Opinions |
Publié le 22 mai 2017
par Hicham Rouzzak, 22/5/2017
Entre nous soit dit… Il faudrait que quelqu’un de raisonnable au sein de l’Etat intervienne avant que la cata
ne survienne, et que ce quelqu’un dise simplement que la bêtise n’est
pas une solution… Il aurait fallu que ce quelqu’un attire l’attention de
l’Etat sur le fait que l’implication des mêmes personnels politiques
dans le dossier du Rif revient à envoyer des pompiers éteindre un feu en
faisant le plein d’essence au lieu de l’eau…
Il eût, donc, fallu un homme (ou une femme)
raisonnable… qui eût dit que la solution ne passait pas par cette
brochette de politiques qui vont défiler en petits soldats à la télé
pour y déverser ce qu’on leur a dicté… dans des scènes qui nous
rappellent ces soldats américains capturés par l’armée irakienne et qui
étaient passés sur les écrans télé pour louer la force et la puissance
de l’armée de Saddam Hussein, avant que cette armée ne disparaisse
quelques heures après la mascarade.
Ce
qui arrive dans le Rif est dangereux… et c’est d’autant plus grave que
les choses viennent de la nuit des temps, viennent surchargées du poids
de l’Histoire, de la malédiction de la géographie, de la douleur
procurée par toute cette hogra accumulée, cette hogra dont la simple
évocation dans le Rif fait remonter à la surface tant et tant de choses…
Il y avait tellement de manières de réagir à ce qui se
produit dans le Rif… Il y avait tellement de façons de réparer les
fautes… Et toutes ces voies choisies pour cicatriser les plaies auraient
pu, finalement, être erronées, mais pas forcément stupides. Mais cette
réaction du ministre de l’Intérieur, qui a réuni les responsables des
partis dits de la majorité, a dépassé ce qui aurait pu sortir de
l’intelligence du plus idiot des crétins.
Et la stupidité ne consistait pas seulement pour ces
dirigeants de partis de l’autoproclamée majorité à accuser les Rifains
de haute trahison et de travail pour le compte de puissances étrangères,
contre monnaie sonnante et trébuchante… Non. Pour être sincère, ceci
n’est pas de l’imbécilité. Définitivement pas.
Dire cela et accuser ceux-là de ceci est un crime. Un de ces
crimes que le Code pénal réprime car accabler les gens, sans preuve,
sans jugement, à la télé publique, de l’accusation la plus grave qui
soit, en l’occurrence la trahison contre son pays, est un crime… Et dans
le cas où nous supposerions avoir une justice aussi transparente
qu’indépendante, les chefs de la majorité devraient comparaître devant
un juge, ou plusieurs, pour exposer leurs accusations, soumettre leurs
preuves et étayer leurs propos par des faits… ou pour être, eux-mêmes,
mis en accusation pour les charges qui seraient retenues contre eux et
que le Code pénal sanctionne.
Le plus idiot dans cette histoire est que l’Etat chez nous
prenne l’allure de quelqu’un qui projette d’effectuer une opération
cardiologique à cœur ouvert et qui accepte l’assistance d’un vendeur
d’onguents.
Le plus stupide dans cette histoire toujours est de voir
notre Etat appelé à réagir aux revendications sociales dans le Rif… et
qu’il ne trouve pour ce faire que des gens, des gueux, des gars dont la
simple vue est suffisante pour étendre les manifestations à tous les
coins et recoins du pays, et non plus seulement dans les montagnes du
nord.
En fait… je me dis qu’aujourd’hui il y a quand même une
grande éventualité de voir descendre dans les rues des gens qui,
jusque-là, restaient chez eux, voire même qui contestaient les
contestataires dans le Rif.
… Et donc, pour calmer les esprits à al Hoceima, pour
inciter les manifestants à savoir raison garder, à négocier ce qu’ils
exigent, à ne plus vouloir imposer leurs propositions et à écouter les
contre-propositions, il eût fallu agir autrement… en actionnant bien
d’autres manettes…
N’importe quelle autre manette que celle, par exemple, de leur envoyer Rachid Talbi Alami qui a lancé que « ces gens sont à la solde de l’étranger, et rien ne sert de leur causer ou d’essayer de les convaincre »…
Las. Il existe tout un tas de gens qui ne se sentaient pas concernés
par le mouvement social et qui, aujourd’hui seraient susceptibles de se
joindre aux contestataires, non pas pour rejeter les idiotes accusations
de Talbi Alami, mais contre l’existence même de Talbi Alami !
Tenir le discours de la loi et de l’Etat de droit, n’importe
qui aurait été à même de le faire, à l’exception de Talbi Alami, cet
homme qui traîne les casseroles, de l’évasion fiscale pour 16 millions
de DH à l’atelier « clandestin » de cuir qui employait une centaine de
personnes, dans les années 90, que leur patron ne déclarait pas à la
CNSS pas plus qu’il ne payait ses impôts à l’Etat…
Dans le Rif, les manifestants auraient pu être bien plus
réceptifs si on leur avait envoyé quelqu’un d’autre que Driss Lachgar…
ce Lachgar qui a affirmé que « nous sommes unanimes à considérer que
nous sommes dans un Etat de droit ; les demandes et autres
revendications s’opèrent dans un cadre institutionnel défini et délimité
par les pouvoirs publics, au moyen d’intermédiaires soumis à la loi ».
Lachgar, donc, considère que nous sommes ici dans un marché
de bestiaux, un marché où n’existent que les intermédiaires… et les
escrocs qui vont avec, aussi, peut-être…
Il aurait fallu envoyer quelqu’un d’autre pour s’adresser aux populations rifaines que Driss Lachgar, qui a ajouté que « toute
expression qui viole la loi, qui porte atteinte aux biens publics ou
aux libertés des autres, n’entre absolument pas dans le cadre de l’Etat
de droit qui protège tout et tous, sous couvert de la loi »…
Lachgar est-il ainsi tellement préoccupé par les biens
publics ? Cet homme qui a bénéficié d’un terrain des mêmes biens
publics, obtenu à vil prix, craint-il donc tant pour le domaine public ?
Avec ce genre de déclarations, pourriez-vous vous attendre à ce qu’il
reste une seule personne dans le Rif, et ailleurs, qui condamne les
protestations dans le Rif ?
Continuons… Il aurait été possible d’entamer des discussions
avec nos compatriotes dans le Rif sans pour autant déléguer un Khalid
Naciri qui a assuré la main sur le cœur que « cette fable de
revendications sociales ne tient plus une seule seconde car ces demandes
et contestations ont franchi la ligne rouge »…
Mais les gens du Rif, et l’ensemble des Marocains avec eux,
ne connaissent pas d’autre ligne rouge que l’on franchirait allégrement
que celle qui avait fait que, jadis, Khalid Naciri ministre de la
Communication avait bénéficié de sa position pour tirer d’affaires son
rejeton en délicatesse avec la loi et en pugilat avec un citoyen. Naciri
l’avait alors « exfiltré » dans son véhicule de fonction…
Et donc, la seule chose à retenir des propos de Khalid Naciri sur le Rif est que… Khalid Naciri parle.
On aurait pu trouver bien des moyens pour circonscrire la
crise dans le Rif autrement qu’en y envoyant Saadeddine El Otmani et ce
qu’il signifie aujourd’hui, lui et son parti, dans l’esprit des
Marocains. On aurait pu se passer également d’Ameskane, illustre inconnu
dans le Rif, mais pas du côté d’Ouarzazate où les populations se souviennent encore de son histoire avec une compagnie pétrolière.
Il n’était pas nécessaire de diligenter Laftit, qui rappelle
cruellement qu’au Maroc prospèrent des serviteurs de l’Etat vernis, qui
s’accaparent des terres à prix insignifiant.
Au final, il n’était pas vraiment obligatoire d’envoyer à
nos compatriotes du Rif ce message qui leur dit que seule la bêtise est
la solution de ce qui se produit au Nord, et qui leur rappelle que parmi
les causes de l’échec de l’Etat, de la démocratie et du droit figurent
ceux-là mêmes qui disent vouloir défendre l’Etat, la démocratie et le
droit.
Il y aurait eu bien de mauvaises façons certes de traiter le
problème du Rif, mais était-il vraiment nécessaire de retenir la plus
abjecte pour montrer à nos chers compatriotes du Rif que tout est fait
pour… durcir encore plus la situation.
Al Ayyam (traduction de PanoraPost)
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