Communiqué de presse des Etats généraux des migrations (EGM) dont la LDH est membre
Quelques
heures avant le débat sur la politique migratoire à l’Assemblée
nationale, des centaines d’associations, nationales et locales,
rassemblées au sein des États généraux des migrations, dénoncent
l’instrumentalisation politique par le pouvoir exécutif des questions
migratoires au détriment du respect des droits des personnes étrangères
en France. Face à cette offensive qui risque d’aboutir à enfermer,
refouler et déporter davantage, à moins soigner, en somme à durcir les
conditions d’accueil, les dizaines de milliers de citoyen-ne-s
engagé-e-s dans les Etats généraux des migrations proposent des
alternatives aux orientations que le gouvernement va présenter aux
député-e-s et aux sénateur-rice-s, dans la suite du discours du
président de la République du 16 septembre. Ces propositions,
rassemblées dans le Manifeste des Etats généraux des migrations adopté
en 2018, sont issues d’un travail de compilation des violations des
droits des personnes étrangères observées partout en France et
rassemblées dans les Cahiers des faits inacceptables et des alternatives[1].
Un
an à peine après l’adoption de la « Loi pour une immigration maîtrisée,
un droit d’asile effectif et une intégration réussie » dite « loi
Collomb », le gouvernement relance un débat sur l’immigration sans
prendre le temps d’évaluer cette loi qui a aggravé la situation
humanitaire dans les centres de rétention, n’a pas réglé les problèmes
d’engorgement des structures d’accueil, et n’a pas permis de mieux
accueillir les personnes qui ont besoin de protection, notamment les
mineurs non accompagnés. Pour David Saunier de l’assemblée locale des
EGM dans le Calvados, « la situation des personnes migrantes reste le
plus souvent déplorable, et la préfecture ne facilite en rien leur
accès aux services administratifs« .
Un débat fondé sur des données erronées
« Les
arguments du gouvernement pour justifier un nouveau tour de vis dans la
politique migratoire reposent sur des données erronées. » a rappelé Dominique Noguères, vice-présidente de la Ligue des droits de l’Homme.
Il
en va ainsi du fantasme d’un « tourisme médical » qui grèverait les
finances publiques alors que « Les restrictions annoncées sur les
derniers filets de sécurité en matière d’accès à la santé pour les
étrangers précaires (AME, CMU-C asile) auront un impact grave pour les
personnes elles-mêmes et sur la dégradation de la santé publique »
s’insurge le Dr Patrick Bouffard, membre du conseil d’administration de
Médecins du Monde.
Des conditions d’accès au territoire déjà très restrictives
Le
gouvernement prétend que la France serait « trop attractive ». Pourtant
la politique de visas très restrictive et la militarisation des
frontières intérieures montrent que tout est mis en place par les
autorités pour restreindre au maximum les voies de migrations légales et
sûres. « Dans un contexte de durcissement croissant des politiques
migratoires, le contrôle des frontières l’emporte sur le respect des
droits, l’accueil et la protection des personnes exilées. » indique
Stéphanie Besson, de l’association Tous Migrants, très active dans le
Briançonnais. L’argument d’une supposée « crise migratoire » a permis de
justifier un contrôle accru des frontières via de nombreuses entraves
sur les parcours des personnes. « Alors que les règles de droit
devraient apporter de la sécurité juridique à toute personne confrontée
aux dispositifs mis en place par l’État, la zone d’attente et les
frontières intérieures de l’espace Schengen sont marquées par un
déséquilibre important des forces où la loi laisse une place étroite aux
droits, souvent réduits à peau de chagrin par la pratique
administrative et policière, sans réel garde-fou. » selon Laure Palun de l’Anafé.
Comme
l’a démontré François Héran, professeur au Collège de France, la
France, au regard de sa population, ne se classe qu’au 11e rang des pays
européens qui accueillent des demandeurs d’asile, loin derrière Chypre,
la Grèce ou Malte. La France se classe même au 17e rang si on prend en
compte le revenu par habitant.
Contrairement
à la politique actuelle, les associations appellent les députés à
remettre en cause le règlement de Dublin, puisque « ce règlement
contribue à concentrer la prise en charge des exilé-e-s sur les pays
d’entrée, au détriment de la solidarité européenne, qu’il est coûteux et
surtout qu’il est synonyme de souffrances et de violations des droits
pour les exilé-e-s, balloté-e-s d’un pays à l’autre » rappelle Claire Rodier du Gisti.
Une politique qui ne respecte pas les droits humains et criminalise les citoyen.ne.s solidaires.
Les
associations dénoncent aussi le recours renforcé à la privation de
liberté (en zone d’attente, aux frontières intérieures ou en rétention)
ou aux mesures d’éloignement, alors qu’elles sont à la base de
nombreuses violations des droits humains. Elles appellent enfin les
autorités françaises à cesser de dénigrer les associations de soutien
aux migrants et de criminaliser les aidant-e-s qui veulent uniquement
faire vivre le principe de fraternité.
Les
organisations et collectifs citoyens des Etats généraux des migrations
appellent les parlementaires à regarder le sujet de l’accueil en face et
à ne pas se baser sur des diagnostics mensongers pour donner un
blanc-seing à une politique attentatoire aux droits et la dignité des
personnes qui ont tout quitté, le plus souvent au péril de leur vie,
pour fuir la guerre, les violations de leurs droits fondamentaux et la
misère. Elles exigent un accueil digne et inconditionnel, et appellent
les parlementaires à débattre des moyens à mettre en œuvre pour que
cesse la « crise de l’accueil des exilé-e-s » qui caractérise notre pays
depuis plusieurs années. Elles les invitent à s’associer à la
construction de la paix sociale de demain et à ne pas entraver les
initiatives de la société civile qui œuvrent en ce sens.
Paris, le 7 octobre 2019
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