Quelques heures avant le coup d’envoi de la Coupe d’Afrique des Nations 2025 ! Le Maroc s’est mis au rythme et aux couleurs du football continental. Drapeaux, couleurs, annonces, logistique, tout y est et tout est sorti de terre en un rien de temps. Ça doit coûter cher tout ça non ? Comment se finance un tel événement sportif à l’échelle d’un pays ?
Sabrina El Faiz, lebrief.ma, 20/12/2025
Même son de cloche à Casablanca. Devant la gare Casa Voyageurs, les
taxis rouges sont décorés d’autocollants aux couleurs de la CAN. Certains
chauffeurs ont mis un petit drapeau sur le tableau de bord. Du marketing et du
nationalisme, le tout en un ! Dans les cafés du centre-ville, les écrans
repassent déjà des images d’anciennes éditions, les discussions vont bon train
entre pronostics sportifs et préoccupations plus prosaïques entre les billets,
déplacements, prix des hôtels… On s’insurge face à la hausse des prix, comme si
les Casablancais allaient louer une chambre d’hôtel dans leur propre ville.
À Marrakech, l’agitation arrive autour
des grands axes, les banderoles officielles se mêlent aux affiches
touristiques. La ville ocre n’en est pas à son premier coup d’essai. Après la
COP 22, le FMI, les très nombreux congrès, Marrakech a l’habitude de se plier
en quatre pour ses invités. Les hôtels se préparent, les compagnies de
transport révisent leurs horaires, les guides touristiques attendent les
touristes de tout le continent. On sent qu’il se passe quelque chose !
Et pour en arriver là, des mois de
préparation, de coordination entre ministères, collectivités locales,
établissements publics et organisateurs sportifs. Et dire qu’il y a encore
quelques jours, l’on se demandait s’il se passait réellement quelque chose. La
CAN mobilise des villes entières, redessine provisoirement l’espace public,
impose un rythme spécifique aux transports, à la sécurité, aux services
urbains… Le pays hôte vit quelques semaines au rythme d’un événement
continental.
C’est beau toutes ces couleurs,
vraiment. Mais comment faisons-nous pour payer tout ça ? Organiser une CAN, et
encore plus à l’échelle prévue pour 2025, implique des investissements massifs
pour les rénovations et constructions de stades, les infrastructures urbaines,
les dispositifs de sécurité, la logistique, la communication… et on passe.
Autant de postes qui, additionnés, forment une enveloppe globale difficile à
appréhender dans son ensemble.
À l’inverse d’un événement ponctuel
financé par une seule ligne budgétaire, la CAN s’insère dans un réseau de
projets préexistants, accélérés ou remodelés pour les besoins de la
compétition. Un stade rénové par-ci, une voirie réhabilitée par-là, un équipement
de transport modernisé… Officiellement, tout n’est pas lié à la CAN.
Officieusement, l’événement sert de catalyseur, débloquant des chantiers
parfois en suspens depuis des années. Un grand bonjour à la gare de Rabat Ville
au passage !
Les montants annoncés publiquement
donnent des ordres de grandeur mais ne rendent pas compte de toutes les
dépenses directes et indirectes. S’ajoute à cela la difficulté de séparer ce
qui relève de l’événement sportif de ce qui relève de politiques publiques plus
générales (infrastructures, développement urbain). L’on peut donc avancer qu’il
s’agit d’un modèle de financement hybride, entre fonds publics, partenariats
privés et revenus propres (droits de diffusion, billetterie…). Un modèle qui
marche à l’échelle continentale, sous la houlette de la Confédération africaine
de football.
À l’approche de la date, ces questions
prennent de l’ampleur. Non pas pour contester l’événement en lui-même, non il
s’agit d’une véritable vitrine sportive et diplomatique, mais pour essayer d’en
décrypter les enjeux économiques. À quoi sert une CAN, au-delà du spectacle ?
Quels résultats espérer, à court et à long terme ? Et comment mesurer, a
posteriori, un événement dont les retombées, positives ou négatives, se
répandent bien au-delà du coup de sifflet final ?
C’est ce match-là que nous avons envie
de décrypter.
Can 2025 : un budget global difficile à
définir
Il n’y a pas encore de bilan conducteur
avec un budget consolidé et final de la CAN 2025 au Maroc. Aucun document ne
rassemble, dans une seule enveloppe, toutes les dépenses réalisées pour
l’événement. Les chiffres annoncés sont plutôt des estimations globales,
agrégées à partir de projets séparés, menés par différents acteurs publics.
Les chiffres qui circulent dans l’espace
public tournent autour de 20 milliards de dirhams, un ordre de grandeur souvent
repris par les médias. Ce montant comprend essentiellement les dépenses
d’infrastructures sportives (rénovation de stades existants et construction de
nouveaux stades) et d’aménagements connexes nécessaires à l’accueil de la
compétition.
Cette non consolidation est due à la
nature de l’événement, évidemment. Une CAN ne se finance pas comme un seul
projet isolé. Elle intègre plusieurs politiques publiques déjà mises en œuvre
(équipements sportifs, urbanisme, mobilité). Plusieurs chantiers engagés ou
accélérés à l’occasion de la compétition étaient initialement prévus dans des
programmations détachées du calendrier sportif.
La plupart des dépenses de la CAN 2025
s’étale sur plusieurs exercices budgétaires. Les chantiers de rénovation de
stades, par exemple, ont été lancés avant même l’annonce de l’attribution de la
compétition, puis adaptés aux normes de la Confédération africaine de football.
Ces modifications ont parfois conduit à des révisions de coûts, sans que
celles-ci soient toujours justifiées comme étant dues à la CAN elle-même.
Les projets d’infrastructures de
transport obéissent à la même logique. L’amélioration de certaines routes, la
modernisation d’axes urbains ou l’adaptation de réseaux de transport public
sont officiellement motivées par des objectifs de mobilité à long terme. Leur
lien avec l’événement sportif est bien présent, mais pas toujours quantifié
séparément.
A cela s’ajoute la variété des maîtres
d’ouvrage. Les ministères, les collectivités territoriales, les établissements
publics, certaines sociétés d’aménagement agissent chacun dans leur champ, avec
leurs budgets, leurs calendriers. Cette division rend difficile toute addition
exacte.



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