vendredi 21 février 2020

Maroc, la « moisson » des consciences par salahelayoubi



20 février 2011, 20 février 2020. Les Marocains auraient dû célébrer, aujourd’hui, le neuvième anniversaire de leur révolution pacifique, sous la bannière du « Mouvement du 20 février ». Ils pleurent leurs morts et leurs camarades emprisonnés. Comme il en a la coutume, depuis toujours, le Makhzen a cueilli, dans un premier temps, les meneurs,  avant de s’en prendre aux autres. 
 Au cours  de ces neuf longues années, la « moisson des consciences » n’a jamais cessé. Elle s’est même accélérée au cours des derniers mois, n’épargnant même plus les enfants.  Ils sont à présent des centaines qui croupissent dans les geôles du régime marocain, depuis l’autre printemps, celui du Rif, mené par des citoyens exaspérés par l’ostracisme pratiqué par le Makhzen envers leur région et qui les a privés  de leur droit légitime à l’éducation, à la santé, au travail et à tout ce qui fait la dignité de l’homme.

L’Etat au banc des accusés
Selon Amina Bouayach, la nouvelle Présidente du Conseil National des Droits de l’Homme, « il n’existe pas de prisonniers politiques au Maroc », pas plus que la torture n’y est pratiquée. Une déclaration qui n’aura étonné personne. Son prédécesseur, Driss El Yazami, qui a siégé au même poste, lors de l’éclosion du Mouvement du 20 février, entre mars 2011 et jusqu’à décembre 2018, ne procéda pas autrement, lorsque furent arrêtés plusieurs activistes pour des charges fictives. L’ex-prisonnier politique qui  avait pris la tête de l’Instance Equité et Réconciliation, fut précisément un des  membres de la Commission consultative de révision de la Constitution en 2011. Celle-là même qui, au lieu de répondre aux aspirations des Marocains pour une monarchie parlementaire, travestit la constitution, en enlevant au monarque d’une main ce qu’elle lui rendait largement de l’autre
Le projet fit long feu, en raison du refus obstiné de Mohammed VI de renoncer à ses gigantesques pouvoirs. Dans un aveuglement et un orgueil caractéristiques à cette dynastie, l’homme doit sans doute s’éprouver « encore plus roi aujourd’hui qu’hier », selon l’expression de son propre père Hassan II, au lendemain du coup d’Etat de Skhirat de juillet 1971 qui faillit lui coûter le trône. En effet, malgré les dénonciations unanimes des organisations internationales des Droits de l’Homme, le régime ne recule pas d’un pouce et  persiste dans sa propension à poursuivre tous ceux qui lui apportent la contradiction ou qui le ciblent à travers les réseaux sociaux.
Pourtant il n’y a guère besoin de prendre de la distance du Maroc, pour entendre une réponse cinglante aux dénégations d’Amina Bouayache. En effet, mardi 18 février, le Directeur Général d’Amnesty International Maroc, Mohamed Sektaoui, expliquait sarcastique, lors du séminaire intitulé « La détention politique au Maroc entre hier et aujourd’hui »:
-       « Notre amie est parfaitement au courant des lois et règlements internationaux. C’est l’État qui enfreint les droits humains qui devrait être sur le banc des accusés. »
Pendant que les consciences de ce pays se souviennent qu’elles furent,  il y a neuf ans, à deux doigts de réaliser un rêve de liberté vieux de plus de soixante ans, Mustafa El Ramid est à Genève,  afin d’exposer les prétendues avancées du Maroc, en termes de Droits de l’Homme, au Palais des Nations. Télescopage improbable entre deux actualités antinomiques. L’homme fut Ministre de la Justice, lors du printemps marocain. Il occupe aujourd’hui,  le fauteuil de Ministre chargé des Droits de l’Homme et des Relations avec le Parlement. Il n’a jamais cessé de nier l’existence de prisonniers politiques et de la torture,  dans les commissariats et dans les prisons marocaines.

Un pays qui bout de colère
Le Makhzen s’est joué pour la énième fois des Marocains et de leurs espérances en s’enjoignant les services de politiciens, couards et assoiffés d’un enrichissement précipité.
Les mafieux sont toujours aux commandes du pays. Ils sont plus que jamais impliqués dans un affairisme qui n’épargne plus aucun secteur de l’économie: industrie, immobilier, construction, éducation, tourisme, hôtellerie.......Les Marocains, pour ce qui les concerne sont toujours plus pauvres et enferrés dans une telle misère économique, familiale, culturelle, sociale, qu’ils n’ont d’autre choix que de fuir leur pays, parfois au péril de leur existence. Meurtris, face au sort qui attend leurs enfants, les parents les incitent à s'exiler, coûte que coûte, avec ces mots: Mort, pour mort. Va tenter ta chance ailleurs, loin d’ici !!”.
Aux simples d’esprits,  le pouvoir continue d’agiter l’épouvantail du chaos syrien ou libyen. Le Parti de la Justice et du Développement (PJD), complice de la monarchie dans ses basses œuvres, a précipité, le pays,  en une dizaine d’années, dans un obscurantisme et une ignorance jamais atteints, jusque-là.
Les partis politiques qui auraient dû appuyer le printemps marocain se sont ligués contre ses activistes. Ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes, les Marocains les vomissent en raison des promesses jamais tenues et des retournements spectaculaires de vestes dont ils sont passés maîtres.
Le pays bout de colère et le régime persiste, dans son aveuglement, à ignorer les revendications de liberté, de justice et de dignité de ses citoyens. Plutôt que de s’exécuter, il exécute, punit, embastille, bastonne, torture et agonit.  L'Histoire nous raconte comment les tyrans s'éprouvent toujours invincibles jusqu'à ce que leurs peuples reviennent  les tourmenter encore et encore pour précipiter leur chute !

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