, Hespress, 20/11/2024
Face aux défis socio-économiques et climatiques croissants, le Maroc voit émerger des vagues de migration interne au cours de la dernière décennie. Les zones urbaines deviennent le refuge d’une population contrainte de quitter les milieux ruraux. Plutôt que d’envisager une migration à l’étranger, ces individus choisissent de se diriger d’abord vers les villes à la recherche d’une vie plus ou moins stable.
En effet, les effets conjugués de la désertification et des sécheresses réinventent la carte humaine du pays. Selon les données préliminaires du Haut-Commissariat au Plan (HCP) issues du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2024, le Maroc a enregistré un déclin de la population dans les zones rurales de plusieurs régions sur la dernière décennie. Il s’est avéré que près de 2 millions de Marocains ont quitté ces milieux vers les zones urbaines en dix ans.
Pour Charles Autheman, consultant international des questions de la migration, « les problématiques de migration interne au sein d’un pays sont souvent plus difficiles à cerner et à quantifier. En effet, une personne se déplaçant à l’intérieur de son propre pays n’a pas besoin de visa, ne traverse pas de frontière et n’est pas nécessairement tenue de signaler son déménagement« .
Il donne ainsi comme exemple le cas d’une personne qui, originaire d’une région du Maroc, décide de s’installer dans une autre région du même pays. Elle n’est pas tenue de se déclarer auprès des autorités, contrairement à ce qu’exigerait une émigration vers un autre pays. « Cela explique pourquoi nos connaissances sur les migrations internationales sont souvent plus approfondies que celles sur les migrations internes. Il est toutefois possible d’affirmer que les logiques qui sous-tendent ces migrations sont fondamentalement similaires« , précise-t-il à Hespress FR.
Autheman explique que les déplacements sont majoritairement motivés par des raisons économiques, en particulier lorsque la région d’origine cesse d’offrir des perspectives d’emploi. Avant de s’aventurer à l’étranger en quête de nouvelles opportunités, les individus préfèrent généralement explorer les possibilités de travail disponibles au sein de leur propre pays.
Même dans cette situation, « vous pouvez faire face au même phénomène de discrimination, de difficultés, de vulnérabilité, parce que finalement, vous sortez de votre écosystème naturel pour aller ailleurs. Ce que l’on observe aujourd’hui est certainement une augmentation de la migration interne, qui est un peu la grande tendance des dernières décennies« , poursuit le spécialiste.
Il souligne que l’exode rural, phénomène bien connu depuis l’avènement de l’industrialisation, est accentué par la mécanisation agricole qui réduit la nécessité d’une main-d’œuvre importante dans le secteur. En conséquence, de nombreuses personnes se sont progressivement tournées vers l’urbanisation, contribuant au développement des secteurs des services et de l’industrie manufacturière.
A ces dynamiques s’ajoutent des facteurs exacerbant les difficultés de la vie dans certains territoires, notamment ruraux. Parmi ceux-ci, le changement climatique et le dérèglement climatique occupent une place prépondérante. Selon l’expert, le changement climatique représente une transformation de fond qui altère graduellement les conditions climatiques de certaines régions sur le long terme, tandis que le dérèglement climatique rend le climat de plus en plus imprévisible, compliquant ainsi davantage les conditions de vie dans ces zones.
« Au Maroc, on le voit avec la désertification, avec les sécheresses, qui fait que ça pousse un certain nombre de personnes à se déplacer. On nous dit parfois, au niveau international, que ces personnes quitteront le Maroc. Cependant, avant d’envisager un départ à l’étranger, elles se déplacent à l’intérieur du pays. Souvent, elles migrent vers des espaces urbains, considérés comme plus hospitaliers, car il y est plus facile de se sédentariser comparé à un autre espace rural, souvent perçu lui-même comme potentiellement risqué« , fait savoir notre interlocuteur.
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