Juillet
1942, Valentin Feldman, philosophe et résistant français était fusillé
au Mont-Valérien, de sinistre mémoire. Quelques secondes avant la salve
meurtrière, le supplicié lançait aux soldats allemands qui allaient
l’exécuter:
--" Imbéciles, c'est pour vous que je meurs !…"
Au
beau milieu du Hirak rifain, Nasser Zefzafi paraphrasait, à peu de
choses près, Feldman expliquant que son mouvement défendait le droit à
la dignité de tous les marocains. Il les invitait à descendre dans la
rue pour y exprimer leurs droits légitimes à l’éducation, à la santé, au
travail et à une vie digne. Tout le monde se souvient du serment du Rif
et du slogan du Hirak;
-"Plutôt la mort que l'humiliation !"
Pour
ça et le reste, Nasser et ses compagnons furent condamnés à de très
lourdes peines de prison, équivalant à plusieurs condamnations à mort.
Sortis de prison tous ces garçons seront condamnés, une seconde fois, à
mourir à petit feu, sans travail et sans dignité.
Poisson d’avril
Avril
2020, la rumeur qui prétendait que Mohammed VI était sur le point de
gracier les activistes du Hirak s’est dégonflée, comme ballon de
baudruche. On avait simplement oublié le 1° avril. En place et lieu, ce
ne sont pas moins de cinq mille six-cent cinquante prisonniers qui ont
fait l’objet d’une libération anticipée. Parmi eux s’étaient glissés des
islamistes ayant incité à la commission de crimes, de grands criminels,
des voleurs, des escrocs. Pas un seul nom de ces cent-dix détenus
condamnés pour délit d’opinion et qui n’avaient pourtant énoncé que des
vérités : absence d’hôpitaux, d’écoles, d’universités, de travail……..
Les ingrédients du sous-développement amplifiés par l’ostracisme décrété
par l’administration centrale, en raison de l’irréductibilité des Rifains et leur méfiance proverbiale à l’égard d’un régime qui les
poursuit de ses assiduités criminelles depuis que le colonialisme lui a
passé la main.
En
pleine pandémie, le pays a sans aucun doute perdu là, une occasion
rêvée d’une réconciliation nationale. A la croisée des chemins, le
régime a préféré poursuivre dans son aveuglement. Celui-là même qui le
perdra tôt ou tard.
Les
activistes rifains n’ont pas daigné solliciter la grâce, argumentent
les thuriféraires du despotisme. On ne gracie pas un innocent. On le
libère. Avec les excuses de circonstance et les réparations qui vont
avec. Nous avons tous entendu ces filles et ces garçons, haranguer la
foule, depuis des tribunes improvisées. Leurs mots avaient un sens.
Leurs discours de l’intelligence. Au lieu de les écouter et prendre acte
de leurs souffrances, au lieu de les intégrer dans des groupes de
réflexion sur le devenir de leur région, on a préféré les battre, les
humilier, les insulter et les condamner lourdement.
Plutôt la mort que l’humiliation
C’est
connu, le Makhzen préfère voir ramper et quémander les Marocains,
plutôt que les voir vivre dignement. Il préfère voir les Rifains
demander pardon, ce qui reviendrait à vider de toute substance leurs
revendications de la veille, légitimer l’injustice d’hier et celles à
venir et donner quitus aux crimes commis par l’État. Autant accepter que
perdure l’infamie et que se reproduise ailleurs et plus tard, le
calvaire infligé aux Rifains.
En
ce 5 avril 2020, cinq mille six-cent cinquante occasions de faire la
paix se sont perdues. Peut-être à tout jamais. Une occasion unique de
sortir par le haut, au milieu d'une pandémie qui menace l'humanité
entière. Le roi qui aurait dû écouter l’appel à la sagesse de dizaines
d’associations, d’organisations nationales et internationales dont
Amnesty International, a préféré suivre son inclination, propre aux
despotes, à s’enferrer dans un acharnement coupable.
Si
l’un de ces prisonniers, dont certains sont atteints de maladies
chroniques, devait être infecté par le Coronavirus et en décéder, les
conséquences pour le régime seraient irréversibles. Pour ajouter au
danger qui le guette, en dépit des apparences trompeuses, nul ne peut
prédire les conditions de sortie de cette crise. Une large frange de la
population déjà dans la précarité plongerait irrémédiablement dans la
misère et se soulèverait, suivie sans aucun doute par le reste de la
population, lassée par l’incurie du système politique en place. Le
Makhzen aura alors beau reproduire la démonstration de force déployée
pendant la pandémie, actionner ses forces armées, ses polices, ses
supplétifs, il finira par disparaître.
Les
dictateurs oublient souvent qu’ils ne durent qu’un temps. Tout juste
l’histoire leur offre-t-elle un répit afin qu’ils s’enfoncent un peu
plus profondément dans leurs turpitudes afin que nul ne les regrette au
moment où elle les abattra.
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C’est pour vous que je meurs !par salahelayoubi |
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