Par Leïla Hallaoui, HuffPost
Maroc
PROCÈS - A
quelques heures de l’ouverture, ce mercredi 24 octobre, de la 13ème audience du procès de l’historien et écrivain
Maâti Monjib et des 6 journalistes, c’est au siège de l’Association
marocaine des droits humains (AMDH) qu’avocats, journalistes et militants se
retrouvent, comme le veut désormais la coutume. Tous forment un comité de soutien
auquel Monjib tient à réitérer ses remerciements pour avoir été à ses côtés
durant ce procès qui dure depuis trois ans.
Maâti
Monjib, Hicham Mansouri, Hicham Al-Miraat (de son vrai nom Hicham Kribchi),
Abdessamad Aït Aïcha, Mohamed Essabeur, Rachid Tarik et Meriem Moukrim sont
tous poursuivis dans cette affaire. Les 5 premiers doivent répondre de
l’accusation d’atteinte à la sécurité de l’Etat “pour avoir organisé des
formations sur Story Maker, une application en logiciel libre téléchargeable sur
internet”, indique le comité de soutien. Tandis que les deux derniers sont
accusés de n’avoir pas notifié au Secrétariat général du gouvernement (SGG) la
réception d’un financement venant de l’étranger au profit de l’Association
marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI).
“C’est un
dossier vide!” s’exclame l’ex-bâtonnier Abderrahman Benameur à la conférence de
presse tenue, ce matin, par le comité de soutien. Pour cet avocat, “il n’est
pas acceptable” que ce procès s’éternise d’audience en audience. “C’est
anticonstitutionnel ces retards injustifiés par la justice qui a le devoir de
trancher envers l’accusé. (...) Dans ce cas, on cherche à épuiser les accusés,
la justice est utilisée comme s’il s’agissait d’un jeu”, plaide l’avocat bien
connu pour son militantisme et son franc-parler.
Son confrère
Abderrahim Jamai a pris le relais pour pointer du doigt la gravité des chefs
d’accusations: “l’atteinte à la sécurité de l’Etat est très grave et cela nous
rappelle malheureusement les procès politiques que plusieurs personnalités
comme Serfati et Laâbi ont vécus au Maroc”. Et d’estimer que “faire d’une
accusation un fardeau qui pèse sur le dos des accusés est en soit une
condamnation de la justice”.
“C’est un
véritable cercle vicieux”, regrette, de son côté, le président de l’AMDH Ahmed
El Haij, soulignant que les accusés sont à chaque fois appelés à des audiences
qui ne durent que quelques minutes avant que le juge n’annonce un nouveau
report. “Ce procès devient une épée de Damoclès au-dessus de la tête des
accusés”, assure-t-il, rappelant que ces derniers risquent, pour 5 d’entre eux,
une lourde peine de cinq ans de prison ferme et pour les autres une amende de
10.000 dirhams. “Tout cela pour avoir défendu la liberté de la presse”,
déplore-t-il.
Maâti Monjib
ne nie pas que le poids qu’il traîne avec ses co-accusés s’alourdit au fil du
temps. Déterminé, l’homme ne baisse pas pour autant les bras et dénonce haut et
fort le prolongement du procès mais aussi “la campagne de diffamation”
dont il affirme faire l’objet. Pour lui et le comité de soutien, l’un comme
l’autre visent à faire pression sur l’électron libre qu’il est, à le dissuader
de publier ses écrits et ses opinions. Maâti Monjib parle d’une “propagande”
dont il n’entrevoit aucune limite. “Depuis 2015, ce sont à peu près 300
articles diffamatoires à mon égard me traitant de tous les noms qui ont été publiés.
Et je n’ai pas vraiment fait le compte”, nous confie-t-il. Et de préciser qu’au
mois de mars dernier, des articles diffamatoires à son encontre étaient publiés
au quotidien par différents supports.
Pour porter
sa voix, il a choisi d’adresser une lettre au chef du gouvernement Saad-Eddine
El Othmani, au mois de mai dernier, pour lui décrire “l’enfer” qu’il vit avec
sa famille. “Au lendemain de ma lettre, le chef du gouvernement a déclaré qu’il
était sensible à toutes les lettres qui lui sont adressées. Je ne sais pas si
cela était une simple coïncidence, mais je peux vous assurer que j’ai été
tranquille pendant les 15 jours suivants. Aucun article diffamatoire à mon
encontre n’a été publié au cours de cette période”, déclare-t-il en réponse à
une question du HuffPost Maroc au cours de cette conférence.
Un répit de
courte durée, regrette le penseur pour qui le combat se poursuivra encore
longtemps. “Quant au chef du gouvernement, il n’a pas donné suite à ma lettre à
ce jour”, nous affirme-t-il.
En attendant,
Maâti Monjib et ses co-accusés se trouvent contraints de prendre leur mal en
patience. L’Association marocaine pour le journalisme d’investigation n’est
plus active. “Nous avons renouvelé la structure mais on n’a pas eu de
récépissé”, déclare amèrement son président Rachid Tarik. Et de préciser que,
pour boucler les projets de l’AMJI, il a fallu “travailler clandestinement”
dans les locaux d’autres associations. “A présent, l’association est en
stand-by!” se désole-t-il.
Un état des
lieux qui ne suscite aucune surprise, pour le représentant de Reporters sans
frontières, Samir Bouaziz. Présent à cette conférence, ce dernier a déploré
“l’acharnement mondial” contre la liberté de la presse et les journalistes. Le
militant au bureau de l’ONG en Afrique du nord parle d’une tendance générale
préoccupante visant ”à cibler des journalistes pour faire peur aux autres”,
soutient-il, soulignant que le cas de Maâti Monjib ne peut être dissocié de
cette tendance.
Le comité de
soutien de Maâti Monjib et des 6 autres journalistes continue de protester. En
plus de la conférence de presse, il tient dans l’après-midi un sit-in devant le
tribunal de première instance de Rabat.
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