Gilles Perrault, Jacques Peyroles de son vrai nom, né en 1931, mort en 2023. Journaliste, enquêteur-écrivain, scénariste. Si sa fiche nécrologique et la liste de ses ouvrages sont facilement consultables, elles ne rendent compte qu’imparfaitement de l’itinéraire d’un homme dont Le Pull-over rouge, en 1978, avait été non seulement un énorme succès de librairie, mais avait nourri le débat alors vif sur la peine de mort. Plaidant pour son abolition, trois ans avant que celle-ci ne soit votée.
Comme bien des hommes de sa génération, Gilles Perrault avait connu, enfant, la Seconde Guerre mondiale, puis avait fait son service militaire en Algérie, dans les parachutistes coloniaux, expérience dont il tira un livre (Les Parachutistes, 1961). Au gré d’une carrière multiforme, il fut aussi, à ses débuts, l’auteur de reportages dans Le Nouveau Candide sur la condition des Noirs aux États-Unis ou les jeux Olympiques de Tokyo en 1964. Tout en commençant à se faire connaître grâce à des essais historiques et politiques. Auteur à la plume facile, il publiera encore une douzaine de romans d’aventures dans une collection policière – La Chouette – des éditions Ditis ; ainsi que des romans policiers et d’espionnage au Fleuve noir (Baroud d’honneur, 1958) et chez Denoël (Au pied du mur, 1963).
Peu à peu, son activité littéraire avait pris une autre direction, glissant vers de multiples adaptations cinématographiques et les scénarios. En 1973, il est ainsi scénariste, aux côtés d’Henri Verneuil, du Serpent, film d’espionnage à la brillante distribution (Yul Brynner, Henri Fonda, Dirk Bogarde, Philippe Noiret). Il voit aussi certains de ses livres adaptés à l’écran : Le Dossier 51, par Michel Deville (1978), avec lequel il obtient le César du meilleur scénario original – pour Deville, il signera aussi le scénario de La Petite Bande (1983). En 1989, Jacques Rouffio adapte son Orchestre rouge, paru en 1967, passionnante enquête sur l’espion soviétique Leopold Trepper – qui s’inscrit dans le fil de ses récits sur la Seconde Guerre mondiale, tel Le Secret du jour J (1964, prix du Comité d’action de la Résistance), La Longue Traque (1975) ou Paris sous l’Occupation (1987). En 1993, Jacques Deray adapte encore son roman policier Le Dérapage (sous le titre Un Crime).
Il dénonçait à tout-va
Engagé politiquement à gauche, voire à l’extrême gauche, figure médiatique du débat public, Gilles Perrault multipliera les prises de position à partir des années 1980. Avec le chanteur Renaud, il anime en 1989 le collectif Ça suffat comme çi, pour l’abolition de la dette du tiers-monde. Il prend position contre la guerre du Golfe en 1991, combat le Front national de Jean-Marie Le Pen, milite pour la libération des détenus d’Action directe, groupe activiste qui avait commis plusieurs attentats et assassinats en France pendant les Années de plomb. Mais c’est donc surtout par Le Pull-over rouge qu’il se fit connaître du grand public à partir de 1978. Une enquête romancée centrée sur la figure de Christian Ranucci, jugé et condamné à mort deux ans plus tôt pour l’enlèvement et le meurtre d’une enfant. L’avant-dernier détenu exécuté en France (1).
Le livre croise des éléments du dossier, des témoignages oraux et des articles de presse. Quant à ce pull-over rouge du titre, il se réfère à un vêtement, retrouvé près du corps de la petite fille morte, et dans lequel Perrault voyait le signe d’une probable erreur judiciaire. L’ouvrage se soldera par un énorme succès populaire, plus d’un million d’exemplaires vendus, plusieurs rééditions, et une adaptation au cinéma par le réalisateur Michel Drach, dès 1979. En penchant clairement en faveur de l’innocence de Ranucci (ce qui sera contesté dans les rangs de la police), Le Pull-over rouge relança le débat sur la peine de mort, finalement abolie à l’automne 1981, peu de temps après l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand. Une abolition qui reste, aujourd’hui encore, le marqueur symbolique le plus fort des deux septennats mitterrandiens. Une petite dizaine d’années plus tard, Gilles Perrault fera encore parler de lui avec Notre ami le roi, en 1990, dénonciation du régime de Hassan II, le roi du Maroc.
Livres, films, controverses… La liste est décidément imparfaite car il faudrait, pour que le tableau soit le plus juste possible, qu’elle restitue le climat politique des années 1970 et 1980. Par ses engagements et ses ouvrages, Gilles Perrault aura en tout cas su créer des débats passionnés. Il dénonçait à tout-va, s’agrégeait à des familles militantes souvent fissurées par les dissensions internes et les querelles. Il fut acteur d’une période profondément politique, animée par les partis et les pétitions. Mort à 92 ans, Gilles Perrault était un écrivain curieux et militant, figure d’un second XXe siècle tourmenté.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire