Le coup de fil date du 7 juillet, au soir du second tour des élections
législatives anticipées. Quelques minutes d’échange avec l’Élysée. Un
conseiller du chef de l’État au bout du fil, comme souvent, pour nous
faire le sous-titrage de la pensée présidentielle. La gauche est en
tête, à la surprise générale, mais le Château insiste
:
« S’il y a une victoire à retenir, c’est celle des candidats républicains ».
À l’époque, on tique. Et puis dans les jours qui suivent, ces
déclarations, ces échanges en « off » qui nous mettent la puce à
l’oreille. Le 10 juillet, trois jours après le second tour, nous
écrivons
un article sur
« l’improbable scénario qui prend de l’épaisseur à droite » :
« gouverner sans la gauche, en concrétisant enfin l’alliance entre le camp présidentiel et LR ». Le 18 juillet, le « deal » se
concrétise à l’Assemblée nationale.
L’été passe, les Jeux olympiques détournent les regards mais, en
coulisses, l’Élysée avance sur son plan. L’affaire finit par aboutir le
21 septembre. Un gouvernement de Michel Barnier, avec Bruno Retailleau à
l’intérieur et
toutes les chapelles de la droite représentées.
Au diable la majorité, au diable la légitimité. L’essentiel est d’être
là. Conserver les positions, les leviers, les manettes, les décrets, les
nominations, les voitures et les chauffeurs. Après avoir appelé à un «
gouvernement du front républicain
»,
Emmanuel Macron a invité à gouverner les seuls qui ont refusé d’y participer. Pour faire passer la pilule au peuple de gauche, on essaiera quelques symboles,
des hausses d’impôts résiduelles.
De l’autre côté, on veillera à ne pas trop fâcher un Rassemblement
national qui a le droit de vie ou de mort sur ce gouvernement. Au
journal de 20 heures, Michel Barnier promet de combattre l’immigration.
C’est le même homme qui dénonçait, il y a dix ans, ceux qui
« jouent sur les peurs » et cèdent à
« l’hystérie collective » sur le sujet.
Dans la catégorie des archives, on se délectera (ou pas) du ton outré
de Bruno Retailleau lorsqu’on lui suggérait, à plusieurs reprises ces
dernières années, une alliance entre LR et macronistes. La droite,
soluble dans le macronisme ?
« Jamais ! », jurait-il. En le voyant assis à la table du conseil des ministres, lundi, on n’a pas pu s’empêcher de sourire.
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