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Des centaines de sinistrés du séisme dans les provinces d’Al Haouz ont participé à une manifestation devant le Parlement, exigeant une révision du mode de répartition de l’aide royale allouée à la reconstruction des habitations détruites. Les manifestants ont exigé la création d’un comité indépendant pour traiter le dossier de soutien et garantir la transparence dans la distribution de l’aide. Les personnes touchées ont dénoncé les manipulations et les violations dans le versement de l’aide, car beaucoup d’entre elles ont été exclues des bénéfices, malgré la destruction de leurs maisons.

jeudi 6 septembre 2018

Dans un accueil de nuit pour femmes sans abri.





Un témoignage bouleversant et superbement bien écrit d'une jeune éducatrice en accueil de nuit pour femmes sans abri.
Julie Popédup, Lutte Sociale Toulouse, 18/6/2018
 
Je suis éducatrice dans un accueil de nuit pour femmes sans abri, un lieu où elles peuvent venir de 18h à 11h. Je vais vous raconter leur réalité à travers la mienne. Éteignez vos télés, fermez vos magazines à sensation, vos journaux politiques, vos réseaux sociaux et écoutez moi. Je vois, j'entends et j'imagine chaque jour ce que l'humanité peut faire subir de pire à un être humain. Écoutez moi et regardez les!!
Ce sont celles qu'on appelait les SDF et encore avant les clochardes. Oubliez vos idées reçues, ce sont vous et moi. Ce sont des mères, des filles, des grands mères. Ce sont des avocates, des architectes, des femmes de chambre, des sportives professionnelles, des serveuses, des écrivaines, des femmes au foyer, des institutrices... Elles sont Espagnoles, Nigérianes, Géorgiennes, Italiennes, Albanaises, Roumaines, Guinéennes, Ivoiriennes, Algériennes, Sénégalaises, Ethiopiennes, Irakiennes... mais majoritairement Françaises.
Elles ont cependant toutes un point commun : la souffrance. Elles ne sont pas nées dans le bon pays, dans la bonne ethnie, du bon côté de la frontière, dans la bonne famille. Et quelque soit leur origine sociale ou leur nationalité, elles sont à la rue, en France.
 
Pendant mes études on m'a appris les institutions, le positionnement professionnel, la protection de l'enfance, la prise en charge médico-sociale, les dispositifs, la distance à mettre entre soi et "l'usager" écouter, reformuler, comprendre les mots, être empathique...
Ce qu'on ne m'a pas appris, c'est la barbarie de l'homme, avec un petit h. C'est le viol, la torture, l'exploitation humaine, la prostitution forcée, l'esclavage, le viol encore, comme arme de guerre, de violence conjugale, comme un droit qu'a un homme sur une femme, un père sur une fille ou un petit ami sur une jeune femme.
C'est la saleté et la puanteur, quand plus rien n'a d'importance et surtout pas soi. Quand puer devient l'ultime protection contre les prédateurs de la rue. Quand plus aucun regard ne se pose sur toi et te rappelle que tu es une personne. Quand on existe plus.
On m'avait pas appris à réagir face à une femme qui ressemble plus à un animal sauvage, qu'on appelle par son prénom et qui répond : "y a pas de C. ici, elle est morte. Dis leur de me rendre mon corps, mon âme et ma vie"
On m'avait pas appris la violence institutionnelle et que je devrais expliquer à une femme enceinte de 8 mois qu'elle dort dehors car le Conseil Départemental de la Haute Garonne et l'Etat se renvoient la responsabilité de sa prise en charge dans un hôtel miteux de la périphérie toulousaine, où elle sera seule, isolée, souvent sans aucune ressource. Elle devra faire des kilomètres en fraudant les transports pour aller se nourrir dans les associations.
Ou cette autre à 3 semaines d'accoucher qui part en ambulance car elle a des contractions et que l'hôpital remet dehors à 23h car il n'y a pas de lit disponible pour lui faire passer la nuit à l'abri. Le médecin référent nous assura qu'il n'y avait pas de contre indication à marcher 5,5km en pleine nuit pour rejoindre le foyer quand on est enceinte de 8,5 mois.
On ne m'avait pas appris que les malades psychiatriques sortaient d'hospitalisation et appelaient directement le 115. Le cercle vicieux de la rue et de la psychiatrie. Que mon boulot serait souvent celui d'un (e) infirmier(e) psy. Que je devrais gérer des crises d'angoisse, de panique, de démence, des décompensations, des épisodes maniaques, des dépressions profondes, des psychoses, des névroses, des TOC, des hallucinations, des troubles alimentaires, des paranoïa, des persécutions, des handicaps mentaux, la violence, l'agressivité, le désespoir, l'envie de crever, l'envie de me crever, la sidération, le stress post traumatique, l'apathie, la catatonie, le mutisme, l'énurésie, l'encopresie, la peur, la leur toujours, la mienne parfois.
On ne m'avait pas appris qu'une femme qui est en plein protocole de chimiothérapie, qui vient de subir une lourde opération, qui a le Sida, une sclérose en plaques, une tumeur au cerveau, une drepanositose, une leucémie, qui est hémiplégique, épileptique, incontinente, cardiaque, insulino-dépendante, qui souffre d'insuffisance rénale ou pulmonaire, qui crève à petit feu, pouvait sortir de l'hôpital et dormir dehors. Le cercle vicieux de la maladie et de la rue.
On ne m'avait pas appris qu'une femme qui quitte son domicile pour échapper à la violence de son conjoint aurait pour seule solution la rue et le 115. Les corps meurtris, les mâchoires cassées, les os brisés, les séquelles neurologiques, les balafres énormes, les mutilations, les brûlures de cigarettes, les traumatismes liés à la séquestration et à la terreur de mourir, n'ont qu'une alternative : la rue ou le domicile conjugal. Encore un cercle vicieux.
Je n'avais pas conscience que mon boulot serait de faire face aux plus vulnérables, aux plus malades, aux plus fragiles que notre société a créés, que les gouvernements successifs ont parfois oubliés mais depuis peu humiliés, salis, méprisés et stigmatisés.
Le président et le gouvernement actuel de la 5eme puissance mondiale appliquent une politique honteuse et meurtrière. Vous n'avez pas besoin de regarder les informations à la télé pour voir des gens crever comme des chiens.
On ne parle plus de pauvreté, on parle d'abandon d'une partie de la population, on parle de survie, de soins, de décence, d'humanité.
J'ai désappris tout ce que je savais. Ce que j'ai appris, je l'ai fait avec mes collègues, mon chef de service mais surtout ces femmes.
J'ai appris que certains silences sont beaucoup plus lourds que des mots. J'ai appris à lire l'ineffable dans leurs regards. J'ai appris que prendre quelqu'un dans ses bras quand le seul rapport au corps qu'elle a eu, n'a été que violence et humiliation, quand son corps est le dernier rempart avant d'accéder à son esprit dévasté, c'est parfois une nécessité pour elle mais peut être aussi pour moi. C'est notre point de rencontre, celui de deux êtres humains, à l'instant T de la vie de cette femme qui va devoir me faire confiance et que je dois accompagner dans ses besoins et ses droits les plus élémentaires.
Cette parenthèse d'humanité qui fait partie intégrante de mon boulot je l'ai appris avec elles.
Elles m'ont appris la dignité, la force et l'abnégation. Elles m'ont appris l'humanité, le courage et la résilience. Elles me montrent chaque jour que l'humanité c'est Elles et que nous devons nous battre avec acharnement pour ne pas laisser une poignée de millionnaires aveugles tuer l'humanité.

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