Ils
n'ont plus le droit de se parler, de se voir, d'échanger... Les détenus
n'ont plus accès au parloir depuis le début du confinement. Une épreuve
faite de doutes, de désarroi et d'incertitude pour les prisonniers mais
aussi pour leurs familles.
Le 17 mars, le couperet tombe. La garde des Sceaux, Nicole Belloubet,
annonce la suspension des parloirs pour 15 jours. Au moins. Toutes les
demandes en cours sont annulées. Pour les détenus et pour leurs familles commence une longue, une très longue attente.
"C'est carrément une torture !" confie Monica dans un souffle. Son frère, incarcéré depuis 6 mois, vit dans l'attente de son procès. Elle était prête à aller à sa rencontre. Le sac contenant ses affaires, qu'elle a laissé depuis dans le salon, le lui rappelle à toutes les heures du jour.
Juste avant le parloir, un
coup de fil. Déception. Amertume. Inquiétude... Il est au plus bas, sous
anti-dépresseur. Elle correspond avec lui par courrier mais se ronge
les sangs à la lecture des quelques lignes qu'il couche sur le papier.
"Il est seul 24 heures sur 24. Confiné dans le confinement, rapporte Monica avec des larmes dans la voix. Pas de promenade, pas de contact. Rien. J'aimerais par dessus tout entendre sa voix, savoir s'il va bien. Il plonge dans une dépression. J'ai peur que ça se passe comme dans les Epadh. Plus il est fragilisé, plus il est vulnérable. S'il tombe malade, il n'aura pas les défenses...".
Monica ne comprend pas pourquoi il n'a pas le droit de sortir, pourquoi on garde en collectivité des gens comme lui. "Je ne dis pas de libérer des personnes qui ont tué ou commis des actes de pédophilie. Mais lui, il doit répondre de corruption passive. Il est en détention provisoire. Nous sommes français, toute sa famille est ici. Il ne va pas s'enfuir", plaide-t-elle. Avant de se dire prête à l'héberger et se porter garant pour lui devant le juge.
J'entends parler de contaminations de détenus. Il est livré à lui-même face à cette maladie. on ne sait rien de ce qui se passe dans ce centre pénitencier".
"Les personnes qui ne sont pas une menace pour les autres, il faut les mettre à l'abri. Ne pas les abandonner !"
"On nous a expliqué qu'on pouvait faire mieux avec moins, s'insurge cette fonctionnaire. Il y a eu des mouvements pour dire que ce n'était pas possible. Et maintenant, une crise éclate et plus rien ne fonctionne".
A l'intérieur des murs, le sentiment est plus que partagé. Celui que nous appellerons Laurent, 30 ans, répond à notre coup de fil. Il tient, dit-il, grâce à ce portable qu'il a dans les mains.
C'est sa compagne qui a établi le contact. C'est elle, le fil qui le relie à l'extérieur, à la vie. Laurent répond à nos questions sur un ton saccadé. La tension est palpable chez lui, même s'il préfère ne pas se plaindre. Ce qu'il veut dit-il : la justice.
"On sort à 50 types une fois par semaine au stade et dans la cour, tous les jours 40 minutes sans protection. ça vaut pour nous et pour les surveillants. On est à la même enseigne. C'est un problème au-dessus, de l'administration pénitentiaire".
Le
sentiment des détenus ? Que leur vie ne vaut pas la peine qu'on les
sauve. "On le vit très mal, très très mal. Le pire, c'est le matin quand
on se lève et qu'on se met à attendre. On nous garde à l'intérieur,
pourquoi ?"
"Il n'y a plus de réinsertion. Ma formation en espaces verts est arrêtée. On n'a aucune info. On ne sait pas si des détenus sont contaminés. Il y a des suspicions mais on ne sait rien".
"C'est comme si on nous demandait de ne plus respirer, là, sans nouvelles de personne, sans savoir comment ça se passe. Ce qu'on voit, c'est nos surveillants qui deviennent médecins, qui sont obligés de sevrer des détenus qui ne sont plus approvisionnés en drogue"
Les détenus lavent eux-mêmes leur linge dans les cellules. Dans ce centre de détention, une seule machine à laver est mise à leur disposition. Ces échanges de linge avec la famille, c'était un lien, tangible. Un polo repassé, quelques magazines... une preuve une fois de retour dans la cellule, dans l'isolement, que quelqu'un vous attend quelque part.
Laurent le reconnaît, c'est fondamental. Même si c'est illégal, heureusement, il a son portable et sa compagne au téléphone. Elle l'écoute, l'apaise. Elle l'attend à l'extérieur et lui dit "Tiens bon". Monica envoie la même pensée pour son frère, chaque jour, au-delà des barbelés : "Tiens bon !"
"C'est carrément une torture !" confie Monica dans un souffle. Son frère, incarcéré depuis 6 mois, vit dans l'attente de son procès. Elle était prête à aller à sa rencontre. Le sac contenant ses affaires, qu'elle a laissé depuis dans le salon, le lui rappelle à toutes les heures du jour.
Confiné dans le confinement
Juste avant le parloir, un
coup de fil. Déception. Amertume. Inquiétude... Il est au plus bas, sous
anti-dépresseur. Elle correspond avec lui par courrier mais se ronge
les sangs à la lecture des quelques lignes qu'il couche sur le papier."Il est seul 24 heures sur 24. Confiné dans le confinement, rapporte Monica avec des larmes dans la voix. Pas de promenade, pas de contact. Rien. J'aimerais par dessus tout entendre sa voix, savoir s'il va bien. Il plonge dans une dépression. J'ai peur que ça se passe comme dans les Epadh. Plus il est fragilisé, plus il est vulnérable. S'il tombe malade, il n'aura pas les défenses...".
Monica ne comprend pas pourquoi il n'a pas le droit de sortir, pourquoi on garde en collectivité des gens comme lui. "Je ne dis pas de libérer des personnes qui ont tué ou commis des actes de pédophilie. Mais lui, il doit répondre de corruption passive. Il est en détention provisoire. Nous sommes français, toute sa famille est ici. Il ne va pas s'enfuir", plaide-t-elle. Avant de se dire prête à l'héberger et se porter garant pour lui devant le juge.
Son dernier courrier m'a fait peur. Il m'écrit que les anti-dépresseurs le rendent confus. Je ne sais même pas s'il s'alimente. On imagine tout et n'importe quoi... J'ai juste peur !
J'entends parler de contaminations de détenus. Il est livré à lui-même face à cette maladie. on ne sait rien de ce qui se passe dans ce centre pénitencier".
Sanction démesurée
Pour Monica, qui oscille entre une révolte contenue et un désarroi profond, le problème n'est pas de nier sa responsabilité. Mais "de prendre des mesures exceptionnelles dans une période exceptionnelle". Elle ne comprend pas que certaines institutions s'arrêtent de fonctionner. "Il a commis une faute grave, c'est vrai mais la sanction par rapport à ce qui se passe, est démesurée !""Les personnes qui ne sont pas une menace pour les autres, il faut les mettre à l'abri. Ne pas les abandonner !"
"On nous a expliqué qu'on pouvait faire mieux avec moins, s'insurge cette fonctionnaire. Il y a eu des mouvements pour dire que ce n'était pas possible. Et maintenant, une crise éclate et plus rien ne fonctionne".
Il faut remettre les choses en question, agir dans l'urgence, ne pas laisser la situation s'envenimer. Or c'est ce qui est en train de se passer.
A l'intérieur des murs, le sentiment est plus que partagé. Celui que nous appellerons Laurent, 30 ans, répond à notre coup de fil. Il tient, dit-il, grâce à ce portable qu'il a dans les mains.
C'est sa compagne qui a établi le contact. C'est elle, le fil qui le relie à l'extérieur, à la vie. Laurent répond à nos questions sur un ton saccadé. La tension est palpable chez lui, même s'il préfère ne pas se plaindre. Ce qu'il veut dit-il : la justice.
Aucune protection
"Déjà tout le monde ne fume pas en prison. J'entends : pas de parloir, pas de drogue... Il faut arrêter de nous stigmatiser". Ce qui le révolte par dessus tout : l'absence de protection face à la maladie.On n'a ni gel, ni masques. Nos surveillants en ont un par journée. Autant dire que ça ne sert à rien.
"On sort à 50 types une fois par semaine au stade et dans la cour, tous les jours 40 minutes sans protection. ça vaut pour nous et pour les surveillants. On est à la même enseigne. C'est un problème au-dessus, de l'administration pénitentiaire".
"On le vit très mal, très très mal"
Le
sentiment des détenus ? Que leur vie ne vaut pas la peine qu'on les
sauve. "On le vit très mal, très très mal. Le pire, c'est le matin quand
on se lève et qu'on se met à attendre. On nous garde à l'intérieur,
pourquoi ?""Il n'y a plus de réinsertion. Ma formation en espaces verts est arrêtée. On n'a aucune info. On ne sait pas si des détenus sont contaminés. Il y a des suspicions mais on ne sait rien".
L'angoisse d'être contaminé
Laurent a été incarcéré en 2019 pour vol en récidive. Il lui reste 18 mois avant de sortir. Il ne comprend pas pourquoi sa peine ne peut être commuée comme la loi Taubira le préconise. Et l'angoisse d'être contaminé ressurgit : si je suis contaminé, je ne le saurai même pas. On n'est pas dépisté. Ils ne peuvent rien faire d'autre ici que de nous isoler"."C'est comme si on nous demandait de ne plus respirer, là, sans nouvelles de personne, sans savoir comment ça se passe. Ce qu'on voit, c'est nos surveillants qui deviennent médecins, qui sont obligés de sevrer des détenus qui ne sont plus approvisionnés en drogue"
Ils n'ont aucun moyen. Ils doivent faire face à de grosses tensions. Tous les jours, un détenu au moins pète les plombs !
Les détenus lavent eux-mêmes leur linge dans les cellules. Dans ce centre de détention, une seule machine à laver est mise à leur disposition. Ces échanges de linge avec la famille, c'était un lien, tangible. Un polo repassé, quelques magazines... une preuve une fois de retour dans la cellule, dans l'isolement, que quelqu'un vous attend quelque part.
Laurent le reconnaît, c'est fondamental. Même si c'est illégal, heureusement, il a son portable et sa compagne au téléphone. Elle l'écoute, l'apaise. Elle l'attend à l'extérieur et lui dit "Tiens bon". Monica envoie la même pensée pour son frère, chaque jour, au-delà des barbelés : "Tiens bon !"
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