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Télégrammes

La chute de «l’empereur» des télécoms
Abdeslam Ahizoune a été évincé de la tête de Maroc Telecom après 42 ans dans le secteur, dont 27 à la direction de l’entreprise. Plusieurs raisons circulent : sa santé, sa responsabilité dans l’amende de 640 milliards de dirhams en faveur de « Inwi », ou le retard du déploiement de la 5G pour le Mondial 2030. Mohammed Benchaâboun lui succède jusqu’en 2027 pour renforcer la stratégie du groupe. Ahizoune pourrait aussi perdre la présidence de la Fédération d’athlétisme.

mardi 4 mars 2025

500 Champions africains : le Maroc et l’Algérie s’opposent aussi sur leur modèle économique

 MAHER-HAJBI_2024  Maher Hajbi, Jeune Afrique, 3/3/2025

LE MATCH DE LA SEMAINE – L’un mise sur le secteur privé, l’autre sur la puissance publique. Dans la course au leadership économique sur le continent, Rabat et Alger s’appuient sur des atouts stratégiques différents. À qui revient le dernier mot dans cet énième duel à distance ?

Entre le Maroc et l’Algérie, une opposition structurelle.

Entre le Maroc et l’Algérie, une opposition structurelle.


La rivalité entre le Maroc et l’Algérie se joue aussi sur le terrain économique. Les frères ennemis du Maghreb adoptent, en effet, deux modèles aux antipodes l’un de l’autre. Le premier, fort d’une population d’environ 38 millions d’habitants et d’un PIB de 144 milliards de dollars en 2023 (source Banque mondiale), a fait le pari d’un secteur privé fort et diversifié. Le second, dont le marché est sensiblement plus large (environ 46 millions d’habitants avec un PIB de 248 milliards de dollars en 2023), s’en remet à la suprématie des géants publics, particulièrement celle de Sonatrach. Mais que révèle l’analyse des résultats de la nouvelle édition des 500 Champions africains de Jeune Afrique sur les atouts des deux pays ?

Sur le plan comptable, Rabat est représenté par 54 entreprises, majoritairement privées (39), contre 13 sociétés, principalement publiques (10), pour Alger. Avec un chiffre d’affaires cumulé de 55,9 milliards de dollars, les groupes actifs dans le royaume chérifien contribuent à 7,60 % du CA global des champions africains de l’économie, contre 12 % pour les représentants de l’Algérie, forts d’un chiffre d’affaires combiné de 88,2 milliards de dollars en 2023.


« Une économie centralisée et vulnérable »

Leader incontesté du Top 500 de Jeune Afrique, le groupe pétrolier et gazier public algérien Sonatrach domine le classement malgré une chute de 8 % de son activité en dollars en 2023. Dirigé par Rachid Hachichi, le géant des hydrocarbures ainsi que ses filiales – Naftal (41e), Sonelgaz (47e), Enafor (44e) et ENTP (472e) – ont enregistré un chiffre d’affaires global de 78,9 milliards de dollars, soit environ 90% de la performance de l’ensemble des groupes algériens du Top 500.

« Malgré une puissance économique indéniable, l’Algérie dépend fortement de ses ressources fossiles et d’un modèle économique où l’État contrôle l’essentiel des grandes entreprises », analyse un économiste algérien contacté par Jeune Afrique. À l’exception de Cevital (4 milliards de dollars de CA, 73e), Ooredoo Algérie (251e), et Biopharm (254e), les groupes classés, actifs dans le BTP, les télécoms ou le transport, sont, majoritairement ou totalement, détenus par l’État algérien.

« Le classement expose les difficultés du pouvoir algérien à faire la mutation d’une économie centralisée et dépendante du cours du pétrole à une économie de marché libre et concurrentiel », explique le spécialiste de la place algéroise. Celui-ci regrette un manque d’ambition : « Alger aurait pu faire émerger 10 champions nationaux de la taille de Cevital, mais le régime préfère orienter les ressources du pays vers le secteur public qui n’est pas performant ». Faute de diversification, et en cas de chute drastique des cours de l’or noir, l’Algérie s’expose à une période de vaches maigres, pointe l’économiste.

« Construire le futur »

Pour le Maroc, certes, le mastodonte des phosphates OCP (10e) occupe une place de choix avec ses 8,3 milliards de dollars de chiffre d’affaires, mais le pays s’appuie sur un tissu économique plus diversifié. Mines, automobile, télécommunications, banques, commerce, agro-industrie, énergie, services… Les grands groupes du royaume classés dans le TOP 500 sont majoritairement privés et occupent plusieurs secteurs stratégiques. « Cette diversité assure une meilleure résilience de l’économie face aux chocs, même si celle-ci peine encore à rivaliser en taille », estime Othmane Fahim, directeur de la recherche et de l’économie chez EFCC Consulting à Casablanca.

Alors que le chiffre d’affaires global de 55,9 milliards de dollars est légèrement en baisse par rapport à l’exercice 2022 (59 milliards de dollars), le Maroc ne parvient pas à gagner du terrain dans le classement des grandes entreprises africaines. Selon l’analyste financier marocain, le royaume fait face à de nombreux défis structurels : un tissu industriel encore limité, une dépendance aux importations, un marché intérieur de taille modeste, une croissance trop modérée pour permettre à ses entreprises de changer de dimension et une compétitivité encore à renforcer.

Contrairement à l’Algérie, où les groupes publics bénéficient de rentes massives, les entreprises marocaines doivent composer avec un marché concurrentiel et un cadre parfois contraignant : coût de l’énergie, fiscalité lourde, rigidité administrative. Néanmoins, « l’ouverture du Royaume chérifien sur le secteur privé permet d’attirer les investissements étrangers et de mieux intégrer les chaînes de valeur mondiales », tempère Othmane Fahim, lequel espère voir son pays franchir un cap en matière d’industrialisation et de compétitivité pour grimper dans le Top 500 avec de nouveaux champions panafricains à l’image du géant OCP.

« Avec son ouverture sur le continent et ses investissements industriels, le Maroc est en train de construire le futur. Il y a fort à parier que le développement du pays paiera beaucoup plus que celui de l’Algérie, qui, elle, conserve une approche plus politique qu’économique », conclut l’expert algérien consulté par Jeune Afrique.

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