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jeudi 26 novembre 2020

El Othmani, l’humiliation



 

par salahelayoubi

El Othmani, l’humiliation

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Azzam Tamimi

Dans quels registres les  Marocains pourraient-ils classer Saad Eddine El Othmani, sinon dans ceux de l’hypocrisie, de la lâcheté et de la soumission ?  Lesquels des Marocains approuvent ce que vient de commettre le chef du gouvernement de Mohammed VI, au nom du Parti de la Justice et du Développement ?  Il y a quelques mois, l’homme déclarait pourtant, devant les partisans du PJD,  que le Maroc rejetait toute normalisation car celle-ci équivaudrait à un blanc-seing à la poursuite des violations des droits du peuple palestinien. L’homme réaffirmait la ferme volonté du Maroc de défendre les droits légitimes des palestiniens, de rejeter tout processus de judaïsation ainsi que toute atteinte aux droits des habitants de Jérusalem. Et le chef du gouvernement marocain de poursuivre, sans équivoque:

-« Ce sont des lignes rouges pour le Maroc, son roi,  son gouvernement et son  peuple, et cela implique le rejet de toutes les concessions qui pourraient être faites dans ce domaine. Nous rejetons également tout processus de normalisation avec l'entité sioniste »

Mercredi 23 décembre, c’est un tout autre El Othmani qui est apparu. Penaud, il s’est appliqué à parapher docilement, les accords de normalisation que son suzerain, le roi du Maroc, a conclus avec les sionistes à la demande de Trump, en échange d’une reconnaissance de la marocanité du Sahara.

L’humiliation

Pensant connaitre l’homme, je m'attendais à ce qu’il démissionne plutôt que de se prêter à une telle humiliation. J’attendais, au demeurant,  beaucoup du Parti de la Justice et du Développement. J’en espérais qu’il s'abstienne de prendre part à ce gouvernement sur lequel il n’a jamais eu aucun pouvoir, si ce n’est celui de nettoyeur ou d’égoutier. Une entreprise née du déclin du printemps arabe et qui redonna à Mohammed VI, tout  comme à d'autres despotes arabes, la confiance et l’illusion qu’il pouvait désormais affronter la colère du peuple revendiquant liberté, dignité et éradication de la corruption.

Je n'exclue pas, du reste,  qu’El Othmani ait agi par conviction, après s’être convaincu, lui-même,  comme il est d’usage chez certains islamistes lorsqu’ils tentent de justifier l’injustifiable,  tantôt au nom de  « l'intérêt général », tantôt au nom de « l’éradication de la corruption » ou au nom de « la nécessité faisant loi ». Attitude typique des perdants, qui commencent toujours par se persuader avant d’amadouer leurs contemporains.

Mais je conçois,  tout aussi bien,  l’éventualité qu'El Othmani ait préféré ne jamais avoir eu à cosigner  l'accord en question, d'autant qu'il avait manifesté très tôt, son opposition à toute normalisation. L’islamiste qu’il est, ne peut, en effet, par définition et par principe, reconnaître à l’entité sioniste une quelconque légitimité, ni composer avec elle, comme c’est le cas chez les islamistes et les consciences, sauf à appuyer l’injustice, l’oppression et la corruption.

Si cette dernière hypothèse devait se confirmer,  El Othmani aura doublement fauté.

En obéissant aux ordres, il s’est fourvoyé,  renonçant à ses principes et à ses convictions, afin de conserver sa fonction et jouir d’une aubaine, somme toute, bien éphémère.

En second lieu l’homme s’est acquitté d’une tâche qui incombait, du point de vue,  protocolaire à l’initiateur de la normalisation, le  roi. En endossant cette responsabilité, El Othmani a endossé le costume de serviteur du prétendu commandeur des croyants et  pour le compte  d'un régime indigne et corrompu qui ne représente pas  les marocains ni  ne prend pas en considération leur opinion. En lui ordonnant de mener à bien la tâche ingrate de signer les accords de normalisation, le roi entendait probablement humilier et asservir le chef du gouvernement et humilier et asservir ses partisans, dans le dessein évident d’opposer les courants islamistes les uns aux autres et prouver sa capacité à apprivoiser ceux-là mêmes qui brandissaient autrefois la bannière de l’Islam en revendiquant réformes et changements et qui, pour son bon plaisir,  trahissent,  aujourd’hui,  les principes et les slogans qu'ils ont toujours défendus.

Texte original de Azzam Tamimi

Interprété de l'arabe par Salah Elayoubi

Azzam Tamimi est un universitaire et activiste politique palestinien et britannique, affilié aux Frères musulmans. Il est actuellement présentateur indépendant à Alhiwar TV Channel. Il a dirigé l'Institut de la pensée politique islamique jusqu'en 2008. Tamimi a écrit plusieurs livres sur la politique du Moyen-Orient et de l'Islam, notamment « l'islam de partage du pouvoir », « l'islam et la laïcité au Moyen-Orient »


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