Au
moins 66 personnes arrêtées en marge des manifestations massives qui
secouent la région du Rif, dans le nord du Maroc, ont signalé avoir subi
des actes de torture et des mauvais traitements en détention. Elles
auraient notamment été rouées de coups, étouffées, dévêtues, menacées de
viol et insultées par la police, parfois pour les contraindre à passer
aux « aveux », a déclaré Amnesty International.
Amnesty
International demande aux autorités marocaines de mener une enquête
approfondie, indépendante et impartiale sur leurs allégations et
d’exclure des procédures judiciaires tous les « aveux »
obtenus sous la contrainte. En outre, un manifestant fait l’objet d’une
enquête pour « fausse dénonciation », parce qu’il a affirmé avoir été
torturé.
« Ces manifestants, descendus dans les rues pour réclamer la justice sociale et de meilleurs services, se retrouvent torturés et maltraités – passages à tabac, menaces de viol, insultes et autres violences. Il est essentiel que les autorités enquêtent de manière approfondie sur ces allégations et que les responsables présumés de ces actes répréhensibles soient traduits en justice », a déclaré Heba Morayef, directrice des recherches pour l’Afrique du Nord à Amnesty International.
Depuis mai 2017, la police a arrêté plus de 270 personnes, dont des
militants pacifiques et des journalistes, dans le cadre du mouvement du
Rif. Nombre de ces personnes ont été arrêtées de manière arbitraire. La
vaste majorité d’entre elles ont été placées en détention, et beaucoup
ont déjà été condamnées à des peines de prison pour des accusations
liées aux manifestations. Pas moins de 50 détenus font l’objet
d’investigations pour des chefs d’inculpation liés à la sûreté nationale
et un pour terrorisme. Certains encourent la détention à perpétuité.
Le 7 août, les autorités ont annoncé la mort du manifestant Imad
el Attabi. Il se trouvait dans le coma après avoir été grièvement blessé
à la tête durant les manifestations à Al Hoceima, le 20 juillet. Une
enquête a été ouverte sur les circonstances dans lesquelles il a été
blessé.
Certains détenus présentaient des blessures visibles lorsqu’ils sont
sortis de garde à vue pour comparaître devant les procureurs, selon cinq
avocats qui étaient présents. Selon eux, au moins 28 des détenus qu’ils
représentaient ont déclaré aux procureurs et aux juges qu’ils avaient
été torturés et parfois contraints de signer des documents sans les
lire.
Le 3 juillet, le manifestant Omar Bouhrass a déclaré au juge
d’instruction de la cour d’appel de Casablanca qu’il avait été torturé.
Selon son avocat, Omar Bouhrass a déclaré que des policiers l’ont frappé
tout en lui ordonnant de dire « Vive le Roi », lui ont ôté ses
vêtements, lui ont cassé deux dents et l’ont menacé et insulté à la
suite de son arrestation, à Al Hoceima. La cour a ordonné un examen
médical, mais son avocat n’a été informé d’aucune investigation
officielle. Omar Bouhrass doit aujourd’hui répondre d’une nouvelle
accusation, pour laquelle il risque une peine d’emprisonnement : les
autorités judiciaires ont ouvert une enquête pour « fausse dénonciation » contre la police.
« Nul ne doit risquer la prison pour avoir trouvé le courage de dire à un juge que la police l’a frappé et humilié en détention, a déclaré Heba Morayef. « En poursuivant ceux qui dénoncent de tels actes, au lieu de les protéger et d’enquêter dûment sur leurs allégations, les autorités marocaines risquent de réduire au silence des dizaines de victimes de torture. »Lire la suite
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