Blog du Réseau de solidarité avec les peuples du Maroc, du Sahara occidental et d'ailleurs(RSPMSOA), créé en février 2009 à l'initiative de Solidarité Maroc 05, AZLS et Tlaxcala
Dans
quels registres les Marocains pourraient-ils classer Saad Eddine El
Othmani, sinon dans ceux de l’hypocrisie, de la lâcheté et de la
soumission ? Lesquels des Marocains approuvent ce que vient de
commettre le chef du gouvernement de Mohammed VI, au nom du Parti de la
Justice et du Développement ? Il y a quelques mois, l’homme déclarait
pourtant, devant les partisans du PJD, que le Maroc rejetait toute
normalisation car celle-ci équivaudrait à un blanc-seing à la poursuite
des violations des droits du peuple palestinien. L’homme réaffirmait la
ferme volonté du Maroc de défendre les droits légitimes des
palestiniens, de rejeter tout processus de judaïsation ainsi que toute
atteinte aux droits des habitants de Jérusalem. Et le chef du
gouvernement marocain de poursuivre, sans équivoque:
-« Ce
sont des lignes rouges pour le Maroc, son roi, son gouvernement et
son peuple, et cela implique le rejet de toutes les concessions qui
pourraient être faites dans ce domaine. Nous rejetons également tout
processus de normalisation avec l'entité sioniste »
Mercredi
23 décembre, c’est un tout autre El Othmani qui est apparu. Penaud, il
s’est appliqué à parapher docilement, les accords de normalisation que
son suzerain, le roi du Maroc, a conclus avec les sionistes à la demande
de Trump, en échange d’une reconnaissance de la marocanité du Sahara.
L’humiliation
Pensant
connaitre l’homme, je m'attendais à ce qu’il démissionne plutôt que de
se prêter à une telle humiliation. J’attendais, au demeurant, beaucoup
du Parti de la Justice et du Développement. J’en espérais qu’il
s'abstienne de prendre part à ce gouvernement sur lequel il n’a jamais
eu aucun pouvoir, si ce n’est celui de nettoyeur ou d’égoutier. Une
entreprise née du déclin du printemps arabe et qui redonna à Mohammed
VI, tout comme à d'autres despotes arabes, la confiance et l’illusion
qu’il pouvait désormais affronter la colère du peuple revendiquant
liberté, dignité et éradication de la corruption.
Je
n'exclue pas, du reste, qu’El Othmani ait agi par conviction, après
s’être convaincu, lui-même, comme il est d’usage chez certains
islamistes lorsqu’ils tentent de justifier l’injustifiable, tantôt au
nom de « l'intérêt général », tantôt au nom de « l’éradication de la
corruption » ou au nom de « la nécessité faisant loi ». Attitude typique
des perdants, qui commencent toujours par se persuader avant d’amadouer
leurs contemporains.
Mais
je conçois, tout aussi bien, l’éventualité qu'El Othmani ait préféré
ne jamais avoir eu à cosigner l'accord en question, d'autant qu'il
avait manifesté très tôt, son opposition à toute normalisation.
L’islamiste qu’il est, ne peut, en effet, par définition et par
principe, reconnaître à l’entité sioniste une quelconque légitimité, ni
composer avec elle, comme c’est le cas chez les islamistes et les
consciences, sauf à appuyer l’injustice, l’oppression et la corruption.
Si cette dernière hypothèse devait se confirmer, El Othmani aura doublement fauté.
En
obéissant aux ordres, il s’est fourvoyé, renonçant à ses principes et à
ses convictions, afin de conserver sa fonction et jouir d’une aubaine,
somme toute, bien éphémère.
En
second lieu l’homme s’est acquitté d’une tâche qui incombait, du point
de vue, protocolaire à l’initiateur de la normalisation, le roi. En
endossant cette responsabilité, El Othmani a endossé le costume de
serviteur du prétendu commandeur des croyants et pour le compte d'un
régime indigne et corrompu qui ne représente pas les marocains ni ne
prend pas en considération leur opinion. En lui ordonnant de mener à
bien la tâche ingrate de signer les accords de normalisation, le roi
entendait probablement humilier et asservir le chef du gouvernement et
humilier et asservir ses partisans, dans le dessein évident d’opposer
les courants islamistes les uns aux autres et prouver sa capacité à
apprivoiser ceux-là mêmes qui brandissaient autrefois la bannière de
l’Islam en revendiquant réformes et changements et qui, pour son bon
plaisir, trahissent, aujourd’hui, les principes et les slogans qu'ils
ont toujours défendus.
Azzam Tamimi
est un universitaire et activiste politique palestinien et britannique,
affilié aux Frères musulmans. Il est actuellement présentateur
indépendant à Alhiwar TV Channel.
Il a dirigé l'Institut de la pensée politique islamique jusqu'en 2008.
Tamimi a écrit plusieurs livres sur la politique du Moyen-Orient et de
l'Islam, notamment « l'islam de partage du pouvoir », « l'islam et la laïcité au Moyen-Orient »
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