Journaliste marocain, membre du comité de rédaction d’Orient XXI, Hicham Mansouri qui travaille également à la Maison des journalistes de Paris fait partie des centaines de journalistes qui ont été espionnés par le logiciel Pegasus, produit par le groupe israélien NSO. Effectué par le Security Lab, laboratoire numérique hyper-performant d’Amnesty International, l’analyse de son téléphone a révélé qu’il avait été infecté plus d’une vingtaine de fois par le logiciel espion sur une période de trois mois, de février à avril 2021. Hicham Mansouri a quitté son pays en 2016 après avoir passé près d’un an en prison, sous des accusations évidemment bidon d’adultère. Au cours d’un second procès pour « atteinte à la sûreté interne de l’État », il a été condamné par contumace à un an de prison ferme.
Cofondateur avec Maati Monjib de l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI) - qui lui aussi a été espionné par Pegasus, comme plusieurs autres journalistes marocains actuellement détenus, Omar Radi (qui a été condamné le 19 juillet à 6 ans de prison), Taoufik Bouachrine et Soulaiman Raissouni, - Hicham Mansouri prépare un ouvrage sur son séjour en détention, à paraître cet hiver dans la collection Orient XXI chez Libertalia.
Si l’enquête de Forbidden Stories a mis à jour une surveillance très récente de son téléphone par Pegasus, ce n’est cependant pas une première pour notre collègue. « J’ai été espionné sur mon nouveau téléphone au printemps 2021. Mais quand j’avais rédigé un article pour Orient XXI sur le Sahara occidental en novembre 2020, j’avais alors appelé un responsable du Polisario. Je n’ai pas utilisé ses propos dans le papier publié, mais juste après un site marocain lié aux services secrets, Chouf TV, m’a accusé de comploter avec le Polisario en citant le nom de mon interlocuteur et le mien. J’étais alors sûr que soit moi soit lui étions sur écoute ».
Une filature sans fin dans les rues de Vienne
Mais l’utilisation probable de Pegasus par les services marocains pour tracer Hicham Mansouri a montré l’ampleur de ses possibilités à l’occasion d’un séjour à Vienne du journaliste et de sa compagne. Il nous raconte comment il a été tracé au cours de son escapade privée. « La situation la plus emblématique pour moi remonte à mars 2019. Je venais d’obtenir en France un titre de voyage français de réfugié. On a décidé d’aller à Vienne du 1er au 5 mars avec ma compagne ». Mais le séjour a priori sans histoires va tourner au cauchemar :
Le matin du 3 mars, vers neuf heures, à la sortie de l’hôtel Wombat’s où nous séjournions, je remarque deux types avec des lunettes de soleil, à l’allure typique des barbouzes marocains. Dès que nous commençons à marcher, ils nous suivent. Pour vérifier qu’il s’agit bien d’une filature, on change d’itinéraire, on s’arrête, on s’installe dans un café et on attend un peu. On sort et on continue notre route, on les retrouve un peu plus loin. Mais il nous est impossible de les semer, les deux hommes nous suivent à la trace.
Hicham et sa compagne décident alors d’éteindre leurs téléphones, ignorant que même coupé un portable reste traçable par un logiciel comme Pegasus :
On change d’itinéraire plusieurs fois, raconte Hicham. On finit par s’installer dans un café car on est sûr de les avoir semés mais ils nous retrouvent. Cela a duré toute la journée ! On a fini par aller dans le parc du château de Schönbrunn, et on les a même photographiés au milieu de la foule dans la cour du château alors qu’eux-mêmes nous photographiaient.
Dans ce grand parc du centre de la capitale autrichienne se trouve un poste de police. « Quand on l’a vu, on y est allés et on a raconté ce que nous subissions depuis le matin. Les policiers nous disent ne rien pouvoir faire mais qu’on peut les appeler si on les revoit et ils nous donnent un numéro de téléphone ». Mais plutôt qu’une contre-filature discrète, Hicham et sa compagne qui ont accepté de reprendre leur promenade malgré l’angoisse voient à nouveau leurs suiveurs sur une colline du parc. Ils appellent alors la police et sont rejoint par une voiture de la police autrichienne dont sortent plusieurs policiers :
Ils nous ont posé les mêmes questions que leurs collègues du poste, ils pensaient qu’on avait peut-être affaire à des racketteurs de touristes. J’explique ma situation, ma nationalité, mon statut de réfugié. Et là direct, les policiers me disent qu’ils vont vérifier tout cela sur Interpol. De victime, je deviens suspect. Ils prennent nos passeports, et on passe quinze minutes difficiles. Ils n’ont rien trouvé, m’expliquent que la loi autrichienne n’interdit pas les filatures, bref qu’ils ne vont rien faire. Ils ont uniquement proposé de contrôler leur identité mais nos suiveurs avaient alors disparu.
Hicham et sa compagne pensent alors que l’alerte est passée :
On quitte les policiers et le parc de Schönbrunn et on prend le métro, on change plusieurs fois de ligne et on finit par sortir pour aller boire un café et se remettre de nos émotions. Nos téléphones sont bien sûr toujours éteints. Et là on croise à nouveau nos suiveurs au centre-ville ! On les voit sur un banc et ils nous font un signe d’au revoir de la main et miment l’envoi d’un baiser à l’adresse de ma compagne.
La filature avait commencé à 9h du matin et il est alors 16h. « Cela a pourri notre voyage, même si ensuite on ne les a plus revus ».
Plusieurs journalistes en prison
Comme Hicham Mansouri, au moins 35 journalistes de 4 pays - dont la France - ont été ciblés par le Maroc et tracés par Pegasus, selon l’enquête de Forbidden Stories relayée par de nombreux titres de la presse internationale. Trois d’entre eux, Omar Radi, Taoufik Bouachrine et Soulaiman Raissouni, sont actuellement détenus au Maroc sous des chefs d’accusation considérés par les organisations de défense des droits humains comme fallacieux. Taoufik Bouachrine, ancien rédacteur en chef d’Akhbar al-Youm, a été arrêté en février 2018 et accusé notamment de viols et d’agressions sexuelles. Plusieurs de ses supposées victimes l’ont pourtant innocenté au cours de son procès. L’enquête de Forbidden Stories révèle qu’au moins deux des femmes impliquées dans cette affaire ont été ciblés par Pegasus, et peut-être victimes de chantage.
Soulaiman Raissouni qui a succédé à Taoufik Bouachine à la tête d’Akhbar al-Youm est lui aussi est arrêté pour des accusations elles aussi suspectes d’agression sexuelle en mai 2020. En juillet 2021, alors qu’il a entamé une longue grève de la faim qu’il poursuit depuis 103 jours, il est condamné à cinq ans d’emprisonnement. Entretemps, leur journal étranglé a cessé de paraître…
Les autorités marocaines ont répondu par écrit à Forbidden Stories, affirmant sans rire qu’elles « ne comprennent pas le contexte de la saisie par le Consortium International de Journalistes » et sont « dans l’attente de preuves matérielles » pour « prouver une quelconque relation entre le Maroc et la compagnie israélienne précitée », à savoir NSO.
Pourtant, des journalistes qui se sont préoccupés de près ou de loin de la répression des journalistes marocains ont également vu leur téléphone ciblé par Pegasus, en particulier en France celui d’Edwy Plenel, directeur de Mediapart. En juin 2019, Edwy Plenel assiste à une conférence à Essaouira, au Maroc et accorde plusieurs interviews pour s’inquiéter des violations des droits humains et des journalistes par le régime marocain. Une autre consœur de Mediapart, Lénaïg Bredoux, a également été ciblée par Pegasus, tout comme Rosa Moussaoui, journaliste à L’Humanité et Dominique Simonnot, ancienne journaliste au Canard Enchaîné et actuelle contrôleuse générale des lieux de privation de libertés.
Pegasus et ses nombreux avatars
La terrible situation des journalistes marocains emprisonnés comme Omar Radi, Soulaiman Raissouni et Taoufik Bouachine, a directement été provoquée par l’utilisation du logiciel Pegasus, le témoignage d’Hicham Mansouri est sur ce point édifiant. Mais alors que le Maroc a officialisé ses relations diplomatiques avec Israël en décembre 2020, Pegasus a été utilisé bien plus tôt par le régime. Ajoutons que ce logiciel a été mis au point grâce à la surveillance électronique de masse par Israël des Palestiniens des territoires occupés. Outre NSO - en partie contrôlé depuis 2019 par un fond britannico-luxembourgeois, Novalpina Capital mais toujours dirigé depuis Tel Aviv -, de nombreuses entreprises de la high tech israélienne produisent d’ailleurs des logiciels dit offensifs du même type, dont les sociétés Quadream, Candiru et Wintego, et contribuent ainsi à la renommée de la start-up nation dans les milieux de défense et économiques, non sans cynisme.
On sait pour l’instant que parmi les clients de Pegasus on compte - outre le Maroc - les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Bahreïn. Mais combien d’autres pays, combien d’entreprises utilisent plus ou moins discrètement Pegasus ou ses avatars ? L’enquête en cours de publication de Forbidden Stories, menée grâce à la logistique informatique d’Amnesty International, en pointe depuis quelques années sur la dénonciation de la surveillance numérique, devrait apporter beaucoup d’informations. Plus de quatre-vingts journalistes ont épluché depuis plusieurs mois les données de plus de 50 000 numéros de téléphone dans cinquante pays clients supposés de Pegasus.
Le monde que préparent les concepteurs et les utilisateurs de Pegasus est à bien des égards assez « flippant ». Mais il faut rester lucide : la surveillance électronique à outrance de la Palestine par des logiciels offensifs n’a pas réussi à briser le mouvement de colère des Palestiniens en mai 2021. Pas plus qu’elle ne parviendra à réduire au silence les journalistes indépendants au Maroc et ailleurs. On peut surveiller une foultitude de personnes, pas leur interdire de penser.
Affaire nso/Pegasus
Maroc. « Comment j’ai été tracé à Vienne par Pegasus »
Témoignage · Hicham Mansouri, journaliste marocain réfugié en France et membre de la rédaction d’Orient XXI, fait partie des cibles de Pegasus. Il raconte pour la première fois comment au cours d’un séjour privé en Autriche, il a été repéré grâce au logiciel espion et suivi par de probables barbouzes marocains.
Journaliste marocain, membre du comité de rédaction d’Orient XXI, Hicham Mansouri qui travaille également à la Maison des journalistes de Paris fait partie des centaines de journalistes qui ont été espionnés par le logiciel Pegasus, produit par le groupe israélien NSO. Effectué par le Security Lab, laboratoire numérique hyper-performant d’Amnesty International, l’analyse de son téléphone a révélé qu’il avait été infecté plus d’une vingtaine de fois par le logiciel espion sur une période de trois mois, de février à avril 2021. Hicham Mansouri a quitté son pays en 2016 après avoir passé près d’un an en prison, sous des accusations évidemment bidon d’adultère. Au cours d’un second procès pour « atteinte à la sûreté interne de l’État », il a été condamné par contumace à un an de prison ferme.
Cofondateur avec Maati Monjib de l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation (AMJI) - qui lui aussi a été espionné par Pegasus, comme plusieurs autres journalistes marocains actuellement détenus, Omar Radi (qui a été condamné le 19 juillet à 6 ans de prison), Taoufik Bouachrine et Soulaiman Raissouni, - Hicham Mansouri prépare un ouvrage sur son séjour en détention, à paraître cet hiver dans la collection Orient XXI chez Libertalia.
Si l’enquête de Forbidden Stories a mis à jour une surveillance très récente de son téléphone par Pegasus, ce n’est cependant pas une première pour notre collègue. « J’ai été espionné sur mon nouveau téléphone au printemps 2021. Mais quand j’avais rédigé un article pour Orient XXI sur le Sahara occidental en novembre 2020, j’avais alors appelé un responsable du Polisario. Je n’ai pas utilisé ses propos dans le papier publié, mais juste après un site marocain lié aux services secrets, Chouf TV, m’a accusé de comploter avec le Polisario en citant le nom de mon interlocuteur et le mien. J’étais alors sûr que soit moi soit lui étions sur écoute ».
Une filature sans fin dans les rues de Vienne
Mais l’utilisation probable de Pegasus par les services marocains pour tracer Hicham Mansouri a montré l’ampleur de ses possibilités à l’occasion d’un séjour à Vienne du journaliste et de sa compagne. Il nous raconte comment il a été tracé au cours de son escapade privée. « La situation la plus emblématique pour moi remonte à mars 2019. Je venais d’obtenir en France un titre de voyage français de réfugié. On a décidé d’aller à Vienne du 1er au 5 mars avec ma compagne ». Mais le séjour a priori sans histoires va tourner au cauchemar :
Le matin du 3 mars, vers neuf heures, à la sortie de l’hôtel Wombat’s où nous séjournions, je remarque deux types avec des lunettes de soleil, à l’allure typique des barbouzes marocains. Dès que nous commençons à marcher, ils nous suivent. Pour vérifier qu’il s’agit bien d’une filature, on change d’itinéraire, on s’arrête, on s’installe dans un café et on attend un peu. On sort et on continue notre route, on les retrouve un peu plus loin. Mais il nous est impossible de les semer, les deux hommes nous suivent à la trace.
Hicham et sa compagne décident alors d’éteindre leurs téléphones, ignorant que même coupé un portable reste traçable par un logiciel comme Pegasus :
On change d’itinéraire plusieurs fois, raconte Hicham. On finit par s’installer dans un café car on est sûr de les avoir semés mais ils nous retrouvent. Cela a duré toute la journée ! On a fini par aller dans le parc du château de Schönbrunn, et on les a même photographiés au milieu de la foule dans la cour du château alors qu’eux-mêmes nous photographiaient.
Dans ce grand parc du centre de la capitale autrichienne se trouve un poste de police. « Quand on l’a vu, on y est allés et on a raconté ce que nous subissions depuis le matin. Les policiers nous disent ne rien pouvoir faire mais qu’on peut les appeler si on les revoit et ils nous donnent un numéro de téléphone ». Mais plutôt qu’une contre-filature discrète, Hicham et sa compagne qui ont accepté de reprendre leur promenade malgré l’angoisse voient à nouveau leurs suiveurs sur une colline du parc. Ils appellent alors la police et sont rejoint par une voiture de la police autrichienne dont sortent plusieurs policiers :
Ils nous ont posé les mêmes questions que leurs collègues du poste, ils pensaient qu’on avait peut-être affaire à des racketteurs de touristes. J’explique ma situation, ma nationalité, mon statut de réfugié. Et là direct, les policiers me disent qu’ils vont vérifier tout cela sur Interpol. De victime, je deviens suspect. Ils prennent nos passeports, et on passe quinze minutes difficiles. Ils n’ont rien trouvé, m’expliquent que la loi autrichienne n’interdit pas les filatures, bref qu’ils ne vont rien faire. Ils ont uniquement proposé de contrôler leur identité mais nos suiveurs avaient alors disparu.
Hicham et sa compagne pensent alors que l’alerte est passée :
On quitte les policiers et le parc de Schönbrunn et on prend le métro, on change plusieurs fois de ligne et on finit par sortir pour aller boire un café et se remettre de nos émotions. Nos téléphones sont bien sûr toujours éteints. Et là on croise à nouveau nos suiveurs au centre-ville ! On les voit sur un banc et ils nous font un signe d’au revoir de la main et miment l’envoi d’un baiser à l’adresse de ma compagne.
La filature avait commencé à 9h du matin et il est alors 16h. « Cela a pourri notre voyage, même si ensuite on ne les a plus revus ».
Plusieurs journalistes en prison
Comme Hicham Mansouri, au moins 35 journalistes de 4 pays - dont la France - ont été ciblés par le Maroc et tracés par Pegasus, selon l’enquête de Forbidden Stories relayée par de nombreux titres de la presse internationale. Trois d’entre eux, Omar Radi, Taoufik Bouachrine et Soulaiman Raissouni, sont actuellement détenus au Maroc sous des chefs d’accusation considérés par les organisations de défense des droits humains comme fallacieux. Taoufik Bouachrine, ancien rédacteur en chef d’Akhbar al-Youm, a été arrêté en février 2018 et accusé notamment de viols et d’agressions sexuelles. Plusieurs de ses supposées victimes l’ont pourtant innocenté au cours de son procès. L’enquête de Forbidden Stories révèle qu’au moins deux des femmes impliquées dans cette affaire ont été ciblés par Pegasus, et peut-être victimes de chantage.
Soulaiman Raissouni qui a succédé à Taoufik Bouachine à la tête d’Akhbar al-Youm est lui aussi est arrêté pour des accusations elles aussi suspectes d’agression sexuelle en mai 2020. En juillet 2021, alors qu’il a entamé une longue grève de la faim qu’il poursuit depuis 103 jours, il est condamné à cinq ans d’emprisonnement. Entretemps, leur journal étranglé a cessé de paraître…
Les autorités marocaines ont répondu par écrit à Forbidden Stories, affirmant sans rire qu’elles « ne comprennent pas le contexte de la saisie par le Consortium International de Journalistes » et sont « dans l’attente de preuves matérielles » pour « prouver une quelconque relation entre le Maroc et la compagnie israélienne précitée », à savoir NSO.
Pourtant, des journalistes qui se sont préoccupés de près ou de loin de la répression des journalistes marocains ont également vu leur téléphone ciblé par Pegasus, en particulier en France celui d’Edwy Plenel, directeur de Mediapart. En juin 2019, Edwy Plenel assiste à une conférence à Essaouira, au Maroc et accorde plusieurs interviews pour s’inquiéter des violations des droits humains et des journalistes par le régime marocain. Une autre consœur de Mediapart, Lénaïg Bredoux, a également été ciblée par Pegasus, tout comme Rosa Moussaoui, journaliste à L’Humanité et Dominique Simonnot, ancienne journaliste au Canard Enchaîné et actuelle contrôleuse générale des lieux de privation de libertés.
Pegasus et ses nombreux avatars
La terrible situation des journalistes marocains emprisonnés comme Omar Radi, Soulaiman Raissouni et Taoufik Bouachine, a directement été provoquée par l’utilisation du logiciel Pegasus, le témoignage d’Hicham Mansouri est sur ce point édifiant. Mais alors que le Maroc a officialisé ses relations diplomatiques avec Israël en décembre 2020, Pegasus a été utilisé bien plus tôt par le régime. Ajoutons que ce logiciel a été mis au point grâce à la surveillance électronique de masse par Israël des Palestiniens des territoires occupés. Outre NSO - en partie contrôlé depuis 2019 par un fond britannico-luxembourgeois, Novalpina Capital mais toujours dirigé depuis Tel Aviv -, de nombreuses entreprises de la high tech israélienne produisent d’ailleurs des logiciels dit offensifs du même type, dont les sociétés Quadream, Candiru et Wintego, et contribuent ainsi à la renommée de la start-up nation dans les milieux de défense et économiques, non sans cynisme.
On sait pour l’instant que parmi les clients de Pegasus on compte - outre le Maroc - les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Bahreïn. Mais combien d’autres pays, combien d’entreprises utilisent plus ou moins discrètement Pegasus ou ses avatars ? L’enquête en cours de publication de Forbidden Stories, menée grâce à la logistique informatique d’Amnesty International, en pointe depuis quelques années sur la dénonciation de la surveillance numérique, devrait apporter beaucoup d’informations. Plus de quatre-vingts journalistes ont épluché depuis plusieurs mois les données de plus de 50 000 numéros de téléphone dans cinquante pays clients supposés de Pegasus.
Le monde que prépare les concepteurs et les utilisateurs de Pegasus est à bien des égards assez « flippant ». Mais il faut rester lucide : la surveillance électronique à outrance de la Palestine par des logiciels offensifs n’a pas réussi à briser le mouvement de colère des Palestiniens en mai 2021. Pas plus qu’elle ne parviendra à réduire au silence les journalistes indépendants au Maroc et ailleurs. On peut surveiller une foultitude de personnes, pas leur interdire de penser.
Maroc. « Comment j’ai été tracé à Vienne par Pegasus »Maroc. « Comment j’ai été tracé à Vienne par Pegasus »