Francisco Carrión , El Independiente, 10/3/2025
Traduit par Tafsut Aït Baâmrane, Tlaxcala
Première entreprise du secteur, elle dispose d’une flotte de 40 avions légers qui survolent de vastes étendues de terre pour trouver des anomalies dans le sous-sol.
Son nom évoque une légende
arthurienne et, s’il pourrait bien être le fruit de la magie, sa potion est une
application de la science et de l’innovation. Sa chasse au trésor intervient alors
que les
minéraux critiques et les terres rares font la une des journaux et que le
président de la plus grande puissance mondiale prêche sur tous les toits son
désir de les contrôler, du Groenland à l’Ukraine. Chez Xcalibur, une entreprise
purement espagnole, on est bien conscient de la course mondiale à la recherche
des richesses dont tout le monde parle.
« Nous aimons dire que ce
que nous faisons n’est pas très différent des scanners des médecins. Au lieu de
le faire sur des êtres humains, nous l’appliquons à des corps géologiques »,
explique à El Independiente Dario Castellanos, directeur général de
Xcalibur Smart Mapping au Moyen-Orient, l’une des régions de la planète qui s’est
jointe à la course contre la montre pour trouver ce qui est encore caché sous
terre. Le pétrole qui a transformé la péninsule arabique a cédé la place à la
course pour trouver et contrôler des minéraux essentiels tels que le lithium,
le cobalt et le nickel, qui sont la clé de la transition vers l’énergie propre
- des éoliennes aux panneaux solaires en passant par les véhicules électriques.
40 avions et 50 000 kilomètres parcourus
C’est le nouvel or et Xcalibur
est à sa recherche, avec une flotte de plus de 40 avions qui scrutent de vastes
étendues de terre à la recherche d’anomalies. « Si la médecine est capable
de détecter des grosseurs, qui peuvent être malignes ou bénignes, nous
utilisons le magnétisme du sous-sol, les propriétés radiologiques du sous-sol
ou la densité des roches avec différentes technologies pour détecter les anomalies »,
explique Castellanos. « L’ aérogéophysique est le procédé le plus rapide et le plus
efficace actuellement disponible, car il n’est pas invasif et ne nécessite pas
de route vers des endroits très inhospitaliers. Les avions volent à plus de 200
kilomètres à l’heure et il s’agit d’une première approche très rapide et
efficace », ajoute-t-il.
Manuel Regueiro, président de l’Ilustre
Colegio Oficial de Geólogos, ajoute : « Ce qui est vraiment nouveau, c’est
qu’ils ont adapté des technologies de mesure existantes avec leur propre
équipement pour les mettre sur des hélicoptères et des avions. Ils ont donc
leurs propres avions, leurs propres hélicoptères et leurs propres drones. L’une
de leurs principales utilisations est la prospection minière, mais ils sont
également en phase de test pour détecter l’hydrogène naturel, qui est le
carburant propre de l’avenir », explique l’expert.
La cartographie implique des
avions et des hélicoptères capables de transporter des équipements pesant plus
de 500 kilogrammes. « C’est précisément ce poids qui empêche pour l’instant
l’utilisation de drones. Outre le problème de l’autonomie, un drone capable de
soulever jusqu’à 600 kilos pourrait être piraté et utilisé à d’autres fins »,
explique Castellanos. Pour la reconnaissance géophysique, ils utilisent des Cessna
208B Grand Caravan et Cessna 208B Supervan 900, des avions à turbine couramment
utilisés pour transporter des passagers entre les îles, qui ont été modifiés
pour effectuer des relevés géophysiques aériens. « Ils sont équipés d’un
câble auquel est suspendue une boucle, ainsi que d’un magnétomètre et d’un
compteur. C’est un système que nous avons breveté sur un petit avion, très
efficace pour ce type de travail ».
Exemple de carte d’anomalies dessinée par l’avion
Les résultats de cette
cartographie sont examinés par ceux qui peuvent les déchiffrer. « Les
géophysiciens sont vraiment les personnes les plus intelligentes de notre
société, celles qui analysent, traitent et interprètent les données afin de
savoir plus ou moins où se trouvent les gisements ». Basée à Madrid,
Xcalibur possède des bureaux de production en Australie, au Canada et en
Afrique du Sud.
« Si le minéral émet des
radiations, on peut détecter sa présence. En se basant sur ce que ces types de
roches émettent, on obtient un spectre qui permet de savoir de quel type de
roche il s’agit et de quel gisement il pourrait s’agir », confirme Regueiro.
Xcalibur, qui compte plus de 250 employés directs, se targue d’être le leader
mondial dans le domaine de la géophysique et de la cartographie aéroportées.
Elle affirme avoir signé plus de 1 400 projets. Sa flotte a parcouru plus de 50
millions de kilomètres linéaires sur les six continents.
À la recherche du “nouvel or” en Arabie saoudite
L’une de ses dernières missions,
la plus importante à ce jour, consiste à cartographier 500 000 kilomètres
carrés de la surface de l‘Arabie saoudite, l’un des plus grands producteurs de pétrole
au monde, tente de diversifier son économie, qui cherche à diversifier son
économie en se concentrant sur l’exploitation minière, entre autres secteurs. « L’Arabie
saoudite a une tradition minière séculaire. Les mines du roi Salomon étaient
situées dans une région du pays appelée Bouclier arabe. Les autorités cherchent
maintenant à cartographier la surface à l’aide de la magnétométrie et de la
radiométrie », explique Castellanos. « Quatre-vingt pour cent de la
cartographie est déjà réalisée et sera achevée dans les prochains mois. Les
données qui en résulteront seront téléchargées sur un portail web destiné à
attirer les investisseurs internationaux ». Jusqu’à sept avions légers ont
survolé le royaume pour tenter de découvrir ses richesses minérales.
La société espagnole offre le
premier indice de la carte au trésor. « Nous indiquons les anomalies du
sous-sol qui peuvent conduire à la découverte de gisements. Notre travail est
le premier maillon de la chaîne d’exploration. Une fois que l’on a les données,
il faut forer, ce qui peut coûter des millions d’euros. Nous limitons les
espaces à fouiller et maximisons les probabilités de succès de ces forages »,
admet l’Espagnol à la tête de la filiale en terre arabe, à mi-chemin entre les
Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite.
Xcalibur pose la première pierre
d’une aventure qui nécessite des doses illimitées de patience et de capital. « Avec
ces informations, nous devons descendre sur le terrain et faire la cartographie
détaillée ; prélever des échantillons et faire les premiers sondages pour voir
s’il y a vraiment quelque chose là ou pas », explique Regueiro. « Ce
n’est pas facile. Les gens pensent qu’en faisant voler un drone avec de l’équipement,
ils ont déjà le dépôt. Mais la géophysique aéroportée est plus complexe que ça »,
prévient l’universitaire.
Les minéraux essentiels et les
terres rares font l’objet d’une course effrénée, alors que des avertissements
récurrents font état de pénuries face à une demande galopante. Le cobalt, le graphite, le lithium et le nickel alimentent les
véhicules électriques et les systèmes de stockage de la toile. Certaines terres rares sont essentielles au
fonctionnement des moteurs électriques et des éoliennes. Le cuivre et l’aluminium
forment les réseaux électriques. Les métaux spéciaux sont essentiels à la
production d’hydrogène et d’énergie solaire. Selon un récent rapport du cabinet
de conseil McKinsey, l’offre actuelle de minéraux ne couvre que 10 à 35 % des
besoins prévus d’ici à 2050. Le document dessine un horizon proche : la demande
de sept minéraux essentiels à la production d’énergie propre - lithium, cobalt,
nickel, dysprosium, terbium, néodyme et praséodyme - pourrait doubler au cours
des cinq prochaines années.
« Nous sommes face à l’une
des plus importantes commandes de minerais jamais passées par l’humanité. L’intérêt
pour les minéraux n’a jamais été aussi grand. La transition énergétique
implique de réduire l’utilisation des combustibles fossiles pour consommer
beaucoup plus de minéraux », explique Castellanos. « Nous sommes au
début de cette chaîne. Si vous voulez trouver de nouveaux domaines plus
efficacement, l’aérogéophysique est la première étape », souligne-t-il.
La bataille du futur
Il s’agit d’une contribution
espagnole à un secteur dominé par la Chine, que Trump tente d’enrôler en la
menaçant, en annonçant son intention d’occuper ou d’acheter le Groenland, une
île sous contrôle danois, ou en forçant l’Ukraine, en pleine invasion russe, à
lui céder l’exploitation de ses minerais et de ses terres rares. Sous ces deux
latitudes, on ne connaît pas l’ampleur exacte des ressources que le président usaméricain
ambitionne d’exploiter. « Il n’y a pas de gisements démontrables de terres
rares au Groenland ou en Ukraine, il n’y a que des indications » souligne
Regueiro. « Trump suscite plus de pitié que de panique. Pour exploiter les
terres rares, il faut dépenser des millions en forages, en géologie, en
analyses, en tests, en conception d’usines... Cela prend au moins 10 ans. Et
dans 10 ans, Trump ne sera plus là », ajoute-t-il.
« Les Chinois ont été
beaucoup plus pionniers dans le domaine des matériaux de transition
énergétique. Ils sont en train d’envahir le marché des voitures électriques et le secret de leur réussite est leur
contrôle de la chaîne d’approvisionnement en minerais », admet Castellanos.
« J’aimerais dire de manière idéaliste que nous sommes des chasseurs de
trésors, mais en réalité, ce que nous fournissons, ce sont des données. Plus
que des poètes, nous sommes des mathématiciens et des géophysiciens. Nous
interprétons ces données pour clarifier la géologie du terrain »,
conclut-il.
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