La chercheuse brésilienne Larissa Mies Bombardi travaille depuis des années sur les agrotoxiques. Dans son livre Pesticides, un colonialisme chimique, elle dénonce comment l’Europe continue à exporter des pesticides qu’elle interdit chez elle. Entretien.
Basta! : Vous développez dans votre livre la notion de « colonialisme chimique », qu’est-ce que cela signifie précisément ?
Larissa Mies Bombardi : Je cite longuement Marx dans mon livre, car il montre bien comme le pillage de l’Amérique du Sud a été primordial dans les débuts du capitalisme. Le colonialisme chimique répète le colonialisme classique avec l’apparence de la démocratie, avec l’aide de conventions mondiales [trois conventions mondiales existent au sujet des substances toxiques : celles de Stockholm, de Rotterdam et de Bâle, ndlr] qui dissimulent les inégalités entre les pays et les blocs.
Cette structure réglementaire légalise les inégalités et je compare souvent la situation actuelle avec l’exemple de l’esclavage : réduire des humains en esclavage semblait intolérable pour une grande partie des sociétés européennes du 18e siècle, mais néanmoins, des entreprises de ce même continent étaient impliquées dans la traite esclavagiste.
Aujourd’hui, en Europe, certains pesticides sont interdits, mais exportés en même temps à l’étranger. Il en va de même pour les limites maximales de résidus de pesticides, qui sont beaucoup plus faibles en Europe qu’ailleurs. Le colonialisme se retrouve aussi sous d’autres aspects. Des populations autochtones sont toujours massacrées, par exemple au Brésil, et leurs terres dévastées. Les pesticides sont ici parfois utilisés comme des armes chimiques, mais aussi pour intimider ou expulser des paysans autochtones de leurs terres.
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