Coronavirus
Dans
son allocution du lundi 13 avril, le président de la République
annonçait la réouverture prochaine des établissements scolaires à partir
du 11 mai. Le docteur Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des
Médecins de France, appelle les autorités à la prudence pour éviter de
relancer l'épidémie.
L'école à la maison connaît-elle ses derniers jours ? Ce lundi 13 avril, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la réouverture progressive des crèches, écoles, collèges et lycées à partir du 11 mai sous quelques conditions. "Le
gouvernement aura à aménager des règles particulières, organiser
différemment le temps et l'espace, bien protéger nos enseignants et nos
enfants avec le matériel nécessaire", a-t-il précisé lors de son allocution télévisée. Dans la foulée, son ministre de l'Éducation, Jean-Michel Blanquer, a précisé que ces réouvertures ne se feront pas du jour au lendemain et sans précautions ni "moyens sanitaires". "C'est
tout sauf sérieux de rouvrir les écoles alors que l'on sait que c'est
un lieu de haute transmission, de haute contamination", a
immédiatement réagi Francette Popineau, secrétaire générale du
Snuipp-FSU, syndicat enseignant du premier degré. Une décision
imprudente ? Pour le docteur Jean-Paul Hamon, président de la Fédération
des Médecins de France, une réouverture précipitée des établissements
pourrait relancer l'épidémie. Entretien.
Marianne : Rouvrir les écoles, est-ce bien raisonnable dans le contexte sanitaire actuel ?
Jean-Paul Hamon : On voit que l'on a une épidémie extrêmement active. Ce n'est pas parce que l'on a, actuellement, une centaine de lits de réanimation supplémentaires qui sont vides que l'on doit relâcher l'étau. Parce que là, franchement, avec cette décision, il y a quand même un risque de relancer l'épidémie. Pour autant, je veux croire à la prudence affichée par Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation, en déclarant qu'il ne s'agira que d'un redémarrage progressif et ciblé par région. J'ose espérer qu'ils seront raisonnables là-dessus. Parce que si on ouvre toutes les vannes, c'est faire encourir un grand risque à la population. Que ce soit aux professeurs, aux parents, à leur entourage respectif, ou même aux enfants.
Sous quelles conditions les écoles pourraient rouvrir avant l'été, selon vous ?
Si l'on parvient à contenir l'épidémie et que, dans le même temps, on réussit à obtenir assez de masques pour le personnel et les enfants.
On peut imaginer un scénario à la coréenne où les élèves et les membres du personnel suspects seront testés, tout comme l'entourage, tout en étant équipés de masques, pour que la vie du pays se poursuive... Mais un tel choix veut aussi dire que nous renonçons à la fameuse immunité collective, où 60% de la population doit être touchée pour neutraliser le virus, pour préférer acter le fait que le virus va s'installer dans la durée et qu'il faut donc vivre avec. Il faut trancher.
Pour ma part, je pense qu'il ne faut pas laisser filer le virus, hypothèse privilégiée un temps par les Pays-Bas et la Suède. En effet, à l'heure actuelle, 10 à 12% des personnes atteintes ont besoin d'une hospitalisation dont une part nécessite d'être admis en réanimation. Si 60% de la population développe le virus, nous n'auront jamais les capacités d'accueillir 4 millions de personnes dans nos hôpitaux... C'est pour cela que la décision de rouvrir les écoles peut apparaître comme étonnante. Sauf si cela se fait de manière très très progressive.
L'Éducation nationale compte tout de même 800.000 enseignants et plus de 12 millions d'élèves... A-t-on au moins les moyens de leur fournir des masques et des tests en nombre suffisant ?
C'est difficile de l'imaginer même si le gouvernement promet le contraire. Actuellement, je crois qu'il est plus réaliste d'imaginer ces Français jouer le jeu de la débrouille pour se protéger... En fabriquant par exemple des masques en tissus, doublés, lavables et réutilisables. Même si on a dit aux Français, au début de l'épidémie, que ça ne servait à rien d'être équipés en masque, il faut bien se rendre à l'évidence que c'est le seul moyen de se protéger. Beaucoup de personnes sont asymptomatiques et transmettent le virus sans le savoir. Alors, en mettant un masque, on se protège et on protège les autres. Même si les masques en tissus ne sont pas idéals et ne protègent qu'à 85%...
Faute de pouvoir protéger tout le personnel et les élèves des écoles, si l'on veut vraiment desserrer la vis, la solution à privilégier, selon moi, serait plutôt une ouverture de quelques écoles pour voir comment ça se passe. Lancer une sorte de test pour ne pas prendre le risque de relancer l'épidémie. Il ne faudrait pas réitérer certaines erreurs. Je pense notamment au maintien de certains matchs de football, comme par exemple Lyon-Juventus en février dernier qui a provoqué énormément de cas dans les 15 jours suivants dans toute la région Auvergne-Rhône-Alpes... La réouverture massive des écoles provoquera à coup sûr le même genre de résultat.
Un mot sur les enfants : cette réouverture pourrait-elle leur faire courir certains risques ?
En théorie, on dit que les enfants ne développent pas de formes graves. Cependant, on a eu quelques contre-exemples. Il y a notamment le cas de cette adolescente de 16 ans qui est décédée du Covid-19 et qui n'avait aucun antécédent. En réalité, le plus inquiétant, c'est que l'on ne connaît rien de ce virus. Encore aujourd'hui. Par exemple, et on sort du simple cas des enfants : en ce moment, nous sommes en train de découvrir qu'avec ce virus, il peut y avoir des problèmes de coagulation, des dermatologues nous avertissent sur des risques d'acrocyanose avec des micro-emboles au niveau des doigts et avec des risques d'embolie...
Alors pour les enfants uniquement, même après plusieurs semaines d'épidémie, on ne sait pas encore tout. Pour le moment, on a l'impression qu'ils tolèrent bien le virus, ils sont quasiment asymptomatiques même s'ils sont porteurs. Dans ces conditions, la prudence élémentaire, actuellement, n'est pas de rouvrir les écoles. Mais si cela doit se faire, il faut être extrêmement prudent, je le répète.
Est-ce que la réouverture des écoles pourrait être à l'origine de la fameuse deuxième vague épidémique ?
Si on ouvre les vannes largement, il est clair que les enfants seront à l'origine d'une recrudescence et donc de cette deuxième vague. Mais si on a les tests, si la population des écoles est masquée, je suis persuadé que cela pourra être contenu. Dans le cas contraire, le personnel des écoles sera en première ligne, tout comme leur famille. Et cela pourrait aller très vite. Même si je pense qu'il faut lâcher du lest à la population, pour éviter les troubles psychologiques notamment chez les personnes les plus isolées, et j'en vois chaque jour en consultation, il faut privilégier la prudence et ne surtout pas aller trop vite dans la reprise de certaines activités.
Marianne : Rouvrir les écoles, est-ce bien raisonnable dans le contexte sanitaire actuel ?
Jean-Paul Hamon : On voit que l'on a une épidémie extrêmement active. Ce n'est pas parce que l'on a, actuellement, une centaine de lits de réanimation supplémentaires qui sont vides que l'on doit relâcher l'étau. Parce que là, franchement, avec cette décision, il y a quand même un risque de relancer l'épidémie. Pour autant, je veux croire à la prudence affichée par Jean-Michel Blanquer, le ministre de l'Éducation, en déclarant qu'il ne s'agira que d'un redémarrage progressif et ciblé par région. J'ose espérer qu'ils seront raisonnables là-dessus. Parce que si on ouvre toutes les vannes, c'est faire encourir un grand risque à la population. Que ce soit aux professeurs, aux parents, à leur entourage respectif, ou même aux enfants.
Si l'on parvient à contenir l'épidémie et que, dans le même temps, on réussit à obtenir assez de masques pour le personnel et les enfants.
On peut imaginer un scénario à la coréenne où les élèves et les membres du personnel suspects seront testés, tout comme l'entourage, tout en étant équipés de masques, pour que la vie du pays se poursuive... Mais un tel choix veut aussi dire que nous renonçons à la fameuse immunité collective, où 60% de la population doit être touchée pour neutraliser le virus, pour préférer acter le fait que le virus va s'installer dans la durée et qu'il faut donc vivre avec. Il faut trancher.
Pour ma part, je pense qu'il ne faut pas laisser filer le virus, hypothèse privilégiée un temps par les Pays-Bas et la Suède. En effet, à l'heure actuelle, 10 à 12% des personnes atteintes ont besoin d'une hospitalisation dont une part nécessite d'être admis en réanimation. Si 60% de la population développe le virus, nous n'auront jamais les capacités d'accueillir 4 millions de personnes dans nos hôpitaux... C'est pour cela que la décision de rouvrir les écoles peut apparaître comme étonnante. Sauf si cela se fait de manière très très progressive.
L'Éducation nationale compte tout de même 800.000 enseignants et plus de 12 millions d'élèves... A-t-on au moins les moyens de leur fournir des masques et des tests en nombre suffisant ?
C'est difficile de l'imaginer même si le gouvernement promet le contraire. Actuellement, je crois qu'il est plus réaliste d'imaginer ces Français jouer le jeu de la débrouille pour se protéger... En fabriquant par exemple des masques en tissus, doublés, lavables et réutilisables. Même si on a dit aux Français, au début de l'épidémie, que ça ne servait à rien d'être équipés en masque, il faut bien se rendre à l'évidence que c'est le seul moyen de se protéger. Beaucoup de personnes sont asymptomatiques et transmettent le virus sans le savoir. Alors, en mettant un masque, on se protège et on protège les autres. Même si les masques en tissus ne sont pas idéals et ne protègent qu'à 85%...
Faute de pouvoir protéger tout le personnel et les élèves des écoles, si l'on veut vraiment desserrer la vis, la solution à privilégier, selon moi, serait plutôt une ouverture de quelques écoles pour voir comment ça se passe. Lancer une sorte de test pour ne pas prendre le risque de relancer l'épidémie. Il ne faudrait pas réitérer certaines erreurs. Je pense notamment au maintien de certains matchs de football, comme par exemple Lyon-Juventus en février dernier qui a provoqué énormément de cas dans les 15 jours suivants dans toute la région Auvergne-Rhône-Alpes... La réouverture massive des écoles provoquera à coup sûr le même genre de résultat.
En théorie, on dit que les enfants ne développent pas de formes graves. Cependant, on a eu quelques contre-exemples. Il y a notamment le cas de cette adolescente de 16 ans qui est décédée du Covid-19 et qui n'avait aucun antécédent. En réalité, le plus inquiétant, c'est que l'on ne connaît rien de ce virus. Encore aujourd'hui. Par exemple, et on sort du simple cas des enfants : en ce moment, nous sommes en train de découvrir qu'avec ce virus, il peut y avoir des problèmes de coagulation, des dermatologues nous avertissent sur des risques d'acrocyanose avec des micro-emboles au niveau des doigts et avec des risques d'embolie...
Alors pour les enfants uniquement, même après plusieurs semaines d'épidémie, on ne sait pas encore tout. Pour le moment, on a l'impression qu'ils tolèrent bien le virus, ils sont quasiment asymptomatiques même s'ils sont porteurs. Dans ces conditions, la prudence élémentaire, actuellement, n'est pas de rouvrir les écoles. Mais si cela doit se faire, il faut être extrêmement prudent, je le répète.
Est-ce que la réouverture des écoles pourrait être à l'origine de la fameuse deuxième vague épidémique ?
Si on ouvre les vannes largement, il est clair que les enfants seront à l'origine d'une recrudescence et donc de cette deuxième vague. Mais si on a les tests, si la population des écoles est masquée, je suis persuadé que cela pourra être contenu. Dans le cas contraire, le personnel des écoles sera en première ligne, tout comme leur famille. Et cela pourrait aller très vite. Même si je pense qu'il faut lâcher du lest à la population, pour éviter les troubles psychologiques notamment chez les personnes les plus isolées, et j'en vois chaque jour en consultation, il faut privilégier la prudence et ne surtout pas aller trop vite dans la reprise de certaines activités.
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