Safi
était jaune. Safi était une ville jaune. Les maisons, les jardins, les
rues, les hommes même étaient jaunes. Des vieilles petites maisons
jaunes d’une vieille
petite ville jaune pauvre malgré ses richesses.
Des camions venus des
mines de souffre situées à une vingtaine de kilomètres traversaient la
ville et descendaient vers le port. Non bâchés, ils roulaient dans un
nuage doré qui abolissait les autres couleurs, faisaient des rues des
pistes sahariennes, des maisons des dunes géométriques et de tous les
hommes des vainqueurs du tour de France. Une poussière de soleil
enveloppait la ville, s’insinuait dans les poumons et provoquait des
ravages, lesquels se font toujours sentir.
Lénine
a dit à peu près : « En prison le verre se casse, l’acier se renforce
». Je ne suis pas de verre. J’ai vécu dans la violence. La violence m’a
accompagné toute ma vie de l’école coranique à la rue en passant par ma
famille et les raclées de mon père. Je suis habitué aux coups. Fatalisme
oriental ? Non. L’angoisse et la peur ne sont plus dans ma nature,
voilà tout. Je sais que l’on va me faire mal, que la souffrance sera
telle que je vais hurler et m’évanouir. « Advienne que pourra », chacun
joue son rôle, le tortionnaire torture et le torturé souffre. Je suis
prêt.
A propos de l'auteur : Abdelaziz Menebhi
Aziz Menebhi
Né à Marrakech le 15 février 1950
Élu président de l’Union nationale des Étudiants du Maroc (15e congrès) en aout 1972
Enlevé en janvier 1973, porté disparu jusqu’en février 74
Emprisonné jusqu’en aout 1977
Jugé et « acquitté » en aout de la même année
Exilé en France de 1977 jusqu’en 1994
Frère de la martyre marocaine Saïda Menebhi
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