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mardi 8 février 2022

La tragédie Rayan, l’éphémère soporifique des consciences par salahelayoubi


Nouvel article sur Le blog de Salah Elayoubi

 





Le petit Rayan repose désormais dans le vieux cimetière  de « Zawiya », à quelques kilomètres de son village natal d’Ighran dans cette région du Rif, victime expiatoire de toutes les tragédies.

Il y avait quelque chose d’indécent sinon d’ignoble à la mise en scène de l’extraction du petit Ryan avec un déploiement de moyens à la fois dérisoires en termes de logistiques et à la fois conséquents en termes de moyens humains et sécuritaires. Des ridicules pelles mécaniques ont creusé durant cinq jours un gigantesque trou équivalent à l’emprise d’un immeuble de cinq étages au lieu d’un forage à l’aide d’outils appropriés. Quant aux moyens humains ils étaient considérables et impressionnants, comme sait le faire le régime chaque fois qu’il est en mesure de faire la démonstration de son Hubris et de sa toute puissance. Des hommes de la protection civile par dizaines dont on se demande qu’elle en fut l’utilité sinon celle d’impressionner la plèbe avec des uniformes flambants neufs qui ont visiblement peu ou prou servi dans ce pays qui ne se préoccupe jamais de secourir les siens, sauf lorsqu'ils sont aux affaires. Il faut encore citer cette centaine de membres des forces de l’ordre,  de sinistre mémoire auteurs de toutes les bastonnades et de toutes les entreprises pour terroriser et mater la moindre velléité de manifester. Cinq jours durant, cette armée s’est, à peu de choses près, contentée de regarder Ali Sahraoui et quelques compagnons de fortune, s’escrimer à creuser tantôt à mains nues, tantôt aux commandes d’engins de chantier pendant que les médias officiels abreuvaient les suiveurs de la tragédie des exploits imaginaires des sauveteurs.

Et  pendant que le garçonnet agonisait trente-deux mètres plus bas, à moins qu’il n’était déjà mort des suites de sa chute ou encore d’asphyxie, les irresponsables qui gouvernent ce pays auraient refusé l’aide de l’Espagne, en raison d’une brouille avec le voisin du nord. Rien de bien étonnant pour un Maroc coutumier d’une diplomatie couscous et bakchich et de brouilles avec tous ceux qui n’adoptent pas ses points de vue emberlificotés. On aurait également refusé l’aide de la Suède où l’art du sauvetage est érigé en science. Sans doute parce que lorsqu’on est un tyran, on évite d’associer son nom à la plus belle des démocraties et aux amis de la liberté, de peur que cette association n'autorise la comparaison et ne mette en exergue vos tares, vos lacunes et vos travers. Les ibères ou encore les Vikings auraient débarqué avec des moyens humains supérieurement qualifiés et un matériel considérable et hautement sophistiqué qui auraient éclairé le reste du monde sur le dérisoire, l’incompétence et l’amateurisme des nôtres. Ils auraient sans doute donné quelques leçons de choses sur la conduite des opérations de sauvetage et relégué le Barnum du Makhzen au rang de ce qu'il fut, de la non-assistance à personne en danger.

Comme Imad Al Attabi

Les « secouristes » ont bien descendu de l’oxygène, de l’eau et de la nourriture au petit Rayan jusqu’à ce jeudi lorsqu’ils ont tout interrompu, laissant présumer de la suite que l’on sait. Mais au lieu d’avoir le courage d’annoncer l’échec des opérations et la mort du garçon, ils ont préféré simuler, allant jusqu’à poser une minerve au cadavre et envelopper le petit corps d'une couverture de survie avant d'acheminer le corps vers l'hôpital. Un mode opératoire qui nous renvoie au cas d’Imad Al Attabi touché d’une balle en pleine tête lors d’une manifestation à Al Hoceima, le 20 juillet 2017. Craignant la vindicte populaire, les autorités avaient alors fait mine d’hospitaliser le manifestant avant de se résoudre à annoncer sa mort le 8 août.

La  mise en scène de ces cinq jours n’aura trompé personne, avec la mobilisation des médias pour tenir en haleine le petit peuple et particulièrement celui du Rif et lui faire oublier ses propres souffrances lorsque vient l’hiver, la bise, la neige, le gel, l’enclavement ou encore la sécheresse, la faim, la soif, le chômage, le dénuement, la maladie et la misère qui va avec !  Vaine entreprise au cours de laquelle des moyens conséquents auront été déployés pour lui donner la plus grande publicité avec des encarts stupides: ballon gonflable rouge frappé de l’étoile verte à cinq branches, emportant au ciel le malheureux bambin, le conducteur de l’excavatrice exhibant à bout de bras le petit ange ou enfin montage photo avec le portrait de l’enfant superposé à l’image de l’excavation en  forme d’utérus. Une seconde naissance qui n’aura jamais lieu parce que la matrice donnera naissance à un enfant mort-né !

Jamais personne ne rendra compte pour le creusement de ce puits, à la recherche de l’eau si rare et si précieuse au péril de tous. Il n’y aura jamais aucune réaction ni enquête de ces autorités, pourtant si promptes à sur-réagir dès lors que souffle le bruissement de la moindre protestation de ceux que le chef de l’état d’alors et grand criminel avait qualifiés de voyous et de trafiquants. Il en va ainsi de la vie des misérables qui peuplent ce pays et tout  particulièrement ceux du Rif : tous les devoirs et zéro droit.

Le feuilleton de cette scénographie soporifique aura tenu en haleine des millions de marocains d’ici et d’ailleurs mais également nos contemporains dans le monde. L’entreprise n’en  était pas moins vouée à l’échec pour les raisons citées plus haut et d’autres que l’histoire mettra en lumière.

Coup de fil scénographique

Mais avec ce régime ignoble, il y a toujours une cerise sur le gâteau empoisonné comme ce coup de téléphone aux parents éplorés, face télévision. Une autre coutume scélérate de ce prétendu roi des pauvres, chef de mafia insatiable, milliardaire, pilleur des richesses de son pays, abonné aux îles vierges, aux banques suisses, aux manigances les plus sombres et « appauvrisseur » de ses compatriotes. On se souvient que chaque année, le tyran distribue des cartables « à deux balles », comme les ont surnommés les marocains, à des écoliers tétanisés par la peur d’affronter du regard leur bienfaiteur fugace qui, sitôt le stock de serviettes scolaires épuisé,  s’en retournera à sa sieste pendant que ses comptes en banques continueront de grossir encore et encore de millions de cartables que les petits écoliers ne verront jamais. Tout comme pour la distribution de paniers de victuailles du ramadan. Nul média ne montrera jamais l’envers du décor, les files d’attente sous un soleil accablant depuis l’aube avec interdiction de quitter les lieux, l’attente de Pharaon, les admonestations des agents d’autorité, les leçons sur la conduite à tenir face au despote, le modus operandi du baisemain, le regard condescendant des mafieux accompagnant le « bienfaiteur »……….

Pour un temps et pour un temps seulement, ce somnifère des consciences en forme d’abominable tragédie, aura fait oublier aux marocains et au reste du monde qu’à une centaine de kilomètres de là, à vol d’oiseau, des femmes et des hommes tentèrent en octobre 2016 de secouer, pour la énième fois,  le joug qui accable leur région. Ils s’étaient levés pour que Rayan et les siens aient accès à l’école, aux soins, à l’emploi et à la dignité à laquelle aspire tout être humain. Depuis, ces grands patriotes paient de siècles de prison leur magnifique combat pour la liberté. Nous ne les oublierons jamais.



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