LE MAROC PREND PRÉTEXTE DE L’ÉPIDéMIE DU CORONA POUR MUSELER LES LIBERTÉS : Le chantage de Mohamed VI
6/5/2020
Alors que des lois liberticides ont été « passées en catimini » à la
faveur de cette pandémie, les services secrets marocains n’hésitent pas à
recourir aux procédés les plus vils et les plus bas qui soient pour
neutraliser toutes les voix et voies « dissonantes ».
Cette fois-ci, les révélations et les dénonciations nous viennent d’un
ex-détenu politique, auteur d’un témoignage tout aussi poignant que
révoltant. Profitant de l’état de confinement provoquée par la pandémie
du covid-19, le gouvernement marocain a ainsi tenté de faire approuver
par le Parlement un projet de loi visant à serrer l’étau autour de
l’utilisation des réseaux sociaux portant ainsi une grave atteinte à la
liberté d’expression.
Craignant la fermeture de cet espace de liberté après l’approbation du
projet de loi 22.20 par le Conseil du Gouvernement le 19 mars 2020,
l’activiste des droits de l’homme sahraoui, Mohamed Abdelmoula Dihani, a
souhaité laisser un témoignage audiovisuel sur ce qu’il a vécu dans la
sinistre prison marocaine de Temara et dénoncer les pratiques des
services secrets marocains visant à instrumentaliser la menace
terroriste pour des visées politiques et pour raffermir son occupation
du Sahara occidental.
En avril 2010, Dihani se trouvait à la ville d’El Ayoune, capitale du
Sahara occidental occupée par le Maroc. Il était arrivé d’Italie à
l’occasion de la libération d’un de ses proches parents. Le 28 de ce
même mois, il est sorti pour fumer une cigarette et a été interpellé par
des agents des services secrets marocains. Menotté, embarqué dans un
véhicule et amené au poste des renseignements sis à l’Avenue de la
Mecque. De là, il a été conduit à la prison de Temara où, selon lui, se
trouvait, à l’époque, le bureau d’Abdellatif El Hammouchi et où étaient
planifiées toutes les opérations destinées au territoire du Sahara
occidental et la création et prétendu démantèlement de cellules
terroristes en vue de faire pression sur certains pays et obtenir leur
soutien, dont l’Union européenne et les États-Unis.
Dans une cellule, complètement dénudé et menotté, pour subir les pires
sévices corporels ainsi que d’indicibles humiliations. Après 3 jours de
supplices, il a été conduit dans un bureau d’interrogatoire où il y
avait Abdelhak Alkhiam, le n° 2 de la DST, et le général Abdelaziz
Bennani, commandant de la région sud. « Tu vas nous dire où tu as caché
les armes que tu as introduites de l’Algérie ou de la Mauritanie», lui
disaient-ils. «Nous avons des informations sûres que tu as introduit des
armes. Nous ne voulons pas te garder en prison. Tout ce que nous
souhaitons c’est que tu nous dises où se trouvent ces armes. Nous savons
où elles se trouvent et nous savons qui était avec toi et comment
vous les avez introduites », ont-ils affirmé.
Après avoir nié toutes ces accusations, il a été reconduit dans sa
cellule pour subir de nouvelles séances de tortures les plus cruelles.
Ils lui ont proposé 10 millions de DH (1 million de dollars) s’il
acceptait de travailler avec eux et jouer le jeu qui consiste à
recruter, sous les directives des services de renseignement marocains,
un groupe de personnes qui, selon eux, avait des idées radicales et les
amener au Sahara occidental. L’objectif était d’accuser ce groupe de
vouloir commettre des attentats contre la MINURSO ou des personnalités
sahraouies connues pour leur défense des thèses marocaines et commettre
un attentat terroriste dans le territoire sahraoui et présenter les
sahraouis comme une menace potentiel pour les intérêts des États-Unis et
de l’Europe.
Ce n’est du reste pas la première fois que le Maroc s’acoquine avec des
terroristes dans le but de s’en servir contre l’Algérie et le Polisario.
Les sévères retours de flamme qu’il en a subis ne semblent donc pas lui
avoir servi de leçon puisqu’il persiste et signe dans cette voie
suicidaire. Bref, et suite à la condamnation par la communauté
internationale de la violente répression qui a accompagné le
démantèlement du camp de Gdeim Izik le 8 novembre 2010, les autorités
marocaines ont annoncé le 5 janvier 2011, l’arrestation de 27 personnes,
«dont un membre d’al-Qaïda au Maghreb islamique», dans le cadre de la
prétendue «cellule d’Amgala», une localité sahraouie se trouvant à la
limite entre les territoires sahraouis occupés par le Maroc et ceux
contrôlés par le Front Polisario. «C’est la première fois que le Maroc
fait état de l’arrestation d’un membre actif d’AQMI sur son territoire
», indique une dépêche de Radio France International.
Après sa rencontre avec les accusés, Dihani raconte qu’ils affirment
avoir été manipulés par l’État marocain, qu’ils étaient loin de porter
des idées intégristes et que la majorité des membres de ce groupe
n’était pas pratiquant (ils n’accomplissaient pas la prière). Mohamed
Dihani est convaincu que ces bourreaux avaient l’intention de
l’impliquer dans cette mascarade destinée à diaboliser les Sahraouis.
Pendant son séjour dans la prison de Temara, M. Dihani a rencontré de
nombreux Marocains innocents qui se trouvaient en prison après avoir été
manipulés par les services secrets marocains en vue de commettre des
attentats au Maroc. Parmi eux, des auteurs des attentats de Casablanca
(2003) qui lui ont assuré que le commanditaire de cette opération n’a
pas été arrêté en raison de son appartenance aux services de sécurité
marocains. Entre décembre 2011 et mars 2012, il a aussi rencontré Adil
El Othmani, l’auteur présumé de l’attentat contre le Café Argana (avril
2011), à Marrakech qui lui a assuré qu’en tant que collaborateur des
services de renseignements marocains, il avait reçu l’ordre de rejoindre
l’État Islamique en Irak.
Dans ses tentatives, il a été arrêté par les autorités libyennes et
syriennes et libéré grâce à l’intervention des autorités marocaines. Une
fois de retour au Maroc, il a reçu l’ordre de déposer une bombe au Café
Argana. Dihani affirme aussi avoir rencontré un groupe de marocains
inculpés de tentative d’attentat contre la base américaine de Tan-Tan.
Tout en proclamant leur innocence, ils affirment avoir été manipulés de
bout en bout dans ces scabreuses affaires.
Mohamed Abdoun
Le Courrier d'Algérie, 6 mai 2020
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire