Dans les ruelles chaotiques des plus grandes villes marocaines, à l’ombre des gratte-ciels, sur fond de paysages de béton fissuré, se joue une tragédie à peine invisible que certains tentent pourtant d’ignorer. La plaie urbaine des toits en tôle, véritable atteinte à la dignité humaine, laisse deviner une histoire en souffrance. Espoir trahi, attentes suspendues, qu’adviendra-t-il du dangereux habitat insalubre au Maroc ?
Sabrina El Faiz, lebriefma, 30/11/2024
Il suffit de se perdre, de poser ce GPS et de décrocher ses yeux de son téléphone. À une rue de la vie dite normale, ce sont des quartiers types El Hank, à Casablanca, ou encore Ghandi, qui cachent, derrière leurs plus hauts immeubles, de très belles façades de pauvreté. Cette carte ne saurait se faire une place sur les stories instagrammables des touristes visitant les plus belles villes du pays.
Ces espaces informels, labyrinthe de ruelles étroites où la lumière peine à s’immiscer, incarnent l’antithèse de la modernité triomphante qui s’affiche fièrement sur les brochures touristiques du Maroc. Eux, ce sont la marge oubliée. Une marge aussi petite que celle d’un cahier où des milliers d’âmes survivent dans une promiscuité accablante. Les conditions de vie y sont plus que précaires, entre les fuites d’eau dissimulées et l’odeur âcre de l’humidité. Entre ces murs, chaque goutte de pluie devient une menace. Un quotidien qui se mue aisément en combat.
Commençons par définir un bidonville. Un bidonville, comme expliqué par le Programme des Nations unies pour les établissements humains, «est la partie défavorisée d’une ville caractérisée par des logements très insalubres et construits par les habitants avec des matériaux de récupération, une grande pauvreté et sans aucun droit ou sécurité foncière». Selon Mohammed Hakim Belkadi, consultant architecte des écosystèmes urbains prédictifs et des milieux interconnectés, un habitat insalubre est un logement ne répondant pas aux normes minimales de sécurité, de salubrité et de dignité. Cela inclut des habitations dépourvues d’accès à l’eau potable, à l’électricité ou à des installations sanitaires adéquates, souvent construites de manière précaire et dans des zones à risques (inondations, glissements de terrain…). Au Maroc, plusieurs villes connaissent encore ce problème, notamment Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech et Fès. Ces habitats se concentrent principalement dans les périphéries urbaines ou au sein de bidonvilles historiques, où les efforts de résorption peinent à suivre la croissance démographique et l’exode rural.
A travers des programmes comme « Villes sans bidonvilles » des habitations insalubres s’effacent peu à peu du paysage, des familles retrouvent la chaleur d’un foyer digne et des projets urbains voient le jour. Mais à mesure que les bulldozers déchirent les baraques, une autre lutte s’intensifie, bien plus sournoise : celle contre la corruption, l’abus et les pratiques qui entachent les programmes d’aide.
Tour du Maroc des bidonvilles
Dans son intervention au Parlement, début novembre 2024, Fatima Ezzahra El Mansouri, ministre de l’Aménagement du territoire, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la ville a détaillé les avancées du programme d’aide directe au logement. Depuis son lancement, ce programme a touché 29.000 ménages, comme précisé plus tôt, offrant à des familles modestes une chance de devenir propriétaires. Dans des villes comme Safi ou Meknès, où l’urbanisation sauvage avait laissé proliférer les habitats insalubres, les bénéficiaires voient leurs conditions de vie s’améliorer et l’économie elle-même peut en ressentir l’impact : une augmentation de 24,8% des ventes de ciment et de 12,1% des transactions immobilières, selon les données du ministère.
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