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samedi 14 mars 2020

Coronavirus : les écoles, les bars, les restaurants ferment… Et les prisons ?









 par Luk Vervaet, ancien enseignant dans les prisons, et Jean-Marc Mahy, éduc-acteur
(photo :Marcus, Jean-Marc et Luk à Haren)



Le 12 mars, la presse nous apprend qu’au palais de justice de Mons, la présidente de la cour d'assises a été contaminée par le coronavirus et qu’une cour d’assises sera reportée. L’avocate Nathalie Gallant déclarait à ce propos : « Des mesures doivent être prises, Il en va de la santé de tous, tant des clients que des avocats. Il ne faudrait vraiment pas qu’un détenu qui se présente à une audience risque de contaminer tous les autres en prison ». 
Depuis, confirmé par l’administration pénitentiaire, un cas de coronavirus a été avéré à la prison de Mons. 
Le lendemain, la majorité du personnel pénitentiaire de la prison de Saint-Gilles est absente ! Avec comme conséquence que toutes les visites et toutes les activités sont annulées. 
Se dirige-t-on vers des situations à l’italienne ?

La prison face à quatre défis majeurs

Il ne faut pas être virologue pour comprendre que le monde carcéral, institution de confinement total par définition, est des plus vulnérables face aux virus et aux épidémies. Ce qui cause des ravages à l’intérieur des prisons et constitue une menace pour la société dans son ensemble. 
Le problème est multiple. 
Il y a le lieu confiné qui provoque la propagation des maladies. Il y a la concentration de personnes malades. Il y a le manque de soins à tous les niveaux. Il y a la surpopulation. Selon les derniers chiffres de 2019, les 36 prisons du pays comptent ensemble 1.862 détenus en trop, compte tenu de leur capacité.

La prison, une concentration de maladies

Déjà en novembre 2013 se tenaient au parlement belge les États généraux sur la prison, à l'initiative du Conseil central de Surveillance pénitentiaire. Le professeur Cosyns, de l'Universitair Forensisch Centrum Antwerpen, y tenait un exposé sur les soins de santé au sein des prisons belges. Il nous informait du fait que le taux de tuberculose dans les prisons est seize fois supérieur au taux dans le pays ; celui du sida cinq fois, de l'hépatite C sept fois, des psychoses cinq fois, de suicide six fois, de problème d'alcoolisme ou autres drogues sept fois, de l'expérience de consommation de l'héroïne cinquante-quatre fois. 
Depuis, les problèmes n’ont fait qu’empirer, aggravés par la surpopulation et les économies au niveau des soins. 
Cinq ans plus tard, le journal De Tijd (3 mai 2018) titre : « Les médecins dans les prisons constatent la propagation des maladies contagieuses dans les prisons, comme la tuberculose, l’hépatite B et C, la gale et le VIH ». Selon le syndicat ACV, ajoute le journal, les économies au niveau des moyens pour assurer l’hygiène sont en cause.

La prison, des épidémies en chaine

Les prisonniers et leurs familles ont déjà fait l’expérience des mesures de confinement et d’isolement drastiques auxquelles toute la société est brusquement soumise aujourd’hui. On ne peut qu’espérer que cette expérience sociétale augmentera la compréhension des problèmes vécus au sein du monde carcéral. 

Prenons quelques exemples récents.

En juin 2017, découverte de la rougeole à la prison de Gand, suivie d’interdiction de visites, de nouvelles entrées de détenus dans la prison et de l’arrêt des transports vers les tribunaux. 
En avril 2019, la prison de Mons est frappée par ce que les autorités pénitentiaires et les syndicats appellent « une catastrophe » : une épidémie de punaises de lit, qui pourrait même se répandre en dehors de ses murs avec des conséquences pour la salubrité publique. 
Fin mai 2019, épidémie de rougeole à la prison de Lantin, suivie par une mise en isolement des 1000 détenus dans leurs cellules pendant des semaines, pas de transferts, pas de visites autorisées pour les familles des détenus. 
En juillet 2019, c’était au tour de la prison de femmes de Berkendael à être frappée par le fléau des punaises de lit. Avec comme conséquence un lock down complet de la prison pendant près d’un mois :  pas de visites, pas d’activités, pas de téléphone, pas de services extérieurs… 
En septembre 2019, une douzaine de cas de gale sont constatés à la prison d'Arlon.

Prisons : toujours la même solution face à une crise.

Renforcer l’isolement, arrêter toutes les activités, interdire les visites… sont à chaque fois la réponse aux crises. Ce qui ne fait qu’augmenter le vécu de l’exclusion et provoquera inévitablement des révoltes comme on en a vu en Italie.  En Italie, où les détenus se trouvent parfois à cinq dans une même cellule, un mouvement de révolte s'est en effet déclenché, provoqué par l'inquiétude sur l'épidémie et l'annulation des parloirs pour les familles. En tout, douze prisonniers sont décédés.

Il faut libérer des prisonniers.

L’Iran, pays faisant partie de « l’axe du mal » et mis en isolement par un boycott du monde occidental, a libéré temporairement 77.000 prisonniers, après les avoir testés médicalement. Des mesures inimaginables en Belgique ?

Quelques mesures de bon sens pourraient enlever immédiatement la pression sur les prisons, aussi bien sur les détenus que sur le personnel pénitentiaire. 
En diminuant radicalement le nombre de détenus dans nos prisons par la libération de tous les détenus en détention préventive (36% de toute la population carcérale) qui ne constituent pas un danger pour autrui. 
En libérant toutes les femmes prisonnières et tous les détenus âgés, fragiles, malades qui ne constituent pas un danger pour la société. En mettant fin à l’arrêt actuel des libérations conditionnelles. 
En renforçant les soins dans les prisons. 
En allongeant la possibilité de téléphoner à la famille. 



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