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samedi 9 décembre 2017

Afflux de mineurs marocains en errance dans les rues de la Goutte d’or à Paris

Devant l’afflux de mineurs marocains en errance dans les rues de la Goutte d’or (XVIIIe), la ville débloque un dispositif exceptionnel chiffré à près de 700 000 €.

 
 
Paris, le 25 février dernier. Des enfants d’une dizaine d'années se retrouvent régulièrement dans le square Alain-Bashung, rue de Jessaint (XVIIIe). Aujourd’hui, ils seraient une soixantaine à errer dans les rues de la Goutte-d’or. LP/ DR
Multiplication des maraudes, dispositif de prise en charge nuit et jour, suivi physique et psychiatrique, avec à la clé, une enveloppe de près de 700 000 €. Et une demande de renforcement policier et judiciaire. A situation inédite, mesures exceptionnelles.
Devant l’ampleur qu’a pris, ces derniers mois, l’afflux des enfants migrants marocains, réfugiés dans le quartier populaire de la Goutte-d’Or (XVIIIe), leur toxicomanie, leur violence, et l’échec des dispositifs déployés depuis le printemps dernier, la ville a décidé de mettre en place un plan d’ampleur, sous convention avec le Centre d’action sociale protestant (CASP) qui travaillera en partenariat avec des associations rompues à la prise en charge des jeunes en errance : Aux Captifs la Libération et Trajectoires.
Lundi, lors du prochain Conseil de Paris, une subvention de 684 967 € sera soumise au vote de l’assemblée. 

Depuis le mois de février 2016, le quartier voit affluer ces silhouettes juvéniles. 
Les premiers arrivants avaient 9 ou 10 ans. La seconde vague, entre 14 et 17 ans. Certains sont à peine majeurs. Aujourd’hui, ils sont une soixantaine. Ces enfants des rues venus du Maroc via l’enclave espagnole de Melilla, à bord de camions, puis de bateaux de marchandises, ont souvent transité par l’Espagne avant d’échouer sur les trottoirs de la Goutte-d’Or.
Dans quel but ? Totalement livrés à eux-mêmes, ils sniffent de la colle, boivent, agressent les passants, volent et refusent les prises en charge proposées. Beaucoup se disent orphelins. « Ceux qui ont accepté d’être hébergés ont fugué rapidement, ou commis des actes violents », souligne Dominique Versini, adjointe de la maire de Paris Anne Hidalgo à la protection de l’enfance. « Ils sont dangereux pour eux-mêmes et les autres. En piètre état physique, en proie à différentes addictions… Je ne promets pas de résultats dans les huit jours, mais nous allons tenter un dispositif expérimental inédit face à ces profils qui sont connus en Afrique ou en Amérique latine, mais que nous découvrons seulement en France. C’est un véritable défi. » 

Pour tenter de relever ce défi, les associations mandatées assureront une présence quotidienne auprès des jeunes, dans la rue, pour tenter d’instaurer un lien de confiance. Et les convaincre de gagner l’accueil de jour qui sera prochainement mis en place, pour se réchauffer, se reposer, prendre une douche. Un lieu d’hébergement de nuit ouvrira prochainement ses portes, en proche banlieue. « Le plus compliqué, souligne Dominique Versini, est de créer un lien avec ces enfants qui ont erré dans leur pays, puis à travers l’Europe, sans aucun référent adulte, le plus souvent ».

Une réponse judiciaire difficile « Des orphelins des rues, on n’avait pas vu ça à Paris depuis la Seconde Guerre mondiale », assure Valérie Goetz, la commissaire principale du XVIIIe. « Au début, ils se contentaient de menus larcins mais maintenant, ils sont passés aux vols à la tire, aux arrachages de colliers, aux cambriolages. Ici, mais également dans les départements de petite couronne. Et ils commencent à se mélanger avec les délinquants plus âgés, les trafiquants de cigarettes de contrebande. »
Que faire face à ces très jeunes gens, dépourvus de papiers, qui mentent le plus souvent sur leur âge et leur identité ? « Au-delà de 13 ans, lorsqu’ils sont pris en flagrant délit ils sont placés en garde à vue », souligne-t-on au parquet des mineurs, « mais même lorsqu’un placement suit, ils retournent systématiquement à la rue. Ils ont une grande capacité de résistance. Et, en l’absence de parents, le suivi judiciaire et éducatif est extrêmement compliqué. Tous les jours, une dizaine d’entre eux sont interpellés… Et des ordonnances de placement provisoire sont signées quotidiennement ».
« Au Maroc, ils se nourrissent dans les poubelles » 

 « Au Maroc, ces gamins, qui errent par milliers, se nourrissent dans les poubelles et le décharges publiques, et vous vous voulez qu’ils y retournent ? » s’étrangle un habitant de la Goutte d’Or.
L’ambiance était électrique, mercredi soir, à la salle Saint-Bruno (XVIIIe) bondée, qui accueillait une réunion publique sur les mineurs isolés, animée par les adjointes d’Anne Hidalgo à la sécurité et à la protection de l’enfance, Colombe Brossel et Dominique Versini, le maire (PS) Eric Lejoindre, la commissaire d’arrondissement, une représentante du parquet des mineurs et le président du centre d’action protestant.
Et c’est le projet d’effectuer des recherches pour retrouver l’éventuelle famille des mineurs errants, qui a mis le feu aux poudres. Une riveraine est même venue avec deux d’entre eux, qu’elle désigne avec virulence : « Mais ils sont orphelins ! Ils n’ont rien au Maroc, pas de famille ». « J’en connais un qui a seulement 8 ans », crie un autre participant. «Ici, tonne une femme, il y a une tradition d’accueil, mais vous ne nous associez à rien. Appuyez-vous sur nous, sur les associations locales qui connaissent le terrain », s’agace-t-elle sous les applaudissements... Et les huées d’une autre partie du public, tant le sujet divise autant qu’il est sensible : «Ils sautent sur les clients pour leur arracher leurs biens, souligne un commerçant Pourquoi ne pas les mettre dans un lieu adapté où ils pourraient être protégés et recevoir une éducation, se préparer à un métier ? Cela redonnerait de la sécurité à tout le monde ».

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