témoignage d’Hervé, celui qui fuyait avec elle,
aussi apeuré qu’elle, mais qui a réussi à se cacher. Un témoin
capital pour donner une « mort neuve » à Blessing Matthew.
Ensuite, le travail méthodique, digne d’une enquête policière,
mené par « Border Forensics » suit, point par point, les
recoupements, les contradictions entre les récits des gendarmes
et celui d’Hervé. Cette enquête est visible sur leur site : https://www.borderforensics.
Le parquet de Gap a tous les éléments pour rouvrir
l’instruction. Le fera-t-il ? Le devoir de justice le réclame :
il est impossible de voler une deuxième fois la réalité de sa
mort à Blessing Matthew.
https://alpternatives.org/
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