Pages

mercredi 30 décembre 2020

Mohammed VI, un règne sans honneur, par salahelayoubi


Nouvel article sur Le blog de Salah Elayoubi



Manifestation pro-palestinienne du 10 décembre 2017 Photo AFP Fadel Senna

« Qui sacrifie la liberté pour un peu de sécurité, ne mérite ni l’une ni l’autre »

En soi et dans l’absolu, la normalisation avec Israël n’aurait eu aucun impact s’il s’était agi  d’un pays Lambda avec lesquels nous serions en froid ou en conflit. Le pays est, en effet, à des milliers de kilomètres du notre. Nous n’avons ni frontières communes ni intérêts contradictoires. Nous n’avons jamais été en guerre, sauf à mener un semblant de coalition, en 1967 et en 1973, avec les partenaires de la Ligue arabe dont le moins que l’on puisse en dire est qu’elle réunit une assemblée de dictateurs corrompus que l’ex-président Moncef Marzouki qualifiait de « malfrats ».

Au contraire de nos pays, Israël est une démocratie, même si la démocratie ne s’applique complètement qu’à ses propres citoyens. Élément qui prêcherait en faveur de la paix, près d’un million d’israéliens et plusieurs ministres du gouvernement,  sont d’origine marocaine. Il est, au demeurant,  toujours tentant d’établir ou de rétablir des relations d’amitié et de coopération avec un pays avancé technologiquement et qui peut aider le vôtre à se sortir du sous-développement. Le pays  est un modèle en matière de développement. Même si ce dernier n’est rendu possible que grâce aux milliards de Dollars d’aides injectés par les lobbys juifs et évangélistes américains. Israël est à l’avant-garde des technologies dans l’éducation, l’agriculture du désert, l’industrie, la conquête spatiale, l’aéronautique, l’armement et dans bien d’autres domaines. Tout le contraire des pays arabes.  

Mais à plus d’un titre, Israël nous rappelle l’Afrique du Sud de l’Apartheid. Même développement, au détriment des populations autochtones. Mêmes crimes, même ségrégation et un lobbying surdimensionné qui aida le régime à se maintenir par la force des baïonnettes et des canons, avant son effondrement en 1991.

Dans le cas d’espèce, la normalisation avec le régime israélien est révoltante, à plus d’un égard:

1- Elle est le fait d’un seul homme, Mohammed VI,  réputé pour son mépris souverain, envers la classe politique et ses compatriotes, au point qu’il ne prend la peine de consulter ni la première ni les seconds. A ce titre,  la décision est pour le moins,  illégitime,  d’autant que l’écrasante majorité des Marocains est vent debout contre l’initiative en question.

2- Avoir instrumentalisé l’Islam, à ce point, durant soixante ans, se proclamer Commandeur des croyants, accepter la charge de président du Comité « Al Quds » et défenseur des lieux saints de Jérusalem et finir ainsi, relève d’une profonde schizophrénie. L’initiative est une trahison des intérêts des palestiniens et plus généralement, des musulmans.

3- On ne peut décemment agir ainsi et faire table rase des crimes commis par Israël depuis 1948, entre assassinats, meurtres, vols des terres, annexion des territoires, emprisonnements, ni espérer un répit dans tous ces crimes. Il ne peut, en outre se conclure de paix sans justice, sans reddition des comptes.

4- On savait que le régime marocain frayait avec l’état hébreu et entretenait des relations coupables avec ses services secrets depuis plus de soixante ans. Mais c’était plutôt le fait d’Hassan II. Mohamed VI commet l’erreur d’entériner le processus et de le reprendre à son compte, au pire moment, celui où Israël s’est enfoncé dans ses travers,  sous le gouvernement de Benyamin Netanyahu. 

5- L’initiative a ceci de grave qu’elle constitue un blanc-seing et un encouragement à la politique d’Apartheid et d’annexions entreprises par Israël.

6- Les Palestiniens, dont les dirigeants se sont considérablement enrichis, en collaborant activement avec Israël, se retrouvent seuls et abandonnés de tous. La normalisation sera menée au détriment de leur cause. Avec ce nouveau coup de poignard dans le dos, ils ne peuvent plus rien espérer, en termes de paix ni de récupération de leur terre.

7- Israël n’a jamais établi de relations avec un pays, sans en infiltrer l’appareil politique et espionner ses responsables et sa population. Des pratiques condamnables qui laissent envisager que le partenaire conserve toujours une arrière-pensée d’ourdir un mauvais coup et de vous trahir.

8- Mohammed VI aurait dû faire montre d’un minimum de retenue sinon de prudence. Il s’est au contraire, montré bien piètre à la manœuvre, malgré tout ce qu’en chantent ses laudateurs. Il a également fait la démonstration de sa grande faiblesse et de son absence totale de clairvoyance. Donald Trump est, en effet, sur le départ, après la pire présidence que les USA aient connu, en termes de comportement personnel, de politique étrangère, de traitement de la pandémie du Coronavirus, d’impulsivité et de déclarations frappées du coin de la bêtise. Céder ainsi au diktat d’un président “loser”, met le Maroc en porte-à-faux et son dossier du Sahara, à la merci du prochain locataire de la Maison Blanche qui plus est, est un adversaire politique du précédent. Il aura beau jeu de remettre les pendules en prenant le contrepied de son prédécesseur et en détricotant la pelote de ses bourdes et de ses inepties.

9- Le monarque normalise au pire moment,  alors que Netanyahu se trouve empêtré dans un processus judiciaire pour corruption. Il est lâché par ses électeurs et ses partenaires au gouvernement. L’initiative ressemble donc à s’y méprendre à une opération de sauvetage du soldat Netanyahu, un ennemi juré de la cause palestinienne et un adversaire de la solution des deux États. 

10- Plus grave, Donald Trump s’est fendu d’une simple déclaration présidentielle qui n’engage, pour le moment que la présidence. Or,  seul le congrès est habilité à confirmer voter et/ou prendre une telle décision de politique étrangère, lourde de sens. Mohammed VI et ses souffleurs viennent de faire la démonstration éclatante de leur  ignorance. 

11- Mohammed VI commet une lourde erreur en mettant dans la même balance et sur le même pied d’égalité, deux dossiers que tout oppose diamétralement. Ce faisant, il conforte ce sentiment qui prévaut,  auprès de la communauté internationale, qu’il reconnaît de facto, que le dossier du Sahara est affaire d’occupation illégale tout autant que l’est,  l’occupation de la Palestine.

12- La véritable décision en matière de reconnaissance est aux mains de l’ONU. Mohammed VI ne fait que tromper son peuple. Une vieille habitude de la monarchie.

13- Le PJD et ses comparses ont prouvé de manière éclatante leur parfaite inutilité dans le système voulu par la monarchie. Le marocain de la rue prend conscience de la vacuité de sa classe politique. Le silence complice des uns, les applaudissements des autres, l’indigence de tous, ne font que confirmer que le moment est venu de renvoyer tout ce petit monde à ses études,  sinon à la maison.

Mohammed VI entreprend de normaliser une vieille relation. Secrète et  coupable, frappée du sceau de la trahison et de l’infamie. Tout le contraire de ce que dicte l’intelligence. Il sauve, pour un temps, son trône qui vacille de son propre fait, lui qui fit pourtant naître de grandes espérances aux premières années de son règne. Hassan II lui avait pourtant ouvert un magnifique boulevard, en démocratisant à la fin de ses jours.  Mais l’homme se révèle, au contraire de son père, inculte, inconsistant et incapable de vision et d’intelligence politique, cédant à ses souffleurs. L'homme pense pouvoir sauver son régime au même titre que son père le fit,  lorsqu’il décréta la marche verte. Quarante-cinq ans plus tard, le dossier du Sahara empoisonne toujours la vie des Marocains, en raison des maladresses, des travers et des crimes de la monarchie et sa mafia.  Le rétablissement des relations avec Israël, dénoncé partout, y compris de l’intérieur, en raison de ses crimes,  achève de jeter le discrédit sur un règne dont il faut bien dire qu’il est à l’image de la paix qu’on s’apprête à signer : sans honneur !  

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire