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lundi 7 octobre 2024

Gideon Levy, revient, pour l’Humanité, sur les massacres perpétrés le 7 octobre 2023 et la guerre menée par Israël à Gaza, en Cisjordanie et au Liban.


Le journaliste israélien à la renommée internationale, Gideon Levy, revient, pour l’Humanité, sur les massacres perpétrés le 7 octobre 2023 et la guerre menée par Israël à Gaza, en Cisjordanie et au Liban.
Pierre Barbancey

Au quotidien Haaretz depuis 1982, Gideon Levy est devenu une conscience rare, se rendant régulièrement dans les territoires palestiniens occupés. À longueur de colonnes, il dénonce l’occupation et l’apartheid. Lui, dont les grands-parents sont morts dans un camp de concentration nazi, ne craint pas de critiquer la politique de l’État d’Israël.

Qu’aviez-vous en tête lorsque vous avez appris ce qui s’est passé le 7 octobre ?

Je vais être franc. D’abord, j’ai entendu que des Palestiniens avaient franchi la clôture et je me suis dit : « Oh, le mur de Berlin est en train de tomber. » J’ai vraiment ressenti ça, et même un certain bonheur. Je pense que Gaza ne peut pas vivre dans une cage avec des barrières éternelles. J’ai cru que nous assistions peut-être à une protestation qui allait mener à une forme de liberté.

Durant les premières heures, je devais écrire ma chronique. Mon rédacteur en chef m’a appelé et m’a informé – ce que je ne savais pas – qu’il y avait des centaines d’Israéliens tués. J’ai compris qu’il ne s’agissait pas du mur de Berlin, et j’ai changé d’avis.

À la fin de la journée, il était clair que des choses terribles s’étaient produites, ce 7 octobre. Il faut néanmoins rappeler que ce qui s’est passé ce jour-là s’inscrit dans un contexte. Il y a une raison à tout ; cela ne veut pas dire que je justifie tout.

Mais, pensez-vous vraiment que 2,3 millions de personnes vivraient pendant dix-huit ans dans la plus grande prison au monde et l’accepteraient pour toujours ? Le 7 octobre est arrivé de la manière la plus brutale, mais après dix-huit ans en prison, les gens peuvent devenir fous.

Netanyahou revendique le droit d’Israël à se défendre. Après 41 000 morts à Gaza, peut-on parler de « défense » ?

Il y a eu un choc et un traumatisme. Je suis allé dans les kibboutz et les villages attaqués, deux jours plus tard ; j’ai vu des scènes terribles. Je ne minimise rien. Mais, dorénavant, tout se passe comme si nous pouvions faire ce que nous voulons.

Nous pouvons tuer 41 000 personnes sans que quiconque n’ait le droit de nous dire que c’est criminel, illégal et génocidaire ? Nous pouvons tuer 17 000 enfants et dire que c’est de l’autodéfense ? Non. Israël a le droit de se défendre, mais pas de commettre un génocide. Le 7 octobre ne donne pas à Israël la liberté de se comporter en sauvage.

Pourquoi le peuple israélien dans sa majorité accepte-t-il cette façon de penser ?

La société israélienne se trouve dans l’un des pires moments de son histoire. Depuis le 7 octobre, les gens croient que la seule chose à faire est de se venger.

Ils sont choqués par ce qui s’est passé et pensent qu’il n’y a ni place pour l’empathie envers les Palestiniens ni limite à notre agression. C’est ce qui explique l’incroyable soutien de presque tous les Israéliens à la guerre menée à la fois à Gaza et au Liban.

L’expression d’une certaine empathie envers les Palestiniens est quasiment considérée comme criminelle. Des enseignants ont perdu leur emploi, des Palestiniens israéliens ont été arrêtés pour cela. La société israélienne a beaucoup changé, le 7 octobre, et pas en mieux.

Mais l’extrême droite était déjà élue…

Exact. Mais tout est sorti de la boîte après le 7 octobre. Le racisme, la haine des Palestiniens, la soif de sang, l’avidité primitive de se venger, de punir : tout est devenu légitime.

Le 7 octobre a aussi tué la soi-disant gauche israélienne. Les manifestations que vous voyez ici sont très impressionnantes, mais ce n’est pas contre la guerre. Ne vous méprenez pas : c’est contre Netanyahou, pour la libération des otages, mais pas contre le massacre, ni la famine à Gaza. Il ne s’agit pas non plus de ce que nous faisons au Liban.

Comment la société israélienne peut-elle continuer ?

Il est très difficile d’attendre un changement de la société israélienne. Elle est désormais totalement aveugle. Elle a subi un lavage de cerveau. Personne ne parle de paix, de solidarité avec les Palestiniens, de leurs souffrances.

Israël a perdu son humanité dans cette guerre, et la société israélienne également. Israël peut faire ce qu’il veut, personne dans le pays ne s’en souciera. Les gens ont perdu l’empathie. Ils ne voient pas les Palestiniens comme des êtres humains. Pour eux, tous les habitants de Gaza ont tué, le 7 octobre.

Le peuple israélien sait-il exactement ce qui se passe à Gaza ?

Non, il ne le sait pas parce que les médias israéliens évitent de lui montrer la réalité. Savoir qu’il y a 41 000 morts, c’est une chose. Voir les images des enfants affamés et mourant sur le sol des hôpitaux, c’est autre chose. Les citoyens français ont vu plus d’images de Gaza que n’importe quel Israélien qui vit pourtant à une heure de Gaza.

Comment est-ce possible à l’heure des réseaux sociaux ?

Grâce à la collaboration des médias libres, qui se comportent comme les médias russes. Pas à cause de la pression du gouvernement ou de la censure. À cause de considérations commerciales. Nous savons ce que les gens attendent de nous : ils ne veulent pas voir, ils ne veulent pas savoir.

Nous ne les montrerons donc pas, à part à Haaretz. Nous sommes au XXIe siècle, il y a Internet, il y a les réseaux sociaux, mais il faut vouloir voir. Il faut choisir de voir. Si vous n’êtes pas intéressé, vous ne voyez rien. La plupart des Israéliens, sinon tous, ne veulent pas savoir.

Comment réparer ce qui a été cassé ?

Je ne suis pas sûr que tout puisse être réparé. Je ne vois pas comment nous pouvons nous en sortir quand les Israéliens ont perdu tout espoir dans un quelconque type de règlement, de coexistence ; quand la plupart des Israéliens croient que tous les Palestiniens sont le Hamas et tous les Palestiniens sont la Nukhba – les forces spéciales du Hamas qui ont commis les meurtres le 7 octobre.

Je ne vois pas comment quand il n’y a ni médias ni dirigeants en Israël qui essaient de changer les choses. Je ne vois pas de solution, sauf si la communauté internationale commence à agir, comme elle l’a fait avec la Russie après l’invasion de l’Ukraine ou envers l’Afrique du Sud, avec l’apartheid. La Russie a envahi l’Ukraine en quelques semaines. Israël a envahi Gaza et, maintenant, le Liban. Qui parle de sanctions contre Israël ? Personne.

En Europe et en France, critiquer Israël revient à se voir accusé d’antisémitisme…

Ignorez cela. C’est une manipulation cynique de la propagande israélienne. Il y a de l’antisémitisme, et il faut le combattre. Mais tous ceux qui critiquent Israël ne sont pas des antisémites, pour l’amour de Dieu ! La plupart d’entre eux ne le sont pas car ce sont des gens de conscience. Quand un citoyen français voit le massacre d’enfants et crie « Arrêtez ça ! », il crie à son gouvernement de faire quelque chose. Qu’est-ce que cela a à voir avec l’antisémitisme ?

« Personne n’ose dire un mot sur Israël. Ne tombez pas dans ce piège : vous n’avez pas seulement le droit de critiquer Israël, vous en avez le devoir. »

Cette manipulation est très efficace parce que l’Europe est paralysée. Personne n’ose dire un mot sur Israël. Ne tombez pas dans ce piège : vous n’avez pas seulement le droit de critiquer Israël, vous en avez le devoir. Le contexte est l’occupation et la colonisation depuis cinquante ans, et vous en voyez les résultats.

Les Palestiniens n’accepteront jamais l’occupation. Connaissez-vous un peuple prêt à vivre sans citoyenneté ? Tout dissident russe a la citoyenneté russe. Tout combattant africain de la liberté a une citoyenneté ; Nelson Mandela avait une citoyenneté.

Lorsque la Cour internationale de justice parle d’un possible génocide à Gaza, la réponse israélienne consiste à réfuter cette possibilité du fait de la Shoah. Que répondez-vous à cela ?

Est-ce que cela vous convainc ? Non. Ça ne me convainc pas non plus. Les victimes du plus grand génocide de l’histoire devraient être encore plus sensibles lorsqu’il s’agit du génocide d’autres peuples. Les Israéliens font le contraire.

Ils estiment qu’après la Shoah, nous avons le droit de faire ce que nous voulons. Que personne n’a à nous dire ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas, ce qui est moral et ce qui ne l’est pas.


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