Un
Président élu par défaut ne devrait pas, dans un pays exténué, déprimé,
bricoler une retraite à 64 ans avec une ambition de comptable.
« Emmanuel Macron veut relancer sa réforme des retraites coûte que coûte », titre Le Monde. «
Pour retrouver une dynamique politique et renouer avec son ambition
ré
formatrice, le chef de l’Etat souhaite que la réforme des retraites
entre en vigueur dès l’été 2023, malgré l’opposition des syndicats…
Soucieux d’aller vite, le chef de l’Etat n’exclut pas d’insérer la
réforme des retraites dans le projet de loi de financement de la
Sécurité sociale (PLFSS) cet automne… »
Je le dis, avec gravité, avec une solennité à laquelle je ne suis pas habitué, je le dis pour mon pays : c’est une folie.
Les
Français sont sortis déprimés, exténués, exaspérés, de la longue crise
du Covid. Que nous avons enchaînée avec la guerre en Ukraine et ses
conséquences sur les prix, l’inflation galopante, les découverts
bancaires, les salaires qui ne suivent pas.
Au
printemps, Emmanuel Macron n’est réélu que par défaut, sans campagne et
sans enthousiasme. Il ne trouve, à l’Assemblée, qu’une majorité de
raccroc, avec une assise incertaine : dans mon département, la Somme,
plus de la moitié de ses candidats n’ont même pas atteint le second tour
! Le Rassemblement national prospère comme jamais, aux aguets, dans une
France divisée.
L’été
fut marqué par les méga-feux chez nous, par la sécheresse, par un
réchauffement palpable. Et l’hiver se profile avec des coupures
d’électricité, du rationnement, l’explosion des factures.
C’est
dans ce climat, dans ces temps d’inquiétude, sociale, géopolitique,
écologique, que le chef de l’Etat envisage sa réforme des retraites, une
mesure qu’il sait, massivement, très massivement, impopulaire.
Sérieusement, c’est ça, sa priorité ? C’est l’urgence, l’équilibre des
comptes à l’horizon je ne sais pas trop combien ? C’est un impératif que
d’avoir, en plus, des grèves, des manifestations ?
Je
ne prédis aucun mouvement géant. On verra bien. Nul n’est prophète en
la matière. Et il est fort possible que la force de résignation
l’emporte, au final, sur une colère sans espérance.
Mais même si ça passe.
Même si ça passe sans trop de dégâts apparents.
Même si ça passe vite fait par de petits amendements.
Ne
pas croire que ça ne laissera pas de trace, durablement, dans le cœur
des gens, dans l’âme de salariés qui, très concrètement, le corps usé,
l’esprit fatigué, verront leur retraite attendue reculer encore. Ne pas
croire que, à agir ainsi, hors démocratie, on n’aiguise pas un peu plus
le sentiment d’injustice, on ne nourrisse pas en souterrain le
ressentiment. Et je sais, moi, quel en sera le débouché.
C’est stupide.
C’est dangereux.
Mais
si Monsieur Macron veut « renouer avec son ambition réformatrice »,
c’est pas en bricolant une retraite à 64 ans. Quelle « ambition » y
a-t-il à ça ? Une ambition de comptable. Non : que son « ambition
réformatrice », il la mette au service du plus formidable et du plus
terrible défi que l’Humanité ait eu à affronter : le changement
climatique.